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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

COMMENTAIRE DU JOUR : Critique injuste

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COMMENTAIRE DU JOUR : Critique injuste

La campagne électorale bat son plein. Les quinze candidats engagés dans la course rivalisent d’imagination et d’idées pour tenter de convaincre les électeurs. Les partisans sont déjà acquis, alors que ceux qui ne se reconnaissent dans aucune formation politique semblent encore très indécis. Et ils sont, sans doute et de loin, les plus nombreux. Ce sont eux qui feront la balance le 25 février prochain.

Ceux-là observent les prestations des candidats, notent les performances et contre-performances des uns et des autres, pour ensuite choisir leur cheval. Et c’est là où l’on saisit l’importance de la campagne en cours. Celle-ci ne servira pas seulement à trouver les moyens de conserver ceux qui sont déjà acquis à la cause des candidats, mais elle permettra aussi de pêcher, dans la marre aux électeurs, les voix encore indécises. Après plus d’une semaine de campagne, on ne peut pas dire que les candidats à l’élection présidentielle se contentent de promesses vagues et irréalistes et se livrent systématiquement à la critique facile et à l’invective.

Qui peut enlever à un opposant la seule arme dont il dispose en démocratie : la critique. Celle-ci est une exigence de la démocratie, elle en constitue même la sève nourricière. Dans le cas d’espèce, elle est d’autant plus fondée que le pouvoir tente de se faire réélire sur la base d’un bilan. Quelle est la consistance de ce bilan ? Les opposants sont là pour l’expliquer aux citoyens, les media également.

Malheureusement, il faut le constater pour le déplorer, ces media braquent plus leurs projecteurs sur les critiques et les invectives, en oubliant les propositions, ou quand elle les évoque pour les disqualifier aussitôt, souvent, pour le seul fait qu’elles ont été énoncées par des politiques. Ils évitent ainsi difficilement de tomber dans le piège de l’information - spectacle qui semble être le seul critère à partir duquel les rédactions apprécient et évaluent quotidiennement leur travail. C’est le cas ici au Sénégal, comme ailleurs dans le monde.

Cette critique faite à la presse n’est pas nouvelle, elle ne met que davantage en évidence le tendon d’Achille de la presse moderne. Son mode de fonctionnement élude souvent les débats de fond et les questions sérieuses, au nom de la rentabilité. Parler de programmes n’est pas rentable. Cela n’est non plus vendable. Or, les media -ceux du Sénégal ne font pas exception- s’intéressent très peu aux sujets non rentables et qui demandent en plus pour être traités des efforts intellectuels supplémentaires.

Ce qui est rentable est nécessairement à la « Une ». Le scandale, les insultes, les bagarres et les querelles stupides le sont. Aussi, la presse anticipe-t-elle sur les bagarres à venir pour les décrire dans leurs moindres détails. La bagarre annoncée à Saint Louis entre partisans de Niasse et de Wade n’a pas eu lieu.

La presse prend-elle toujours le temps d’étudier les annonces faites, de consulter les documents ou programmes en les confrontant à la réalité qui prévaut dans l’économie et du tissu social national, avant de formuler des critiques ? Pas suffisamment. Sinon, elle n’aurait pas aussi facilement décrétée que la campagne en cours se fait sans idées majeures, ni propositions réalistes. Qui peut sérieusement prétendre que les candidats en lice n’ont pas de programme ? Jusqu’à preuve du contraire, tous les candidats issus de l’éclatement de la défunte Coalition populaire pour l’alternative (Cpa) : qu’il s’agisse d’Ousmane Tanor Dieng, de Moustapha Niasse, d’Abdoulaye Bathily et même de Robert Sagna revendiquent et endossent, pour le compte des formations politiques ou des coalitions qui les présentent les 11 propositions et 77 mesures qui constituent le programme du défunt cadre unitaire d’action de l’opposition nationale. Personne d’entre eux n’a encore renié ce programme qui nous semble sérieux et cohérent. Quelle est la seule rédaction qui a tenté d’expliciter et d’analyser son contenu, pour le bénéfice des citoyens ?

Les quatre candidats ci-dessus nommés ont tort de ne pas le faire, en rappelant l’existence de ce programme très ambitieux et insistant au cours de cette campagne sur son contenu. Par ailleurs, tous les candidats en lice, y compris le président sortant, énoncent un certain nombre de mesures sectorielles qui, rassemblées entre elles, pourraient constituer un important programme de gouvernement pour les cinq ans à venir.

Le candidat Idrissa Seck a également produit un imposant document - programme. Celui a été confectionné à partir d’une étude des désirs et des demandes des Sénégalais. Ce document de cadrage général définit un certain d’actions prioritaires du candidat qui lui serviraient de programme de gouvernement, si toutefois les Sénégalais lui faisaient confiance.

