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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

Entretien avec Mamadou Nkrumah SANE : ‘Il n'y a pas de place pour le Mfdc dans un Sénat sénégalais’

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Entretien avec Mamadou Nkrumah SANE : ‘Il n'y a pas de place pour le Mfdc dans un Sénat sénégalais’

L’envoi par le Chef de l’Etat d’une délégation en Gambie pour libérer des combattants du Mfdc a servi de prétexte à l’entretien que Mamadou Nkrumah Sané nous a accordé. Mais toutes les questions ou presque ont été abordées et celui qui s’est auto-proclamé secrétaire général du Mfdc, en s’appuyant sur un testament de Diamacoune qu’il dit détenir, n’a pas fait dans la langue de bois. C’est ainsi qu’il soutient vivre ‘le plus tranquillement possible’ le mandat d’arrêt international lancé contre lui par les autorités sénégalaises. Il va même plus loin en disant qu’il n’attend que le déclenchement de la procédure d’extradition par le président Wade. D’autres questions ont été abordées telles que les rumeurs sur l’entrée dans le Sénat des membres du Mfdc, l’emprisonnement de certains parmi les combattants du Mfdc en Gambie. Nkrumah Sané n’a pas raté les cadres casamançais qu’il accuse d’être des ‘incapables’.

Wal Fadjri : M. Sané, le président de la République, Abdoulaye Wade, a rendu publique la liste des sénateurs. Des bruits avaient couru à Dakar que des membres du Mfdc devraient y figurer. Finalement, il n’y a pas de membres du Mfdc au Sénat. Êtes-vous content ?

Mamadou Nkrumah SANE : Je savais qu’il n’y aura pas de membres du Mfdc dans un Sénat sénégalais. Ceux-là, qui avaient pensé qu’ils allaient être choisis comme sénateurs, viennent de s’apercevoir que les Sénégalais se serviront toujours d’eux. On les a pressés et c’est terminé. Ils doivent comprendre que le Mfdc et le peuple casamançais savent qui ils sont. Et ils n’ont qu’à aller se plaindre auprès d’Abdoulaye Wade.

Wal Fadjri : Pourquoi refusez-vous que ces membres du Mfdc figurent dans une assemblée comme le Sénat ?

Mamadou Nkrumah SANE : Ce ne sont pas des membres du Mfdc, mais des sous-préfets du gouvernement sénégalais qui les ont choisis pour tenter de saboter le Mfdc et détruire le peuple casamançais. Et quand un sous-préfet n’a pas rempli le travail pour lequel il a été nommé, il doit être sanctionné. C’est la raison pour laquelle, ils n’ont pas figuré sur la liste d’Abdoulaye Wade. Je rappelle que Biagui a été membre du Mfdc. Nous l’avons exclu depuis le mois de juin 1996.

Wal Fadjri : Quand vous dites ‘nous’, vous faites allusion à qui ?

Mamadou Nkrumah SANE : Biagui a pris son adhésion où ? C’est ici à Paris, dans la section du Mfdc de France. C’est moi qui ai signé sa carte d’adhésion. Et je savais très bien que c’était un espion du Ps venu nous espionner. Je savais qu’il ne pouvait rien. Quant à Alexandre Djiba, il n’a jamais été membre du Mfdc. Pour ceux qui ne le savent pas oui, mais mes hommes et moi, nous savons… Ils se réclamaient du Mdfc parce qu’ils avaient une proie qui était l’Abbé Diamacoune. C’est le Sénégal qui faisait faire nommer, par Diamacoune, ces gens-là aux postes qu’ils occupaient. Pour nous, ils se sont rangés du côté de l’ennemi. Je peux vous dire que le Mfdc et le peuple casamançais ne leur pardonneraient jamais cela. Depuis la disparition de l’Abbé Diamacoune, où est-ce qu’ils sont ? Ils sont tous à Dakar. S’ils sont du Mfdc, pourquoi ne sont-ils pas allés là où l’Abbé Diamacoune était.

Wal Fadjri : Pourquoi leur refusez-vous le statut de membre du Mfdc ? Avez-vous des problèmes personnels avec eux ?

