ENTRETIEN AVEC...Landing SAVANE, secrétaire général de And-Jëf/Pads : «Le climat social n’est pas satisfaisant»

Dans le cadre de l’animation de ses structures, dénommée «Un Week-end, une région», And Jëf/Pads était à Sédhiou, dimanche dernier. Lors d’un point de presse tenu à l’hôtel de La Palmeraie, le Sg de ce parti est revenu beaucoup plus clairement sur la nature de sa candidature à l’élection présidentielle prochaine, sur ses relations avec le Président Wade, le malaise social actuel et les agitations de l’opposition.

Vous venez de boucler une tournée régionale qui vous a conduit à Vélingara, à Kolda et, ici, à Sédhiou. Ce que vous avez vu et entendu vous a-t-il réconforté ? J’ai commencé par Vélingara. Toute la journée du samedi, j’étais à Kolda. Aujourd’hui (avant-hier : ndlr), je suis ici à Sédhiou. Pendant trois jours, c’est des rencontres avec les populations et des meetings et partout le langage des populations est le même. Elles souhaitent que je sois candidat à l’élection présidentielle de 2007. Ce désir des populations est légitime. Comme tout le monde le sait, j’étais candidat à l’élection présidentielle en 1988 et en 1993.

En l’an 2000, pour des raisons que je n’ai pas besoin de rappeler, j’ai retiré ma candidature, malgré la décision du parti qui m’invitait à me présenter. Aujourd’hui, pour le parti, la volonté de présenter son Sg à l’élection présidentielle du 25 février 2007 procède de notre volonté de conquête démocratique du pouvoir. Ainsi, nous pourrons pleinement présenter notre programme dans l’intérêt supérieur du Sénégal. C’est en cela que j’ai compris l’appel des populations et je leur ai dit qu’au plan personnel, je suis prêt à prendre mes responsabilités. Mais, And-Jëf/Pads est un parti organisé ; il y a une instance supérieure qui va décider et elle décidera au moment venu.

Donc on peut désormais considérer And-Jëf comme un parti de l’opposition à la quête du pouvoir ?

Dans une majorité, dans une coalition, on peut avoir plusieurs candidats. La coalition dans laquelle nous sommes s’est faite en l’an 2000 pour un mandat qui s’achèvera en 2007. Nous ne sommes engagés sur rien d’autre. Dans le cadre de cette coalition, si les partis acceptent, ils peuvent rester ensemble jusqu’à la fin du mandat. Maintenant chaque parti de la coalition a le droit, du point de vue du principe politique de décider de sa position pour l’élection suivante. On a vu, dans les démocraties réelles et avancées, plusieurs candidats d’une même coalition se présenter et à la fin des élections, ils se retrouvent dans le cadre de la coalition pour la reconstituer et pour gouverner ensemble. En France, la gauche a souvent plusieurs candidats au 1e tour des élections, la droite de même. En ce moment, le 1e tour est considéré comme des primaires. C’est important que les Sénégalais comprennent cela et ne fassent pas d’amalgame. Donc, cela n’a rien à voir avec l’opposition. Nous sommes dans la majorité présidentielle pour toute la durée du mandat. C’est là un point sur lequel il n’y a plus de discussion possible.

Votre candidature ne risque-t-il pas de brouiller vos relations avec Wade ?

Je ne crois pas, honnêtement. Mes relations avec Wade sont fondées sur la vérité. Elles sont de vieilles relations et elles sont fondées également sur une compréhension mutuelle. Je ne vois pas en quoi ce débat pourrait changer nos relations. Même si l’échéance est majeure pour le Sénégal, nous continuerons d’en discuter. Et puis l’avenir nous dira quel sera l’impact d’une décision éventuelle sur nos relations. Mais, quoi qu’il en soit And-Jëf demeure un parti souverain qui a une ligne de conduite et nous sommes les seuls à en décider.

La présente campagne agricole a été jugée difficile pour le monde paysan. C’est le point de vue de votre formation politique ?

Le climat social n’est plus satisfaisant. J’ai été étonné de voir que le malaise était aussi profond dans le Pakao. On me disait qu’il y avait des bons impayés, mais je n’avais pas conscience de l’ampleur du phénomène. Je me ferai le devoir, dès mon retour à Dakar, de saisir le ministre de l’Agriculture pour savoir ce qui se passe. Il est dans l’intérêt du président, comme dans le mien, de faire en sorte que ce malaise soit résorbé le plus rapidement possible. Nous allons vers des échéances électorales ; donc, il est important pour le président et pour moi, membre de son gouvernement et fils du terroir, que ce problème soit réglé.

A côté du monde rural, l’industrie sénégalaise est en faillite : les syndicalistes sont dans la rue et l’opposition est intimidée. Le pays va-t-il à la dérive ?

Dire que le Sénégal va à la dérive, c’est avoir une vision très courte. Le Sénégal se porte bien et les perspectives sont bonnes. Mais, il faut dire qu’il y a quelques problèmes. C’est pourquoi And-Jëf/Pads pense qu’un dialogue politique sincère peut permettre de rétablir la sérénité dans les rapports entre l’opposition et l’Etat, dans les rapports entre les syndicats et l’Etat.

Mais, l’opposition doit comprendre que le plus important, ce sont les élections qui se préparent. Au lieu de verser dans des agitations, souvent sans fondement, elle ferait mieux de savoir raison garder. Dans ce cas, le gouvernement sera prêt à considérer ses revendications légitimes et à discuter avec elle dans un esprit beaucoup plus positif.

En politique, quand l’opposition fait les gros bras, le pouvoir qui détient la réalité exerce le pouvoir. J’ai été mis en prison par le Parti socialiste dans des conditions beaucoup plus difficiles. Quand des gens veulent présenter le Sénégal comme un pays sans liberté, ils ne sont pas crédibles. Même s’il y a des mesures qu’on peut considérer comme excessives, le pays reste un pays de liberté où chacun s’exprime comme il veut.

Quel pourra être le thème de campagne de And-Jëf, d’autant plus que vous êtes comptable de gestion tant décriée ?

Développer le pays pour un Sénégal émergent, c’est tout. Nous nous sommes toujours battus pour cet objectif. Je défendrai le bilan de l’alternance puisque j’y suis et peut-être j’y resterai jusqu’en 2007. Je ne peux pas ne pas défendre le bilan de l’alternance. Nous l’avons toujours fait, mais nous disons qu’il faut approfondir l’alternance. Nous l’avons fait sous la direction de Wade entre 2000 et 2006 ; nous assumerons nos responsabilités jusqu’en 2007.

Au-delà de 2007, nous continuerons d’œuvrer dans ce sens, mais le bâton du Maréchal peut changer en 2007. Quelqu’un d’autre peut conduire le bateau. Un bateau peut changer de pilote à tout moment sans que cela affecte la destination.

And-Jëf/Pads est-il pour l’annulation du 2e tour ?

Nous disons que le code électoral a été élaboré sous la base d’un consensus de toutes les forces politiques du pays. Donc nous estimons qu’on ne peut pas toucher au code sans retourner à un dialogue avec l’ensemble des forces politiques. Je ne crois pas que la question va se poser mais, si jamais elle se pose, c’est là la position que nous allons réaffirmer très franchement.