Samedi 27 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

Entretien avec le Pr Abdoulaye Bathily, secrétaire général de la Ld/Mpt"L’Etat n’a aucun moyen de contrôle sur les Chantiers de l’Anoci"

Single Post
Entretien avec le Pr Abdoulaye Bathily, secrétaire général de la Ld/Mpt"L’Etat n’a aucun moyen de contrôle sur les Chantiers de l’Anoci"

Emballement dans l’affaire dite des Chantiers de Thiès, Anoci, dialogue politique ou Cpa, le Pr Abdoulaye Bathily ne fait pas dans la langue de bois. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, le Pr Bathily estime qu’“aujourd’hui, on parle des Chantiers de Thiès, mais c’est sûr que si on y regardait de manière objective, l’Anoci, c’est exactement la même chose, sinon pire. Personne ne sait comment l’Anoci est financé”. Le professeur Abdoulaye Bathily, qui est bien monté dans l’estime des sénégalais après sa dernière déclaration à sa sortie d’audience, revient aussi sur le programme commun de la Coalition populaire pour l’alternative (Cpa) à la lumière des élections prévues en février 2007. (Ndlr, l’interview a été réalisée 48 heures, avant la présentation du programme commun de la Cpa jeudi dernier, au Terrou-bi)

Le Populaire : Comment expliquez-vous l’emballement subit de l’affaire dite des Chantiers de Thiès sans que l’on n’ait constaté un élément nouveau ?

Pr Abdoulaye Bathily : On perd son latin dans la façon du pouvoir de Abdoulaye Wade de gérer certains dossiers extrêmement importants. Les Sénégalais restent perplexes devant tout ce qui se passe : que ce soient les problèmes relatifs aux Fonds politiques, le Protocole de Rebeuss et, maintenant, le rebondissement apparent dans les Chantiers de Thiès. La chose certaine est que ce pouvoir a montré toutes ses limites, et en particulier son incompétence, dans la gestion de notre pays. Encore plus grave, il expose le Sénégal à de graves dangers, parce que ce qui est en train de se passer montre bien que la Justice est de moins en moins indépendante. On a l’impression qu’il n’y a plus de système judiciaire dans notre pays. C’est cela que l’on projette à l’opinion publique et on ouvre la voie à ce que les citoyens prennent en main leurs propres destinées et se fassent justice eux-mêmes. On le voit à tous ces actes de violence, partout et à tous les niveaux. La violence armée dans les campagnes, mais aussi à l’occasion de matches de football. Le malaise est profond.

Le Populaire : Les hommes et les femmes de la Justice défendent-ils toujours leur territoire face aux immixtions du pouvoir politique ?

Pr A.B : Je regrette très profondément que cela ne soit pas toujours le cas. Parce que ces hommes et ces femmes ont une très lourde responsabilité dans la situation actuelle. Je sais qu’il y a des hommes et des femmes dans cette justice-là qui sont au dessus de tout soupçon, des hommes et des femmes honnêtes, mais qui malheureusement aujourd’hui ne font pas entendre leur voix. Parce qu’il y a des moments où, par-delà le fonctionnaire qui a l’obligation de réserve, c’est le citoyen, soucieux de l’avenir de son pays, qui doit réagir. Je vois de moins en moins ce type de réaction. Et ça me fait peur, car c’est dans de telles situations, où les gens renoncent à leur responsabilité, que l’aventure fait son lit. Ce qu’on a vu dans tous les pays qui sont entrés dans la confusion et l’anarchie provient de là. Les citoyens en arrivent, soit par peur, soit par couardise, soit par ponce-pilatisme, à ne pas assumer leur responsabilité. Nous en sommes à ce stade aujourd’hui. D’ailleurs, pas seulement dans la Justice, mais dans tous les secteurs d’activité. Par conséquent, il y a nécessité aujourd’hui d’un vaste mouvement dans le pays pour dire non à ce qui est en train de se passer.

