DISCOURS DU CHEF DE L’ETAT : Les émotions de Me Wade

Le président de la République, Abdoulaye Wade a sacrifié à la tradition Républicaine. Il s’est adressé à quelques heures du nouvel an, à la nation Sénégalaise. C’est un discours empreint d’émotions et de sentiment de tristesse avec l’évocation marquée du rappel à Dieu de Serigne Saliou Mbacké. Le chef de l’Etat a brossé de manière lapidaire les problèmes auxquels la population a été confrontée au courant de l’année 2007. Mais, il a passé sous silence beaucoup d’aspects essentiels qui ont constitué les faits marquants de l’année écoulée. 

C’est avec une voix teintée de mélancolie que le président de la République, Abdoulaye Wade a commencé son adresse à la nation d’avant-hier, lundi 31 décembre. Pour manifester sa consternation et celle de l’Etat à la suite du rappel à Dieu du Khalife général des Mourides, Serigne Saliou Mbacké, le chef de l’Etat s’est permis une brève incursion en wolof au tout début de son discours. Il a, ainsi cherché à toucher l’écrasante majorité de la population Sénégalais. « Je le sais, c’est une nation profondément meurtrie qui m’écoute. Dieu, le Tout Puissant a rappelé à ses côtés son fidèle serviteur, l’éminent représentant de Khadimou Rassoul, Serigne Cheikh Saliou Mbacké. Nous avons été l’accompagner à sa dernière demeure et présenter nos condoléances à Serigne Cheikh Mbacké, son fils aîné et à toute la famille. Il s’agissait pour nous de réaffirmer notre fidélité à l’illustre disparu et de confirmer à sa famille notre engagement à maintenir pour toujours les sentiments qui nous liaient déjà de son vivant », a-t-il déclaré.

Le président de la République a fait acte d’allégeance au niveau khalife général qui inaugure l’ère des petits-fils, El Hadj Serigne Mohamadou Lamine Bara Mbacké Falilou. Il lui a aussi donné l’engagement de terminer « complètement » les travaux de modernisation qui étaient entamés avec le regretté Serigne Saliou Mbacké. Abdoulaye Wade en a profité pour faire un clin d’œil à toutes les familles religieuses en ajoutant que ce programme de modernisation concerne toutes les capitales religieuses.

Pour rester dans ce registre, le chef de l’Etat est revenu sur « l’élévation, à la dignité cardinalice, d’un illustre fils de notre pays », parlant, en effet du Cardinal Théodore Adrien Sarr. « La joie que nous éprouvons tous pour la très haute distinction accordée à un compatriote est aussi un signe de l’identité remarquable par laquelle la Nation sénégalaise, dans toutes ses composantes, se définit, se distingue et s’épanouit ; une singularité qui nous vaut beaucoup de considération dans le monde », a-t-il expliqué après avoir félicité le patron de l’église Sénégalaise.

Mauvaise campagne agricole : le mea culpa de Wade

La campagne agricole 2007 a été presque désastreuse. Nombre d’observateurs de la scène politique et économique ont fait le même constat. Le gouvernement a toujours récusé cela. Mais le chef de l’Etat l’a finalement reconnu. « La campagne agricole 2007 n’a pas été des meilleures malgré les importants moyens mobilisés par le Gouvernement pour l’achat de matériels, d’intrants agricoles et l’encadrement du monde rural : en particulier une subvention de 15 francs par kilogramme d’arachide et 125 francs par kilo pour l’achat des semences », a-t-il avoué. Ces difficultés notées dans l’agricultures sont, selon lui, liées au fait que « l’hivernage tardivement installé et, en certains endroits, avec des arrêts précoces, et d’autres facteurs défavorables ».

Abdoulaye Wade promet qu’une assistance adéquate va être apportée aux populations touchées par le déficit des récoltes. Tout en assurant qu’à terme « notre vision stratégique est de soustraire le secteur agricole aux aléas climatiques ».

Annonce d’assises nationales sur l’éducation

Le président de la République annoncé la tenue d’assises nationales sur l’éducation. « Notre décision de convoquer des assises nationales sur la situation des enseignants ouvre l’opportunité de discussions franches. Nous tendons la main aux enseignants et sommes disposés à les écouter. Je souhaite leur dire une fois de plus que je suis et demeure leur allié », a-t-il indiqué.

En attendant ces assises nationales, Abdoulaye Wade a demandé aux enseignants de réapprécier les efforts de l’Etat et de le soutenir au lieu de maintenir l’école dans une perpétuelle instabilité de grèves récurrentes et de menaces de grèves. « Nous devons privilégier le dialogue. Le Gouvernement y reste attaché en permanence. On dit que toutes les élasticités ont des limites au-delà desquelles la corde casse. Evitons de pénaliser l’école et les enfants par des revendications impossibles », a-t-il tenté de convaincre. Pour le président de la République, « les investissements énormes que le Gouvernement continue d’allouer au secteur de l’éducation, de la formation et à celui des infrastructures de base procèdent d’un choix volontariste et réfléchi, guidé par le sens de l’histoire et la vision du futur ».

Pour justifier les efforts du gouvernement dans le domaine de l’éducation, il a dressé un petit bilan qui renseigne des réalisations de l’Etat dans ce secteur. « Les faits sont révélateurs par eux-mêmes. En sept ans, nous avons, entre autres changements qualitatifs, réalisé 500 collèges, 39 lycées, 7 écoles de formation d’instituteurs, 3 Universités et 273 Cases des Tout-Petits. Dans la même période, nous avons relevé le taux de scolarisation de 69 à 85 %, réussi la parité garçons-filles, porté le nombre des boursiers de 20.000 à 65.000 et revalorisé les salaires des enseignants. A titre d’exemple, le niveau de rémunération de l’instituteur est passé de 50.000 à 95.000 francs CFA ». Dans un monde de plus en plus complexe, où le savoir et le savoir faire déterminent le progrès des peuples, a-t-il argumenté, « nous ferons toujours plus et mieux chaque fois que les moyens de l’Etat le permettront, car, tout comme la santé, je considère que l’éducation et la formation n’ont pas de prix ».