Mamadou Nkrumah SANE : Je ne refuse pas le statut de membre du Mfdc à quiconque (...) A un moment donné, ces jeunes-là (Biagui et Ansoumana Sambou, Ndlr) ont accepté une mission pour détruire le Mfdc et le peuple casamançais. Et bien, ils doivent en tirer les leçons. Ils savent qu’ils ne peuvent même pas faire trembler le Mfdc à plus forte raison le détruire (…). Par conséquent ils ne sont pas du Mfdc. Biagui a voulu modifier le Mdfc à sa guise et le donner au gouvernement du Sénégal. Je pense que le jour viendra où il rendra compte au peuple casamançais et au Mfdc. Tôt ou tard, non seulement ils se feront découvrir, mais ils seront lâchés par ceux qui les ont employés dans le but de détruire le Mdfc. Parce qu’ils ne le réussiront pas. Aujourd’hui, s’ils sont conséquents avec eux-mêmes, chacun d’entre eux doit réintégrer son parti d’origine : Ansoumana était du Pds et Biagui du Ps. C’est une bourse Ps qui l’a amené à Lyon en 1982. Je pense que ce sont, malheureusement, des valets du Sénégal. Heureusement pour le peuple casamançais, je pense qu’ils resteront soit à Paris, soit à Dakar, mais jamais en Casamance.

Wal Fadjri : Leur mission n’est-elle pas la recherche de la paix ?

Mamadou Nkrumah SANE : Leur paix à eux !

Wal Fadjri : C’est-à-dire ?

Mamadou Nkrumah SANE : Leur paix à eux, c’est être Sénégalais. Biagui a montré qu’il est Sénégalais. En quoi quelqu’un qui se réclame Sénégalais peut-il empêcher aux Casamançais de se réclamer Casamançais ? S’il a cette force-là, il n’a qu’à aller en Casamance. Mais ce qui est sûr, ils paieront tous, un jour, les actes pour lesquels ils ont été amenés à accomplir en Casamance.

Wal Fadjri : Pourquoi insistez-vous sur la ‘notion de peuple casamançais’ ? Pourquoi ne parlez-vous de communauté casamançaise ?

Mamadou Nkrumah SANE : Avant la communauté, il y a le peuple. La communauté est le fruit d’un peuple qui est l’ensemble d’un territoire qui s’est constitué. A l’intérieur de ce territoire, il y a beaucoup de terroirs. Leur point commun, c’est le nom du peuple et ensemble ils lutteront pour construire la future nation de la casamançaise. Et le peuple a existé avant ce qu’on appelle ici et là la notion de communauté.

Wal Fadjri : Mais les Casamançais sont des Sénégalais

Mamadou Nkrumah SANE : Le Mfdc n’a jamais obligé un Casamançais à être Casamançais. Je crois que nos pères fondateurs du Mfdc ont été clairs. S’ils étaient Sénégalais, l’initial de leur Mouvement porterait un ‘S’. Donc il faut que les Casamançais qui contestent le Mfdc sachent que leur papa ou leur grand-père était beaucoup plus Casamançais qu’ils ne le pensent. Il y a un proverbe Mandingue qui dit qu’un homme qui porte deux noms de famille est un esclave. Donc les Casamançais authentiques ne diront jamais qu’ils sont à la fois Casamançais et Sénégalais. Cela n’existe pas. (…).

Wal Fadjri : Le président de la République aurait envoyé une délégation en Gambie pour la libération de vos combattants. Etes-vous satisfait de cette action ?

Mamadou Nkrumah SANE : Personnellement, je n’ai pas attendu que mon ennemi fasse un pas pour libérer mes combattants. Abdoulaye Wade n’a jamais eu une initiative quelconque pour libérer mes combattants qui sont arrêtés en Gambie. Celui qui a tenté le coup d’Etat contre Yaya Jammeh se trouve au Sénégal. Pourquoi les cadres casamançais n’ont pas demandé à Wade de le rendre à Yaya Jammeh. Pourtant il a attenté à la vie du Chef de l’Etat gambien. Koukoy Samba Sagna est à Dakar. Pourquoi ces cadres casamançais n’ont-ils pas demandé à Abdoulaye Wade de le livrer à Yaya Jammeh ? Lorsque Yaya Jammeh a libéré Kamoungué Diatta, ils l’ont amené à Dakar. Comment se fait-il qu’ils l’aient laissé repartir en Gambie pour être arrêté de nouveau ? Le jeu du régime sénégalais sur la Casamance est un jeu dangereux. Et je l’affirme : il ne pourra rien. Ce n’est pas en accusant la Guinée-Bissau et la Gambie qu’ils règleront le problème casamançais. Abdoulaye Wade connaît très bien le problème casamançais, mais les jeunes qui l’entourent ne font que s’agiter et ne savent rien. La vérité, c’est que c’est le régime sénégalais qui a imposé la guerre en Casamance. Jamais, ils ne pourront obtenir ce qu’il pense du Mfdc encore moins du peuple casamançais. Donc tous les cadres, qui sont des agitateurs, jouent à un jeu dangereux. Je suis sûr que Yaya Jammeh sait ce qu’il fait. Ses frères qu’il a arrêtés, il les libérera parce que, depuis que j’ai remplacé l’Abbé Diamacoune, j’ai continué les démarches d’abord pour savoir comment mes combattants se retrouvaient en Gambie et pourquoi ils se sont fait arrêter. Cette affaire ne se règlera qu’avec Yaya Jammeh et nous. Et non pas par une intervention hypocrite de soi-disant cadres.

