Wal Fadjri : N'avez-vous pas l'impression que le président Wade cherche à diviser l'opposition ?
Amath Dansokho : Vous avez raison mais, nous aussi, nous savons percer des secrets, nous ne sommes pas nés de la dernière pluie. Les manœuvres de Wade peuvent être combattues par la montée en puissance d'une lame de fond qui doit mettre fin à ce système exécrable qui a tout détruit dans notre société au profit d'une oligarchie. Parce que depuis 2000, Wade était en quête du pouvoir. Et le vote du 25 février dernier consacre sa prise du pouvoir totale et totalitaire. Le Sénégal vit maintenant sous l'ère de l'oligarchie qu'il a créée avec les ressources publiques.
Wal Fadjri : Où est-ce que vous en êtes avec la coalition Alternative 2007 ?
Amath Dansokho : Nous confirmons tous notre ancrage dans la coalition. Evidemment, c'est une coalition qui n'est pas faite pour l'éternité. Si les circonstances dictent autre chose, puisque notre démarche est une démarche de recherche de solutions concrètes à la crise que nous vivons, nous verrons. Pour le moment, notre ancrage dans la coalition Alternative 2007 est effective. Mais, à présent, l'alliance des alliances, c'est la lutte contre le système qui a permis le hold-up électoral à la dernière présidentielle.
Wal Fadjri : Croyez-vous que le boycott est une solution au vu des leçons de l'histoire ?
Amath Dansokho : On n'a pas de choix. Mais, il y a eu des boycott. N'oubliez pas que le Sénégal, ce n'est pas un pays ordinaire du point de vue géopolitique et géostratégique. Comment avons-nous obtenu le Code électoral actuel qui nous a conduit à l'alternance ? Au lendemain des élections de 1988, le National democratic Institute (Ndi) avait organisé des consultations autour du Code électoral. Sur la base des conclusions de ces rencontres, il avait fait des propositions au gouvernement du Sénégal. C'est que les Américains étaient arrivés à la conclusion que les événements de 1988 ne s'apaiseraient pas tant qu'il n'y aurait pas un Code électoral consensuel. Par la suite, lorsque nous sommes entrés dans le gouvernement en 1991, la première mesure prise par Abdou Diouf, a été de constituer une commission cellulaire sous la présidence de Kéba Mbaye pour mettre en place un Code électoral consensuel avec lequel on est allé aux élections de 1996. Mais, là également, on s'est rendu compte que ça ne suffisait pas, et c'est ainsi qu'on s'est battu pour avoir l'Onel. C'est lui-même (Abdoulaye Wade : Ndlr) qui avait rédigé le projet de Ceni dont j'ai le texte jusqu'à présent. Il demandait exactement ce que nous demandons aujourd'hui. Il y a eu ensuite les élections de 1998. En 2000, il y a eu l'alternance qui a permis à Wade d'accéder au pouvoir.
Wal Fadjri : Mais, ne pensez-vous pas qu'une radicalisation pourrait mener le pays dans l'impasse ?
Amath Dansokho : Après toute cette lutte, nous n'allons pas laisser Wade faire ce qu'il veut du Sénégal. Et croyez-vous que les pays occidentaux vont laisser Wade troubler la paix dans l'Afrique de l'Ouest qui est déjà assez secouée ? Il faut voir la manière paresseuse avec laquelle il a reçu les félicitations de ces puissances après sa victoire. Ce n'était pas comme ça en 2000. C'est parce que les gens savent ce qui s'est passé. La Cia est présente à Dakar et elle connaît parfaitement la société sénégalaise. Les Français savent aussi comment les choses se sont passées. C'est pourquoi Wade s'est attaqué à eux au lendemain des élections. Subitement, il s'est levé pour critiquer Chirac et les candidats à la présidentielle française. La bataille, nous allons la mener pour le respect de la loi électorale. Et la communauté internationale ne sera pas en reste. Nous ne voulons pas de guerre civile, tout le monde sait que je suis opposé à ça. D'ailleurs, mes différends avec Wade ont porté sur cette question. Il voulait nous embarquer dans la guerre civile à la faveur du conflit sénégalo-mauritanien, allant jusqu'à s'allier avec l'ex-président de la République de Mauritanie, Ould Taya. C'est sur ça que j'ai rompu avec lui en 1989, on l'oublie. Prenez Wal Fadjri magazine, à l'époque, j'ai accordé une longue interview sur mes différends avec Wade. Tout cela pour dire que notre boycott, ce ne sera pas un boycott couché. Ce sera plutôt un boycott actif, un foisonnement d'initiatives pour remettre nos procédures démocratiques sur le pied.
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