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Politique

ENTRETIEN AVEC… Christiane DIAS, épouse de Jean-Paul Dias, Premier secrétaire du Bcg emprisonné : «Mon mari n’est pas un criminel…»

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ENTRETIEN AVEC… Christiane DIAS, épouse de Jean-Paul Dias, Premier secrétaire du Bcg emprisonné : «Mon mari n’est pas un criminel…»

«Quelle âme, quel barbare pourrait être indifférent, Mme Dias, à la situation qui est la vôtre ?», interrogeait Me Jacques Baudin à la journée de solidarité avec les Dias, le samedi dernier, à la Maison du Parti socialiste. Pourtant, Mme Christiane Dias, face à l’épreuve, affiche une posture déterminée. En effet, avec un époux et un fils en prison, elle s’engage à être leur bouclier pour poursuivre un combat contre l’acharnement sur sa famille et se préoccupe du sort du peuple sénégalais «qui ne mérite pas les conditions» de vie qu’on lui fait subir. A la demeure familiale où nous l’avons trouvée, c’est entre deux tâches ménagères qu’elle a accepté de répondre à nos questions.

Comment se porte M. Jean-Paul Dias, actuellement, au pavillon spécial de l’hôpital le Dantec ?

Je voudrais, par rapport, à Jean-Paul Dias, dire qu’il a été hospitalisé à la suite du mauvais traitement qui lui a été administré au cours de sa garde à vue au commissariat du Port. Les faits ont été très bien relatés dans la presse, mais je me dois de le rappeler, parce que si la prescription du commandant avait été respectée, il n’en serait pas là aujourd’hui. Mais, nous rendons grâce à Dieu, malgré tous les couacs. En ce moment, je peux dire qu’il est bien suivi par les médecins de la Clinique Marie-Louise Brévier que je remercie au passage.

Comment il se porte ? Il ne peut être qu’inquiet. Inquiet depuis qu’il a appris la déportation de son fils Barthélemy à Tambacounda. Déportation, pour laquelle nous n’avons pas d’éléments de réponse. Donc, forcément, il est inquiet comme moi. Et je pense que, à travers vous, c’est tout un peuple qui est inquiet et qui ne comprend pas cet acharnement sur notre famille. C’est toujours un point d’interrogation pour nous.

La Coalition populaire pour l’alternative (Cpa) a organisé une journée de solidarité avec votre famille. Comment Jean-Paul Dias a cette manifestation ?

Avec beaucoup de fierté. Au nom de M. Dias, je remercie les responsables politiques pour leur initiative. J’ai eu l’opportunité de leur manifester mes remerciements par ma présence à la journée de solidarité. Je pense que, avec tous les messages qui nous ont été livrés, je suis sûr que nous sommes sur la bonne voie. J’ai confiance aux leaders de la Cpa. J’ai confiance à la jeunesse, aux jeunes de la Convergence socialiste, qui militent au sein du Parti socialiste. Ils ont à cœur de se battre pour faire disparaître cet arbitraire, cette discrimination, cette persécution. Eux-mêmes sont convaincus d’une chose : ils sont aujourd’hui tous en danger.

Comment vous vous êtes senti devant tant de témoignage de compensions à la journée de solidarité ? Vous a-t-elle fait retrouver le sourire ?

Je ne pense pas avoir perdu le sourire. Je crois que j’ai une foi profonde en Dieu et je vis dans l’espérance que cela n’est qu’une étape de notre vie. C’est pourquoi je dis toujours que ma famille traverse une épreuve. Je ne dis pas que nous vivons l’épreuve, mais nous la traversons parce qu’elle est passagère. J’ai confiance en Dieu et bientôt tout cela ne sera qu’un mauvais souvenir.

Mais, dans cette traversée, est-ce que vous voyez les anciens amis qui sont restés au Parti démocratique sénégalais (Pds) ?

Oui, parce que M. Dias peut même en témoigner ; il reçoit beaucoup de visites. A travers ces visites, ce sont des marques de sympathie. Nous n’avons pas été abandonnés par les uns et les autres. Sur ce côté, vraiment, il n’y a rien à dire. C’est cela qui nous fait vivre, qui nous donne l’espoir.