Wal Fadjri : Comment se sont-ils retrouvés en Gambie ?

Mamadou Nkrumah SANE : Justement, c’est le travail que l’Abbé Diamacoune et moi avions continué à chercher. Ils sont arrêtés en quelle année ? En quel mois ? Ces cadres n’étaient-ils pas là ? C’est aujourd’hui qu’ils s’en rendent compte ? C’est de l’hypocrisie. Ce sont ces mêmes cadres qui ont kidnappé l’Abbé Diamacoune en Guinée-Bissau pour le garder avec les régimes successifs du Sénégal. Lorsque l’Abbé Diamacoune est tombé malade, qui est venu, parmi les cadres lui rendre visite ? Personne ! Même Atépa, qui s’agite partout, n’est pas venu à l’hôpital.

Wal Fadjri : Cela vous fait-il mal ?

Mamadou Nkrumah SANE : Je ne peux pas vous dire comment ce mal me ronge. Je ne dirai même que j’ai honte ! Ils ont commis un crime puisqu’ils sont à l’origine du kidnapping de Diamacoune depuis Bissau. De 1993 à 2006, qu’est-ce qu’ils ont négocié ? Comment, ces gens qui sont des Sénégalais, peuvent-ils négocier à la place du Mfdc ? Ils sont cadres Sénégalais !

Wal Fadjri : Mais aussi casamançais…

Mamadou Nkrumah SANE : C’est ce que je viens de vous dire : on ne peut pas prendre deux noms de familles.

Wal Fadjri : Ne peut-on pas être cadre Casamançais sans pour autant être membre du Mfdc ?

Mamadou Nkrumah SANE : Bien sûr que oui. Et dans ce cas, soit on est Sénégalais, soit on est Casamançais. Beaucoup d’Algériens n’ont pas voulu être Algériens durant la lutte de libération de l’Algérie. Ils ont dit qu’ils étaient Français. Nous avons choisi d’être les héritiers du Mfdc. Les autres disent qu’ils sont Sénégalais. Nous, nous continuons la lutte pour chasser l’occupant. Le jour où le peuple se libéra, ils choisiront comme beaucoup d’autres l’ont fait. Mais de grâce qu’on laisse Yaya Jammeh tranquille. Qu’ils ne fassent rien pour envenimer les relations qui ont toujours existé entre les Gambiens et les Sénégalais. Ce sont eux qui se disent Casamançais qui ont un problème avec le Sénégal. Puisqu’ils sont cadres pour encadrer les Casamançais, leur devoir c’est de faire en sorte que le Mdfc ne se réveille pas. Puisqu’ils n’ont pas pu le faire, depuis que le Mdfc s’est réveillé, combien de réunions, de missions ont-ils entreprises et quel est le résultat. Yaya Jammeh que l’on accuse aujourd’hui d’avoir bloqué les négociations en arrêtant des membres du Mfdc, a accueilli la première réunion que le gouvernement du Sénégal avait imposée. Combien d’assises ont été tenues en Gambie ? Ce qui est sûr, ils ne sont pas les cadres du peuple casamançais. Le Mfdc est un mouvement casamançais. Seuls les membres du Mfdc règleront leur problème avec l’Etat sénégalais.

Wal Fadjri : Quel devait être le rôle de ces cadres, selon vous ?

Mamadou Nkrumah SANE : C’est d’encadrer les peuples casamançais. Si c’était de véritables cadres, le Mfdc ne se réveillerait pas. Pourquoi un peuple se réveille-t-il ? C’est pour se développer, se soigner, s’instruire. Depuis des années, qu’est-ce qu’il y a eu en Casamance ? Rien ! Ces cadres ont même été incapables, quand le bateau a sombré, d’acheter un autre bateau. Je me souviens du projet de Touré Kunda et d’Atépa lui-même. Pourquoi n’a-t-il pas acheté un bateau ? Ils avaient proposé d’acheter un bateau dont ils pouvaient être actionnaires. Qu’est-ce qui les en ont empêchés ? C’est l’Etat sénégalais. Après Abdoulaye Wade n’est-il pas allé chercher un vieux bateau au nom des Marocains, dont son fils est actionnaire ?

Wal Fadjri : Vous portez des accusations…

Mamadou Nkrumah SANE : Je n’accuse pas son fils. Il fait partie de la société Wilis. Ce ne sont pas des accusations.