Le candidat Abdoulaye Wade qui est déjà aux commandes de l’Etat décline un bilan et demande un mandat supplémentaire pour consolider et élargir son action. Il a raison de se mettre dans cette posture, les électeurs apprécieront à partir des réalisations faites, des promesses renouvelées et en fonction de celles qui n’ont pas été tenues.

En écoutant d’autres candidats, on reste frappé par la justesse de l’analyse qu’ils font de la situation du pays et par la pertinence de certaines idées et promesses formulées. C’est le cas pour le candidat Robert Sagna, dont les prestations ont charmé plus d’un. Cela est aussi valable pour les candidats Cheikh Bamba Dièye et Mame Adama Guèye. L’idée des pôles régionaux de développement économique lancée par le candidat Mamadou Lamine Diallo est à la fois séduisante et réaliste, du point de vue d’un meilleur réaménagement du territoire national, en vue d’une meilleure organisation d’un rééquilibrage du développement du pays. Quel que soit le président qui sera élu, cette idée devra être approfondie et expérimentée. L’ancien ambassadeur du Sénégal, Modou Dia développe aussi un discours original qui séduit par sa concision et sa sobriété. Tous les candidats ont un dénominateur commun : la générosité dans l’engagement. C’est à la fois touchant et rassurant.

Considérons quelques idées agitées par ci et par là. Ousmane Tanor Dieng propose la compensation des paysans pour les pertes subies lors des campagnes agricoles passées. Cette idée est très intéressante. Elle n’est nullement démagogique. Elle est réaliste et traduit de la part de son auteur un souci politique mettant en avant une importante mesure économique qui devrait replacer le monde paysan et l’Agriculture au cœur la croissance.

Une autre proposition du candidat Moustapha Niasse fait écho à celle du candidat socialiste, elle renvoie à l’idée d’une réhabilitation de l’agriculture par des mesures concrètes de relance des filières, celle de l’arachide notamment. Ce même candidat a lancé l’idée d’un pacte pour l’éducation nationale dont la mise en œuvre sera effective à la suite d’un moratoire négocié avec les syndicats, les étudiants et élèves et les parents, en vue de surseoir pendant au moins deux ans aux mouvements autres grèves qui paralysent le système.

L’idée de contrat moral et éthique agitée par Niasse constitue une réelle préoccupation dans le contexte actuel. Presque tous les candidats y adhèrent sans réserve. Et tant mieux ! Abdoulaye Bathily se propose, une fois élu, de faire tenir les Etats généraux de la Pêche et de la Décentralisation et Landing Savané de proposer un « penc » national pour la relance du pays. On ne peut pas sérieusement soutenir cette critique qui, de façon lapidaire, réduit la campagne des candidats à un vulgaire cirque d’empoigne.

Cette critique est injuste ! En réalité, l’attitude des media dans cette campagne tend plus à démontrer la paresse intellectuelle des journalistes, pour dire le moins, qu’à établir la carence des politiciens. Les journalistes se limitent juste, pour déployer leur argumentaire, aux minutes réservées à chaque candidat sur les antennes des media d’Etat. Celles-ci sont pourtant trompeuses. Elles révèlent au plus les capacités oratoires d’un candidat, son aisance devant les caméras et la consistances de foules drainées par lui. Elles sont même doublement trompeuses, d’abord pour les candidats eux-mêmes et pour tous ceux qui s’y attardent pour établir des vérités, quant aux performances éventuelles des uns et des autres au soir du 25 février.

On a quelque part le sentiment que quand la presse s’acharne à accabler les candidats, elle tente de masquer sa propre carence, car elle qui suit les candidats se contente de relater de façon certes professionnelle les faits de la campagne, mais sans plus !

La presse excelle même dans la narration du factuel. C’est son boulot premier. Elle ne commet pas de faute en se limitant à ce qui constitue sa mission première. Elle n’en traîne pas une insuffisance liée à son incapacité à aller au-delà des faits relatés. Par cette insuffisance, elle se fait la complice consentante des candidats qu’elle dénonce. Elle répète avec ces candidats certains lieux communs et amplifie le vacarme créé autour des faits divers de la campagne et avec avidité. Aussi, le détail est-il souvent considéré, dans ce jeu commandé par l’information-spectacle, comme étant l’essentiel.

Les media n’ont pas nécessairement raison de hurler fort avec ceux qui affublent de tous les noms d’oiseaux les politiciens, en les accusant de perdre de vue les préoccupations des populations. Cette critique-là nous paraît quelque peu exagérée. A l’image de tout ce qui passe dans les démocraties modernes, les exigences des media qui ordonnent en partie le débat public réfléchissent les discours des politiques sous un prisme assez déformant et réducteurs.

Ces exigences ou plutôt cette surenchère médiatique impose à ces politiques des raccourcis surfant sur l’écume des choses. Les journalistes sont alors mal venus de se plaindre, car ce sont eux-mêmes qui ont défini les règles du jeu qui ne peuvent pas produire d’autres effets que ceux qu’ils dénoncent.



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