Dans une conférence de presse que vous aviez donnée, vous faisiez appel à l’amitié d’anciens compagnons du Pds, notamment de Ousmane Ngom…

Je n’ai pas fait appel à l’amitié de Ousmane Ngom ; je l’ai interpellé en sa qualité de ministre de l’Intérieur. Je l’ai interpellé en lui demandant de ne pas oublier les moments vécus au sein du Pds avec M. Dias. J’ai interpellé le président de la République, pour que, lui également comprenne que le combat que mène Jean-Paul, aujourd’hui au sein de l’opposition, est un combat qu’il a mené au sein du Parti démocratique sénégalais avec Abdoulaye Wade. Le Pds est le premier parti auquel a adhéré Jean-Paul Dias.

Est-ce que le ministre de l’Intérieur a réagi à votre interpellation ?

Si le ministre de l’Intérieur a réagi ? Non ! Pourquoi vous voulez qu’il réagisse ? Il ne pourra pas réagir. C’est difficile quand on est dans des situations pareilles de réagir parce qu’on se dit toujours : «Même si on donne un coup de fil, qui sait ? Si on sait que j’ai appelé, il risque de se passer quelque chose.» Les gens sont aujourd’hui sur le qui-vive et se battent de toutes leurs forces pour sauvegarder leurs intérêts. Et ça, je ne peux que le constater.

Est-ce à dire que Ousmane Ngom sacrifie l’amitié au nom de la préservation de ses intérêts que lui confère son statut ?

J’aimerais bien que vous lui posiez cette question. Il vous donnera peut-être la réponse, parce que je ne l’ai pas.

Mme, vous avez été à la prison de Tambacounda voir votre fils Barthélemy. Dans quel état, vous l’avez trouvé ?

Mon fils, comment il se porte ? Je dirai qu’il a le moral (avec un peu d’amertume qui transparaît dans la voix : ndlr). Il a le moral, mais je ne peux pas vous dire qu’il se porte bien. On ne peut pas être bien en prison car on n’est bien que chez soi. Dans la mesure où je n’ai pas eu l’opportunité d’accéder à sa cellule, je ne peux pas vous dire les conditions dans lesquelles il vit. Je l’ai vu. Je sais qu’il a maigri. Je sais qu’il a un bon moral, mais je suis une mère et c’est ma fibre maternelle qui parle. Je suis inquiète d’abord compte tenu de l’éloignement, compte tenu de sa sécurité et de l’environnement de la prison, par rapport aux locaux. Mais, par rapport au personnel de la prison de Tambacounda, je n’ai aucune observation à faire. J’ai reçu un très bon accueil et je pense que s’il n’y avait pas ce bon accueil, je n’aurai pas accédé à mon fils. Les droits de visite ont lieu le mercredi et le dimanche et je suis arrivé un jeudi et le régisseur m’a autorisé, quand même, à aller le rencontrer, après m’avoir aidé à trouver un permis de communiquer. Sur ce côté-là, je n’ai rien à dire.

Comment a été votre premier contact, à Tambacounda ? Comment Barthélemy a réagi lorsqu’il vous a vue ?

Avec surprise. Il m’avait fait dire qu’il ne voulait pas que je me déplace, compte tenu de l’état défectueux de la route, une route dénuée de tout sur presque 300 kilomètres de parcours. Et compte tenu du fait aussi qu’il ne voulait pas que je voie dans quelle situation il vit. Mais, de toutes les façons, c’est mon fils, si je peux le suivre, je peux aller jusqu’au bout du monde.

Vous vous êtes retrouvé d’un coup projeté au-devant de la scène. Comment supporter tout cela ?

Mais, c’est normal ! Puisque c’est Christiane Dias qui est aujourd’hui en liberté, Jean-Paul et Barthélemy étant en prison, comment voulez-vous qu’ils s’expriment ? Ils ne peuvent pas s’exprimer ! Donc, je suis aujourd’hui le dernier bouclier. Je suis en liberté ; donc, je me dois de m’exprimer. Je me dois de communiquer, de défendre mon fils et mon époux avec les moyens dont je dispose, dont la presse, avec l’opposition qui est là, à mes côtés également et qui m’apporte son soutien. Avec cette jeunesse de la Convergence socialiste qui ne m’a pas abandonnée et avec le peuple. Partout où je passe, j’entends les gens qui, me reconnaissant, me dire en wolof, «massa, massa ! nattoula». Cela veut dire que c’est une volonté de Dieu, c’est le destin. Quand quelqu’un vous dit que c’est le destin, c’est parce qu’il est préoccupé et partage avec vous votre épreuve. Et vraiment, j’ai senti avec le peuple cette marque de tendresse, cette marque de sympathie.

Justement, en vous prêtant aux médias, ne craignez-vous pas de subir le même sort que votre époux et votre fils, puisque vous parlez d’acharnement ?