Wal Fadjri : Revenons sur les membres du Mfdc arrêté en Gambie. Qu’est-ce qui s’est vraiment passé ?

Mamadou Nkrumah SANE : Justement, nos services sont en train de faire leurs investigations. Je ne ferai aucune déclaration sur cela. En Guinée-Bissau, il y a eu beaucoup d’arrestations de nos combattants. Nos actions ont fait qu’ils ont été tous libérés sans que ces cadres-là ne le sachent. Les choses se sont compliquées avec la Gambie à cause de la tentative de coup d’Etat de Ndoul Thiam derrière lequel il y a le Sénégal.

Wal Fadjri : Avez-vous des preuves parce que les autorités sénégalaises ont démenti.

Mamadou Nkrumah SANE : Mais où est l’ambassadeur du Sénégal en Gambie ? N’a-t-il pas été remplacé ? Si le Sénégal n’y est pour rien, pourquoi ne livre-t-il pas ce militaire, comme il l’a fait pour la Mauritanie ?

Wal Fadjri : Peut-être le militaire gambien n’est pas au Sénégal comme ce fut le cas de ceux de la Mauritanie.

Mamadou Nkrumah SANE : Quand il a fui, il est passé par la Casamance avant d’arriver à Dakar. Je suis au courant de tout. Il faut que Wade arrête ce jeu que le président avait joué en son temps.

Wal Fadjri : Quel est ce jeu dont vous parlez ?

Mamadou Nkrumah SANE : Il consiste à dire que c’est la Guinée-Bissau et la Gambie qui arment le Mdfc et si ce n’était pas ces deux pays, il y a longtemps que le Mfdc est écrasé. C’est dangereux. Pensez-vous sérieusement que si la Gambie et la Guinée-Bissau nous armaient, on serait aujourd’hui à ce stade ? Pourtant récemment, Abdoulaye Wade n’a-t-il pas reçu ici en France le rebelle du Soudan pour lui dire qu’il doit négocier avec le Soudan. Alors qu’il a sa rébellion avec qui il refuse de négocier. Il a reçu aussi à plusieurs reprises Guillaume Soro de Côte d’Ivoire à qui il déroule le tapis rouge du palais et à qui il a donné un passeport diplomatique sénégalais.

Wal Fadjri : Pourtant Abdou Diouf et Abdoulaye Wade ont, eux aussi, plusieurs fois lancé le dialogue avec le Mfdc

Mamadou Nkrumah SANE : Quand ils ont voulu le dialogue, ils l’ont eu avec moi en 1991. Mais ils disent qu’ils doivent dialoguer avec le Mdfc sans Nkrumah. C’est leur problème, ce n’est pas le mien encore moins celui du peuple casamançais.

Wal Fadjri : C’est parce que vous n’avez pas voulu répondre à l’appel au dialogue

Mamadou Nkrumah SANE : Où est-ce que les autres rebelles - Abdoulaye Wade dit y avoir joué un rôle - ont commencé à négocier ? Où est-ce que les rebelles ivoiriens ont commencé à négocier avec les autorités de Côte d’Ivoire ? Ils ont commencé les négociations ici en France. Abdoulaye Wade et son ministre des Affaires étrangères ont dit que ce sont eux qui ont été les acteurs. Il faut que les Sénégalais ne soient pas intelligents pour croire qu’on doit nous imposer à aller négocier à Foundiougne. La première négociation qui nous a permis de signer le premier accord, dont je sais que c’est le seul qui soit valable, a été tenue où ? Ce n’est pas en Guinée-Bissau ? Je crois que le moment viendra si Abdoulaye Wade le veut. Abdou Diouf a eu beaucoup de mandats, rien que pour nous écraser avant de partir, il ne l’a pas pu. Il est beaucoup plus jeune qu’Abdoulaye Wade. Ce dernier aura le nombre de mandats qu’il voudra au Sénégal pour nous écraser, il ne pourra pas. De toutes les façons son âge ne lui permet pas de l’avoir.

‘Je vis tranquillement mon mandat d’arrêt’

Wal Fadjri : Dans l’édition de Wal Fadjri du vendredi 21 septembre dernier, l’aile militaire du Mfdc pousse l’aile politique à s’unir pour aller vers de véritables négociations. Qu’en pensez-vous ?

Mamadou Nkrumah SANE : Mon aile militaire ne peut pas lancer un dialogue sans que je ne le sache. Le chef de l’aile politique, c’est moi. Je suis sûr d’une chose, quand mes combattants veulent parler en direction de tel ou tel, ils s’adressent d’abord à moi. Ils savent que le rôle politique n’est pas dédié aux combattants. Seulement, je constate tout simplement que le Mfdc n’a pas de presse. Les Casamançais cadres ou pas n’ont pas de presse. Toute la presse est entre les mains des Sénégalais. Ils actionnent tous ce qu’ils veulent contre le Mfdc.