Le Pop : Derrière ces arrestations dans l’affaire dite des Chantiers de Thiès, ne pensez-vous que l’Etat en soit encore à sa chasse à l’homme Idrissa Seck ?

Pr A.B : Je ne sais pas. Mais il est évident qu’avec tout ce qui est en train de se passer actuellement, que ce soit les Chantiers de Thiès ou bien ces problèmes d’argent, il est visé, c’est clair. Et c’est la façon dont sont traités les dossiers qui m’inquiète. Au commencement de ces affaires de Thiès, je n’étais pas au gouvernement, mais mon parti y était. J’avais critiqué la procédure et je ne reviens pas là-dessus. J’avais dit que j’étais contre les Chantiers de Thiès et que ce n’était pas normal qu’on mette tant d’argent dans une seule commune du Sénégal au détriment du reste du pays. La nouvelle région de Matam était créée et elle manquait de tout en infrastructures. La priorité devait être d’équiper les régions et les localités les plus démunies pour une répartition plus équitable des ressources publiques dans le pays. Député à l’Assemblée nationale, je savais que les ressources n’existaient pas pour ces chantiers. D’où le recours au préfinancement. J’avais dit que là où il y a préfinancement de sommes aussi importantes, nécessairement il y aurait des problèmes de gestion. Puisque que les entreprises qui financent de cette façon sont obligées, pour rentrer dans leurs fonds, d’ajuster leurs prix à cause des frais bancaires. Ce qui est tout à fait normal. Personne ne m’avait écouté. Ensuite, ça a pris la tournure que ça a prise, avec des règlements de comptes politiques. Je ne doute pas un seul instant qu’il y a eu de problèmes avec les Chantiers de Thiès. Cela tombe sous le sens pour tout le monde. Mais, de là à en faire des armes pour un règlement de comptes, c’est autre chose. C’est très triste pour notre pays qu’on en soit arrivé là.

Le Pop : L’Anoci après les Chantiers de Thiès, le pouvoir post-alternance n’a-t-il pas une tare rédhibitoire en matière de transparence dans la conduite de grands chantiers ?

Pr A.B : Mes points de vue ne sont pas liés à des personnes. Autant j’ai critiqué les Chantiers de Thiès à leur démarrage, même dans le principe, autant j’ai été, je crois, le seul responsable politique national qui ait dit carrément qu’il était contre les Chantiers de l’Anoci. J’ai bien dit que c’était une entreprise familiale et que la mauvaise gestion est là aussi, parce qu’il n’y a aucun contrôle sur ces chantiers. L’Anoci est logée à la présidence de la République, dirigée par un Secrétaire exécutif qui est lui-même le Secrétaire général de la présidence de la République qui exerce un contrôle sur l’Inspection générale d’Etat (Ige). Comment voulez-vous que l’Ige aille contrôler un projet dirigé par son patron ? Les dirigeants de l’Anoci ont mis sur pied un comité de surveillance, dont ils ont eux mêmes désigné les membres. Ils les paient et leur donnent des jetons de présence ou d’autres formes de libéralités, je ne sais lesquelles. Finalement, l’Etat n’a aucun moyen de contrôle sur les Chantiers de l’Anoci. Aujourd’hui, on parle des Chantiers de Thiès, mais c’est sûr que si on y regardait de manière objective, l’Anoci, c’est exactement la même chose, sinon pire. Personne ne sait comment l’Anoci est financé. Les Chantiers de Thiès, ça provient du Budget national, on peut contrôler. Mais l’Anoci, on ne sait pas d’où vient l’argent mis à part le contrat avec les Koweitiens. L’on ne sait pas ce que les pays arabes ont exactement donné. Des sommes ont été annoncées. Comment cet argent est arrivé ? Dans quel compte en banque il a été logé et selon quelle procédure ? Personne ne le sait. C’est vrai que cela est symptomatique d’une manière de gérer le pays. Le mal est systémique. Il y a aussi les Berges du Sine et toutes ces opérations 4 avril dans les régions. On se lève pour donner 15 milliards à Diourbel sans dire pourquoi. A côté de cela, c’est la misère dans d’autres régions. Par exemple, Amath Dansokho a dit avoir eu 11 millions de Fonds de dotation. Dès que vous sortez de Kaolack, jusqu’à Tambacounda, Kolda et Ziguinchor, les routes nationales sont totalement défoncées. Ce ne sont pas des nids de poule qu’on y trouve, mais des trous d’éléphants. De même, dès que vous sortez de Saint-Louis, de Dagana jusqu’à Bakel, la route nationale est pratiquement inexistante sur des dizaines de kilomètres. C’est ça la priorité aujourd’hui pour notre pays. Ce n’est pas de faire la plus belle corniche de l’Afrique de l’Ouest.

