Macky Sall, la crosse en l’air, pour affronter le fils du Président, Karim Wade, dans une prétendue guerre de succession au fauteuil présidentiel. C’est ce scénario invraisemblable que le chargé de la propagande du Pds, Farba Senghor, a mis en scène, consciemment ou inconsciemment, hier, sur les ondes de nos confrères de la Rfm. Il faut vraiment être atteint d’une formidable cécité politique pour avaler pareille gageure. C’est tout simplement «gigantin», à la limite renversant, d’envisager un western politique mettant en duel Macky Sall et Karim Wade, avec le père de ce dernier dans la posture de défendeur et de protecteur de son fils. Accorder du crédit à un tel scénario voudrait dire, de manière plus prosaïque, que Macky Sall est prêt à affronter à la fois Wade père et Wade fils. «Gigantin», non ? Il est vrai que le goût du pouvoir peut forger bien des caractères, mais de là à imaginer Macky Sall, le président de l’Assemblée nationale à forte dominante bleue, et secrétaire général national adjoint du Pds, s’engager dans ce hara-kiri politique, c’est franchir allègrement la ligne Maginot du réalisme politique, pour plonger l’opinion dans le brouet de la fiction. L’homme n’en a pas le tempérament, encore moins la témérité politique.
Il est fort possible que l’on serve une vaste comédie politique dans le style à la Samuel Beckett, pour une pièce que l’on pourrait intituler : «En attendant…Macky.» Macky contre Karim pour une succession à Me Wade, c’est du pipeau. Il est possible que ce soit là encore une gigantesque entreprise de mystification, de manipulation des consciences, de diversion politicienne, sur fond de vrai-faux «dé-Macky-age», pour mieux baliser la route vers le sommet de la succession au fils du Président. C’est peut-être ainsi qu’il faut comprendre l’audace que s’est autorisée une Assemblée nationale majoritairement acquise au secrétaire général national du Pds pour auditionner son fils sur sa gestion de l’Anoci. Ainsi, l’institution présidée par Macky Sall se félicitera peut-être du travail clean, de la gestion nickel de Karim Wade des travaux sur la Corniche et la Vdn, sur lesquels pèsent des soupçons d’opacité, de nébulosité. Et le tour de la «blanchisserie» est joué ! Les laudateurs et autres spécialistes des dithyrambes qui foisonnent dans le camp du pouvoir feront le reste à travers des campagnes surmédiatisées présentant Karim Wade sous les traits d’un Monsieur Propre, un expert en matière de gestion qui mériterait donc qu’on lui confie le destin des Sénégalais. Il n’est même pas exclu que Macky Sall monte au créneau «pour se féliciter» du travail accompli.
JEU ET ENJEUX
Farba Senghor, pour plusieurs raisons dont l’une tient à sa proximité avec la famille présidentielle, est ainsi la personne la mieux désignée pour balancer l’os à ronger d’une prétendue animosité de Macky Sall envers le fils du Président Wade, celui-là même qui lui avait servi une ondée d’éloges quand il lui présentait ses condoléances. Il n’est pas exclu que Farba Senghor lui-même soit mis dans un jeu dont il ne cerne pas les enjeux souterrains.
Mieux, le fait de choisir Macky Sall comme cible pourrait bien relever d’une stratégie de diversion bien chevillée au corps, une opération consistant à masquer, pour les banaliser, les adversaires plus redoutables et les plus redoutés de Karim Wade dans la course à la succession. Ainsi, ces derniers seront éclipsés par les enflures d’un pseudo-duel rondement relayé par les médias. Il est, d’ailleurs, assez éloquent que les deux prétendus duellistes se soient jusque-là emmurés dans un silence assourdissant, en laissant à leurs seconds couteaux, pas toujours au fait des plans secrets, dans le rôle de «coupeurs» de route de la succession. Or, tout compte fait, ce n’est pas un Macky Sall qui dérangerait le sommeil du Président Wade, si ce dernier veut se faire succéder par son fils. Il n’est pas sûr qu’il se risque à affronter une telle tempête politique en présence de Me Wade, même si en politique, il n’y a jamais un théorème immuable, surtout en matière d’ambition.
Au-delà de tous ces salmigondis politico-politiciens, ce qui doit prioritairement être mis en relief dans ce cas précis, ce sont les modes de dévolution du pouvoir en démocratie. Que cela soit Karim Wade, Macky Sall ou un autre, en démocratie, la seule légitimité qui vaille est celle sanctionnée par le suffrage valablement exprimé du peuple. Il faut que cela soit clairement intériorisé et défendu, surtout par rapport à une classe maraboutique qui montre déjà des dispositions à cautionner des forfaitures institutionnelles après avoir été conviée aux ripailles de l’alternance. Ce qui serait d’une inconcevable forfaiture justement, c’est que la transmission du pouvoir découle de tripatouillages institutionnels. Mais, on le sait déjà : l’alternance n’a pas fait sienne la recommandation de Montesquieu, selon laquelle, «il ne faut toucher la loi que d’une main tremblante».
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