Wal Fadjri : Mais là, c’est César Badiate qui a publié un communiqué repris par la presse

Mamadou Nkrumah SANE : Quand César Badiate sait quelque chose, il s’adresse à moi avant de faire quoi que ce soi. Ensuite je lui donne l’autorisation de le faire. Quand il le fait, il me rend compte d’abord avant que la presse ne s’en saisisse. Mais dès l’instant que tel ou tel se mettra à écrire à Abdoulaye Wade sans que je ne sois au courant, c’est parce que ce n’est pas crédible. Depuis plus de 25 ans, la presse sénégalaise parle de l’anéantissement de la rébellion. A la mort de Diamacoune, on parlait d’ex-rébellion. Tout cela ne peut jamais durer. Notre peuple et le Mfdc savent qu’ils ont tué Sidy Badji, l’Abbé Diamacoune et beaucoup d’autres, mais ils ne réussiront jamais à tuer le peuple casamançais. Ce peuple-là travaille et continuera à travailler dans la résistance. Nous savons très bien que c’est notre ténacité militaire qui contraindra les militaires et l’Etat sénégalais à négocier. Tout ce qu’ils font c’est parce que les caisses de l’Etat sont vides. Abdou Diouf, puis Abdoulaye Wade est obligé d’agiter la question de la rébellion pour avoir l’argent des bailleurs de fonds. Ils peuvent avoir l’argent qu’ils veulent, mais cet argent n’arrivera jamais à détruire les forces du Mfdc. Les Sénégalais ont donné leur destin à quelqu’un qui est plus qu’un roi. Même le roi Mohamed VI du Maroc n’ose pas choisir 65 sénateurs pour une institution royale. Mais Abdoulaye a choisi 65 personnes à sa guise à des postes nationaux. Il n’y a qu’au Sénégal que cela se passe. Il a acheté les députés qui sont à l’Assemblée nationale. Chaque député a sa 4 X 4. Sans compter maintenant le nombre de sénateurs, de conseillers de la République et de ministres. Fabrique-t-il de l’argent ? Non. A-t-il des ressources sur son sol qui lui permettent de dépenser à l’emporte-pièce ? Non plus.

Wal Fadjri : N’avez-vous pas eu des relations avec lui avant qu’il ne soit président de la République ?

Mamadou Nkrumah SANE : C’est un homme comme moi. Il n’a jamais souhaité avoir des relations avec moi. Mais l’histoire a fait qu’il m’a trouvé en prison. Quand j’étais arrêté, il ne m’a pas défendu alors que c’est un avocat. Il s’est lié avec Abdou Diouf. J’ai fait deux procès sur la sûreté de l’Etat au Sénégal. Au premier procès, je n’avais aucun avocat. C’est au deuxième procès qu’un jeune avocat sénégalais s’est porté volontaire pour me défendre. C’est Ciré Ly. C’est le seul qui est un homme de droit. Alors qu’Abdoulaye Wade, quand il s’est fait arrêter à la suite de l’assassinat de Me Seye, je lui ai envoyé mon avocat pour le défendre. Je sais que les relations d’homme à homme ont toujours existé et existeront toujours. Mais si un de mes interlocuteurs pense qu’il est plus intelligent que moi, qu’il peut m’utiliser à son gré, il se trompe lourdement. Abdoulaye Wade sait que c’était lui qu’Abdou Diouf avait envoyé pour entamer avec nous, chez lui, au point E, les premières négociations qui avaient abouti aux accords de Cacheu. Il sait qui je suis. Il sait aussi qu’il ne peut pas me tromper et non plus tromper le peuple casamançais.

Wal Fadjri : Lorsque Wade était à Paris, aviez-vous des contacts ?

Mamadou Nkrumah SANE : Il m’avait demandé en janvier 1998 une audience que je lui ai accordée. Depuis lors il en a fait la demande, j’ai refusé.

Wal Fadjri : Vous envoie-t-il des émissaires ?

Mamadou Nkrumah SANE : Pour l’instant, non ! Avant oui, mais maintenant non. Quand il est arrivé au pouvoir, il s’est dit qu’il fera sans moi. Il a dit qu’il va régler le problème en 100 jours. Son peuple lui demandera des comptes. Il ne pourra jamais me faire Sénégalais. Il a même tiré son constat d’échec. En décembre 2006, au moment où il achevait Diamacoune, il constate qu’il a échoué. Alors que l’abbé est un homme honnête, qui connaît son histoire, qui connaît son peuple, qui sait d’où il vient et où il va. L’abbé Diamacoune m’a laissé son testament de la Casamance.