Le Populaire : Parlons de la Cpa maintenant, pourquoi l’opposition a répondu en rangs dispersés à l’appel au dialogue de Me Wade ?

Pr . A. B : Je dois avouer que nous, à la Ld, nous étions d’avis que il fallait y aller en tant que Cpa. Parce les grandes questions qui nous préoccupent l’opposition sont collectives. Le mandat de Abdoulaye Wade s’achève dans quelques mois. Nous allons à des élections présidentielles et à des élections législatives qui étaient dues depuis le mois de mai. La préoccupation fondamentale, selon nous, était d’engager le dialogue autour de l’organisation des élections. Comment réorganiser la démocratie qui est aujourd’hui malmenée au Sénégal. Il fallait se pencher sur la question des libertés démocratiques et la question de l’accès aux médias d’Etat. Nous avons défendu l’idée que la Cpa devait former une seule délégation pour aller défendre une cause qui lui est commune. Cette position n’était pas partagée par tous à la Cpa. Certains ont dit qu’il fallait y aller, même si le Président voulait nous rencontrer individuellement. Finalement, nous sommes tombés d’accord sur les trois questions qu’il fallait aller défendre. Nous ne pouvions pas y aller ensemble, mais au moins, allons y pour défendre les mêmes points de vue sur trois questions précises.

Le Pop : Certains de vos partenaires comme Moustapha Niasse ou Amath Dansokho n’ont pas immédiatement rejeté les offres de Me Wade...

Pr A.B : (Il coupe). Non ! Non ! Amath Dansokho a dit qu’il allait s’en remettre à son parti. Ce qui est tout a fait normal, si son parti n’en avait pas discuté avant. Nous, à la Ld/Mpt, nous avions déjà retenu une position là-dessus. Cette offre n’avait pas de sens. Je n’ai pas eu de problème par rapport à ce qu’a dit Amath Dansokho. Il a dit, comme nous, qu’un gouvernement d’union à quelques mois des élections n’avait pas de sens. Maintenant, il y a eu d’autres démarches que je respecte mais qui ne sont pas les nôtres. Sur la polémique entre le pouvoir et l’Afp, comme je n’étais pas présent, je ne peux pas donner une position. C’est à l’Afp de répondre aux accusations de Pape Samba Mboup. Moi je n’en sais rien, honnêtement. Toutefois, de manière globale, avec ce que je vois avec toutes ces affaires d’argent, de protocole de Rebeuss, de Fonds politiques, ces histoires d’entretiens séparés avec le président de la République, ces manœuvres politiciennes tous azimuts, ces hommes politiques qui retournent leurs vestes à tout bout de champ, tout cela donne une piètre image de la classe politique. Et cela me blesse profondément, parce que, quoi que l’on dise, jusqu’ici, la classe politique sénégalaise, à part quelques brebis galeuses, tenait le haut du pavé. Ces derniers temps, la classe politique se discrédite chaque jour, d’où mon appel à plus de morale et d’éthique dans le comportement des gens. Autrement, toute la classe politique sera vomie par l’opinion. La classe politique discréditée, un vide va se créer qui va faire le lit de toutes les aventures.