Je n’ai pas de crainte ! (Elle hausse le ton : ndlr). Vous savez pourquoi je n’ai pas de crainte ? Parce que je ne pouvais même pas imaginer que mon fils aurait été interpellé. Je ne pouvais pas imaginer que les autorités étatiques pouvaient avoir la pertinence de prendre un père et son fils. C’est la première fois, dans l’histoire de ce pays, qu’un père et un fils sont arrêtés en même temps. Et la façon dont Barthélemy a été interpellé, placé en garde à vue et sous mandat de dépôt est plus discriminatoire. On ne peut venir dans un espace privé, enregistrer quelqu’un, l’inculper par rapport à cela et le condamner. J’étais sûre qu’il reviendrait lorsqu’il a été convoqué. Mais, c’est la pire des aberrations. Si aujourd’hui, on pense que, parce que je parle, on doit venir m’arrêter, je suis là, je ne fuirai pas. On n’a jamais fui. Même mon mari, on pense qu’il voulait fuir ; or, il n’a jamais fui. Il a dit simplement qu’il ne prendrait plus une convocation de la Dic. La Dic, c’est une direction ou une division, qui est faite pour les criminels. Mon mari n’est pas un criminel. Donc, je pense que s’il y a un problème qui le concerne, comme celui de la nationalité, pourquoi ne pas l’avoir convoqué au commissariat de Dieupeul dont nous dépendons ? Mais, il n’est pas du ressort de la Dic d’interpeller M. Jean-Paul Dias pour des questions de nationalité. Je suis désolée. Voilà une autre raison de frustration, une autre raison de discrimination. Voilà une autre raison d’acharnement, de persécution, de torture, je dirais.

Voulez-vous nous parler de votre frustration quand vous avez appris que c’est pour une question de nationalité que votre époux a été convoqué à la Dic ?

J’ai dit que je ne reviendrai pas sur cette évocation de la nationalité parce que je trouve que c’est scandaleux. Je trouve que c’est ignominieux, quelque chose qui a été manigancé. Je ne peux comprendre que quelqu’un qui a eu à occuper de hautes fonctions dans ce pays, dont celle de ministre, amené par Me Abdoulaye Wade, en sa qualité de ministre d’Etat, à l’époque, que celui-là puisse être victime d’une aberration de cette nature. Pourquoi cette question n’a pas été soulevée en amont. Pourquoi ? Je dis qu’il y a anguille sous roche. De toutes les façons, M. Dias est le principal concerné et, à sa sortie, il fera l’éclairage nécessaire. Je ne peux pas me permettre de parler à sa place sur cette question, même si je la suis indirectement. Pendant qu’on y est, on peut dire que moi, non plus, je ne suis pas sénégalaise. Pourtant, j’ai eu à défendre haut les couleurs de la nation sénégalaise. J’ai été capitaine de l’Equipe nationale de basket-ball. J’ai entendu, moi, mon hymne retentir, quand j’ai été sur la plus haute marche du podium. Et c’était pour le titre de mon pays.

Qu’est devenu votre vécu quotidien avec un fils et un mari en prison ?

Je le gère très bien mon quotidien. Je peux vous dire que la vie continue. Je vaque à mes occupations, tout en gérant mon mari et mon fils à distance.

Comment vous vous y prenez ?

Là, c’est un secret. Ça fait partie de ma vie privée et comme je vous l’ai dit, je préfère ne pas entrer dans les détails. Mais, je dis tout simplement que je m’en sors bien et je n’ai pas à me plaindre. La prison n’est même pas faite pour les chiens. Aujourd’hui, mon vœu le plus cher, c’est le retour de mon fils et de mon époux, chez eux. C’est ici leur place.

Quelle morale vous tirez de tous ces évènements ?

Je n’ai pas de leçon à tirer, car j’ai toujours vécu dans la sérénité, dans la paix. J’ai toujours prôné la justice, mais je sens, aujourd’hui, qu’on n’est plus dans un pays de justice. On n’est plus dans une République. Et je suis au regret de le dire, mais, en tout cas, on n’est pas dans une République démocratique. Et c’est un sentiment d’amertume qui se dégage au fond de mon cœur. Je pense que le Sénégal ne mérite pas ce qu’on vit en ce moment. Le peuple sénégalais ne mérite pas ce qu’on lui fait vivre, en ce moment. Vraiment, nous avons toujours vécu dans un havre de paix, de justice, de patriotisme, de sérénité. Fasse le ciel qu’on puisse retrouver cette atmosphère le plus rapidement possible !

 



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