Wal Fadjri : L’avez-vous et que dit ce testament ?

Mamadou Nkrumah SANE : Bien sûr que je l’ai, mais je ne peux pas vous dire pour l’instant son contenu ! Il sera un jour révélé au monde, mais pas pour l’instant, je ne peux pas vous en dire plus. Il a fait ce testament le 22 janvier 1999 après qu’il a rencontré Abdou Diouf à Ziguinchor.

Wal Fadjri : Pourquoi ne révélez-vous pas le contenu du testament pour que les choses soient claires puisque certains contestent votre leadership au sein du Mfdc ?

Mamadou Nkrumah SANE : Ceux qui me contestent doivent sortir le testament de mon secrétaire général. Quand vous contestez quelqu’un, il faut sortir des preuves. C’est le peuple casamançais qui a élu l’Abbé Diamacoune comme secrétaire général et m’a élu comme son adjoint. J’ai respecté les institutions du Mfdc jusqu’à ce que l’Abbé Diamacoune soit tombé malade. (…). Je l’ai suivi, et vous en êtes témoins, jusqu’au jour où il nous a quitté. Mais beaucoup ne savait pas que j’avais le testament de l’Abbé Diamacoune depuis 1999. Je ne peux pas le révéler pour l’instant. Le jour viendra puisque vous me dites d’autres se réclament secrétaire général du Mfdc. Mais ils n’ont qu’à prouver en produisant le testament de Diamacoune.

Wal Fadjri : Le testament est-il votre botte secrète ?

Mamadou Nkrumah SANE : Non ! C’est le testament du peuple casamançais. Lorsque Abdou Diouf partait, il a confié les dossiers sénégalais à qui ? Il l’a confié à Abdoulaye Wade quand le peuple l’a choisi pour le remplacer. L’Abbé Diamacoune a fait la même chose. Ceux dont vous parlez, c’est Diamacoune qui les a nommés.

Wal Fadjri : Ceux qui vous contestent soutiennent que vous n’avez pas de relations avec le maquis.

Mamadou Nkrumah SANE : Comment voulez-vous qu’un chef n’ait pas de relations avec son armée ? Vous l’imaginez-vous ? Ces gens qui me contestent, ont plusieurs fois tenté d’aller au maquis, mais ils n’ont pas pu. A vrai dire ceux qui me contestent aujourd’hui, si ce n’était pas l’Abbé Diamacoune et moi, ils n’ont jamais entendu parler du Mfdc durant tout leur cursus universitaire. Ce sont ceux qui ont écouté Diamacoune qui l’ont hérité. Par exemple prenons le cas de Ansoumana Badji. Quand l’Abbé Diamacoune l’a nommé, il est allé rester à Dakar au lieu de résider Ziguinchor. Où est-ce que vous avez vu cela ? Où réside le Premier ministre d’Abdoulaye Wade ? Est-il à Podor ? C’est la même chose ! Cela devait leur servir de leçon, surtout à ceux qui se disent cadres. Citez-moi un seul cadre qui a une belle maison à Ziguinchor ou ailleurs en Casamance. Et pourtant, ils se disent cadres pour encadrer leurs villes et leur population. Nous sommes passés à la cour de la sûreté d’Etat, mais aucun de ces cadres n’a eu le courage de payer des avocats pour nous défendre. C’était devant des magistrats militaires sénégalais, quand on m’a interrogé sur la nationalité casamançaise trois fois, je l’ai répétée six fois. Ils m’ont condamné à 15 ans de prison. Mon peuple m’a libéré avant terme.

Wal Fadjri : Comment avez vécu tout cela en prison ?

Mamadou Nkrumah SANE : Demandez ce qui se passe dans les prisons sénégalaises à ceux qui en sortent parce que si je vous le dis, vous considérerez que j’exagère. Dans les prisons sénégalaises, on m’insultait de mère. J’ai été victime de tentatives d’empoisonnement. Quand on m’a arrêté, ils n’ont jamais voulu me mettre avec mes frères. Mais le bon Dieu est là pour tout le monde. On ne pouvait pas tuer l’Abbé Diamacoune et Nkrumah ensemble. Je me suis évanoui quatre fois à la brigade de gendarmerie de Ziguinchor. Ce sont les médecins chinois qui m’ont sauvé pour la quatrième fois. A Dakar, heureusement, ils ne pouvaient rien faire. Mais ceux qui m’ont fait du mal - gendarmes policiers, procureurs, magistrats - sont tous partis. Pourtant je leur avais dit cela.

Wal Fadjri : Est-ce que votre vécu, c’est-à-dire votre passage en prison avec ses conséquences, constitue aujourd’hui un frein aux négociations ?