Se libérer du diktat de la hausse des prix du pétrole

La flambée des prix du pétrole et de ses produits dérivés a encore occupé une place de choix dans le discours du chef de l’Etat. Mais, il ne se désarme pas pour autant. « La hausse des prix du pétrole étant comme un diktat qui nous vient de l’extérieur, nous, pays africains non producteurs de pétrole, avons décidé de lutter ensemble pour nous débarrasser de ce fléau », a-t-il souligné pour affirmer, à cet effet, que cela est en train de produire des effets. Abdoulaye Wade a expliqué : « nous avons commencé à être entendus car le Président de la République française, M. Nicolas Sarkozy, s’est prononcé de façon claire, dans le même sens que nous, pour qu’une solution soit trouvée aux surcharges imposées aux pays non producteurs de pétrole. Cette prise de position est importante aussi dans notre lutte pour lier les superprofits du pétrole à la lutte contre la pauvreté ».

Le Gouvernement s’attelle, selon lui, fermement à augmenter notre production nationale d’énergie, de façon durable, par divers moyens dont l’énergie atomique pour laquelle nous avons décidé d’envoyer des jeunes en formation à l’étranger. « Je veille personnellement sur notre évolution vers l’indépendance énergétique. C’est une question cruciale qui conditionne la marche de notre économie », a-t-il martelé. C’est presque dans le même sillage qu’il a fait savoir qu’ils cherchent aussi d’autres sources d’énergie de substitution. « Cette révolution est déjà en cours puisque j’ai inauguré, il y a quelques semaines, la première usine de production d’éthanol au Sénégal », a-t-il renseigné tout en encourageant le secteur privé à suivre cette voie. Le Gouvernement est disposé à appuyer toutes les initiatives allant dans ce sens.

Le chef de l’exécutif est pressé de régler ce problème d’énergie parce qu’il a, selon lui, conscience des frustrations légitimes des consommateurs et des pertes en compétitivité pour les entreprises, occasionnées par les perturbations dans la fourniture d’électricité.

« De 30 dollars en 2003, le prix du baril est passé maintenant à près de 100 dollars » a-t-il avancé pour préciser que « les subventions consenties par le Gouvernement pour alléger le lourd fardeau de la facture pétrolière sur les consommateurs ont, quant à elles, évolué de 62 milliards en 2005 à plus de 150 milliards en 2006 et 2007 ».

Wade tient à ses tramways et taxis maritimes

« En 2008, nous gagnerons encore davantage en mobilité urbaine et en compétitivité économique avec la nouvelle génération de réseaux routiers déjà achevés ou en cours de réalisation. Mais nous ne comptons pas nous arrêter en si bon chemin ! Nous irons plus loin avec la réalisation des projets de tramway et de taxis maritimes », a déclaré le président de la République, Abdoulaye Wade. Et d’ajouter : « à l’intérieur du pays, en plus des axes routiers en chantier, le Gouvernement a sélectionné, au Conseil présidentiel du 31 juillet, sept projets de chemins de fer qui mettront à terme le Sénégal au standard international en matière de transport des personnes et des biens. Nous avons, pour ce faire, l’engagement de partenaires décidés à nous accompagner dans cette belle aventure de développement ».

Le chef de l’Etat n’a pas manqué de souligner la réception du navire « Aline Sitoé Diatta » qui remplace le « Joola ». « Je tiens absolument à ce que les négligences coupables du passé ne soient pas répétées. J’ai déjà donné les instructions les plus fermes pour le respect strict des règles de sécurité et de sûreté gouvernant le transport maritime », a-t-il prévenu.

L’état de l’économie, les Ape et le sommet de l’Oci

Le chef de l’exécutif est revenu, de manière succincte sur les hausses répétées des produits de consommation courante qui ont conduit à la prise de 19 mesures par le gouvernement et des retenus sur les salaires des ministres, députés, sénateurs.…

« Malgré la conjoncture difficile, nous gardons intacte notre vision d’un Sénégal émergent parce que les perspectives sont bonnes pour notre économie. Au cours de l’année 2007, nos recettes fiscales ont progressé de 12,7 % alors même que le taux d’impôt sur les sociétés a été revu à la baisse », a-t-il porté à la connaissance du public.

Après avoir salué le résultat du Sénégal à son passage au Groupe Consultatif de Paris les 2 et 3 octobre 2007, il a accordé une priorité élevée à la mobilisation effective des financements annoncés. Il a, dans ce sens, instruit le gouvernement à l’effet de créer les conditions d’une absorption des crédits digne d’une Administration moderne et efficace.

Abdoulaye Wade ne pouvait finir son discours sans évoquer sa bataille de l’heure qui porte sur les accords de partenariat économique (Ape) avec l’Europe. « Ce que nous demandons à l’Union Européenne est bien simple : accepter de nous mettre en face les uns des autres pour définir ensemble les voies et moyens d’un véritable partenariat qui rassure les deux parties liées par l’histoire et guidés par la raison », a-t-il indiqué.

Pour ce qui est des préparatifs du Sommet de l’organisation de la conférence islamique (Oci) de Dakar des 13 et 14 Mars 2008, il a donné des assurances sur l’effectivité des travaux à temps. « Je voudrais vous dire que tout sera fin prêt, s’il plait à Dieu, pour offrir à nos illustres hôtes les meilleures conditions d’accueil et de séjour ».