Le Pop : Est-ce que pouvez dire qu’il n’y aura plus défection à la Cpa d’ici les élections ?

Pr. A.B : Ce que je peux dire, c’est que la Ld/Mpt restera dans l’opposition. S’il ne doit rester qu’un seul parti à la Cpa, ce sera la Ld. Ça je peux le garantir. Je ne peux le faire pour les autres partis, même si je souhaite qu’il en soit de même pour eux. Nous continuons de travailler avec nos partenaires. Jeudi prochain (demain, ndlr), nous présenterons notre programme commun. Je coordonne le comité des investitures aux élections. Nous avons déjà tenu plusieurs réunions et le 30 novembre, je vais présenter un rapport définitif aux leaders pour un débat qui réglera la question des listes aux législatives et la question de la candidature à la présidentielle.

Le Pop : La Cpa a-t-elle définitivement opté pour le régime parlementaire ?

Pr. A.B : Il y a eu de longs débats mais tout le monde a retenu le principe du régime parlementaire. Tout le monde est d‘accord là-dessus.

Le Pop : Avez-vous tranché le débat sur la candidature à la présidentielle ?

Pr A.B : Plusieurs positions sur le sujet se sont déjà exprimées dans la presse. Ceux qui sont respectivement pour une candidature unique, une pluralité des candidatures ou des candidatures limitées, ont tous leurs arguments. Tous arguments qui seront mis sur la table. Si nous trouvons un consensus, tant mieux, sinon nous aurons au moins réussi la liste unique aux législatives qui nous permettra de gagner, de contrôler l’Assemblée nationale et, au pire des cas pour nous, de contraindre à la cohabitation le président de la République s’il ne venait pas de nos rangs. Nous formerions le gouvernement et le pays ne serait plus laissé à la dérive, comme c’est le cas aujourd’hui où Exécutif, Législatif et Judiciaire se confondent totalement. Tous les pouvoirs sont réunis entre les mains du Président Wade. Dans une situation pareille, un pays est forcément à la dérive.

Le Pop : Etes-vous, à la Cpa, pour le report des élections parce qu’elles seraient mal préparées par le pouvoir actuel ?

Pr . A.B : La Cpa est contre le report des élections. Je tiens à nettement le souligner. Nous sommes pour que toutes les mesures soient prises afin que les élections se tiennent le 25 février 2007. Toutes ces mesures, que ce soit le contrôle du fichier, et toutes les autres questions sous-jacentes ; nous n’avons pas, par exemple, jusqu’à présent, de Code électoral. Le Code électoral existant devait être refondu totalement, puis le gouvernement devait déposer un projet à l’Assemblée nationale. Jusqu’à présent, ce projet n’est pas été débattu à l’Assemblée nationale. Or c’est sur la base de dispositions bien précises de ce Code électoral que nous devons aller aux élections. Toutefois, il est encore possible d’avoir ce nouveau Code électoral. C’est pourquoi nous poussons à la roue. Finalement, ni le gouvernement ni le pays n’ont intérêt à ce que les élections soient reportées. Pour des partis politiques, s’engager dans le report d‘élections, c’est se jeter le discrédit total sur eux-mêmes, sur le pays et sur les institutions. Déjà, l’Assemblée nationale actuelle est totalement illégitime, elle a prorogé son propre mandat. Le président de la République, au nom de quelle légitimité, peut-il proroger son mandat ? Le Sénégal n’est pas en guerre civile. Nous ne sommes pas dans la situation de la Côte d’Ivoire où l’on parle de proroger le mandat du président de la République. C’est une honte d’envisager le report des élections. Pour Abdoulaye Wade, cela doit être une question d’honneur d’organiser des élections à date échue et de manière plus transparente que celles de 2000. Si Me Abdoulaye Wade échoue dans ce défi, son nom sera inscrit en lettres noires dans l’histoire de notre pays. Je ne le souhaite ni pour lui ni pour notre pays.



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email