Mamadou Nkrumah SANE : J’aimerais bien que vous posiez cette question à Nelson Mandela. J’ai subi, certes, des humiliations, mais Nelson Mandela en a subi plus que moi. Mais quand ses bourreaux ont su qu’ils ne peuvent rien contre le peuple sud-africain, ils l’ont libéré. Ils ont négocié avec lui. Avec le Sénégal, ce sera la même chose. Le jour où il saura qu’il ne peut rien contre le petit casamançais, nous pourrons aller aux négociations. Au moment où je vous parle, ils continuent à tuer en Casamance, à faire des arrestations secrètes. Pire maintenant Abdoulaye Wade fait arrêter des militants du Mfdc pour détention de chanvre indien.

Wal Fadjri : C’est parce qu’ils en produisent alors que c’est interdit…

Mamadou Nkrumah SANE : Cette herbe existait en Casamance bien avant Abdoulaye Wade. Qui peut empêcher cette herbe sauvage de pousser en Casamance ? Personne. Donc on ne peut pas utiliser cette herbe naturelle que le bon Dieu a fait pousser en Casamance contre des gens. C’est insensé ! On tue ces Casamançais parce qu’ils possèdent cette herbe. Bientôt, on va les tuer aussi parce qu’ils mangent du riz. Tout cela prendra fin un jour. Abdoulaye Wade, cet homme de douze diplômes, pensent qu’il est le plus intelligent de tous les Chefs d’Etat africains, mais il s’apercevra que c’est un être humain mortel comme tout un chacun. (…).

Wal Fadjri : Le président de la République a lancé un mandat d’arrêt international contre vous. Comment le vivez-vous ?

Mamadou Nkrumah SANE : Je le vis le plus tranquillement possible. Cela ne m’empêche pas de parler, de manger et de boire.

Wal Fadjri : Etes-vous inquiet ?

Mamadou Nkrumah SANE : Pourquoi je serai inquiet. Je n’ai jamais tué, même pas un petit chien sénégalais. Je défends mon droit. Si je ne le fais pas, je serai le plus grand traître des Casamançais. Donc, même s’il lance vingt mandats d’arrêts contre moi, cela ne m’empêchera pas de dormir parce que je sais que c’est le peuple qui a raison. Je ne vois pas dans quel tribunal Abdoulaye Wade pourra-t-il m’entraîner ? Pourquoi ne déclenche-t-il pas cette procédure d’extradition ? Qu’est-ce qu’il attend ? Quand on lance un mandat d’arrêt international contre quelqu’un, c’est pour l’avoir chez soi puisqu’il est sûr qu’il a tous les droits de son côté. En plus il a la double nationalité française et sénégalaise. Il a beaucoup plus de relations dans le milieu judiciaire français que moi. Qu’il les utilise ! Peut-être qu’il était jaloux à l’époque lorsqu’il était avec Abdou Diouf. Il s’est, peut-être, dit qu’en ce moment s’il avait lancé ce mandat d’arrêt et qu’il réussisse, on dira que c’est Abdou Diouf. Je m’aperçois qu’il est à la tête du Sénégal depuis maintenant sept ans, mais j’ai l’impression qu’il a oublié qu’il a lancé un mandat d’arrêt international contre moi. Malheureusement depuis la mort de l’Abbé, il doit avoir des remords tous les jours parce que Nkrumah est encore en vie et a pris la place de Diamacoune.

Wal Fadjri : Depuis le lancement de ce mandat international contre vous, comment sont vos relations avec les autorités françaises ?

Mamadou Nkrumah SANE : La France est un Etat de droit. Elle a colonisé le Sénégal avant la Casamance. Elle sait que le mandat d’arrêt international contre moi, c’est aussi contre la Casamance. La France attend que le Sénégal se présente, qu’on nous juge. Ce n’est pas la France qui a demandé de lancer ce mandat d’arrêt international. C’est Abdoulaye Wade qui a réfléchi librement pour prendre cette décision. J’attends tranquillement, mais qu’il fasse vite parce que ce qui lui reste à vivre, n’est pas important. Puisqu’il veut tout régler avant de partir, il aura du pain sur la planche.

Si l’on vous demandait de poser deux conditions pour aller aux négociations, quelles conditions poseriez-vous ?

Mamadou Nkrumah SANE : Abdou Diouf a reçu ces conditions, Abdoulaye Wade aussi. Mais je crains fort que cette partie ne soit censurée par vous. Ils ont voulu régler le problème casamançais sans moi, c’est pourquoi Diouf et lui ont échoué. En 1997, je ne sais pas si c’est Diouf qui l’a envoyé ou c’est lui qui s’est envoyé, je lui avais dit, à l’époque, qu’il faut qu’il libère mes deux chefs : l’Abbé Diamacoune et Sidy Badji. Ils m’ont dit non et qu’ils ne quitteront jamais la Casamance. Sidy Badji et l’Abbé sont décédés. Quand il m’a envoyé Madické Niang en août 2005, je lui ai dit qu’il faut libérer l’Abbé Diamacoune, lever le mandat d’arrêt international et restituer tous les documents que la police française a saisis chez moi au nom de l’Etat du Sénégal. Si le Sénégal le fait, on peut commencer à entreprendre des démarches en vue de préparer les négociations. Madické Niang lui téléphone pour lui soumettre ces conditions, mais Abdoulaye Wade dit qu’il n’enlève pas le mandat d’arrêt international. Je lui ai donné une chance, il ne l’a pas saisie, mais tant pis pour lui. Parce que c’est lui qui a pris l’engagement devant son peuple et devant le peuple casamançais qu’il règlera le problème casamançais en moins de 100 jours. S’il n’accepte pas ces conditions, tant pis pour lui. Mais il ne règlera pas le problème casamançais à sa manière et comme il le veut.

Wal Fadjri : Comment avez-vous vécu toutes ces luttes fratricides au sein de l’aile militaire ?

Mamadou Nkrumah SANE : Pour moi qui suis un homme extrêmement expérimenté, à Paris depuis 1967, nous étions des Africains qui luttions pour accompagner nos parents bissau-guinéens, angolais dans leur combat contre l’occupant. Donc, c’est quelque chose que je connais, que j’ai vécu. Ce n’est pas nouveau pour moi. Cela ne nous choque pas. C’est une bonne chose. C’est de cette guerre fratricide que sortent les vrais nationalistes. (…) Il y a plus de victimes entre le Fatah et la Hamas qu’entre les membres du Mfdc. Cette guerre fratricide est normale. Ce sont de vrais Casamançais qui sont allés dans le maquis pour libérer leur peuple. Mais si un combattant prend cinq mille francs des mains d’un Colonel sénégalais, il doit être sûr que sa place n’est pas dans le maquis, mais à Dakar. (…).

Wal Fadjri : On est à l’approche de l’anniversaire du décès de l’Abbé Diamacoune Senghor. Allez-vous célébrer cet anniversaire ? Comment cela va-t-il se passer ?

Mamadou Nkrumah SANE : Nous n’avons, dans nos traditions à nous, à célébrer l’anniversaire de celui qu’on a assassiné. S’il est mort de sa mort naturelle, on l’aurait fait.

Wal Fadjri : Mais il est décédé à la suite d’une maladie

Mamadou Nkrumah SANE : L’Abbé Diamacoune a été arrêté en même tant que moi en 1982. Il souffrait d’une ulcère. Il n’a jamais été soigné de sa vie durant toute sa captivité. Combien de fois Abdoulaye Wade s’est fait-il soigné ? Combien de fois Abdou Diouf l’a été ? Pour moi, Sidy Badji et Abbé Diamacoune ont été volontairement assassinés. Je répète que Diamacoune était ulcéreux. Il a été arrêté pour la première fois sur son lit alité. Cette haine systématique des dirigeants sénégalais contre le peuple casamançais ne leur apportera rien. Sinon cela va renforcer la détermination du Mfdc à continuer sa lutte pour sa libération.

Propos recueillis par Wal Fadjri : M. Sané, le président de la République, Abdoulaye Wade, a rendu publique la liste des sénateurs. Des bruits avaient couru à Dakar que des membres du Mfdc devraient y figurer. Finalement, il n’y a pas de membres du Mfdc au Sénat. Êtes-vous content ?

Mamadou Nkrumah SANE : Je savais qu’il n’y aura pas de membres du Mfdc dans un Sénat sénégalais. Ceux-là, qui avaient pensé qu’ils allaient être choisis comme sénateurs, viennent de s’apercevoir que les Sénégalais se serviront toujours d’eux. On les a pressés et c’est terminé. Ils doivent comprendre que le Mfdc et le peuple casamançais savent qui ils sont. Et ils n’ont qu’à aller se plaindre auprès d’Abdoulaye Wade.

Wal Fadjri : Pourquoi refusez-vous que ces membres du Mfdc figurent dans une assemblée comme le Sénat ?

Mamadou Nkrumah SANE : Ce ne sont pas des membres du Mfdc, mais des sous-préfets du gouvernement sénégalais qui les ont choisis pour tenter de saboter le Mfdc et détruire le peuple casamançais. Et quand un sous-préfet n’a pas rempli le travail pour lequel il a été nommé, il doit être sanctionné. C’est la raison pour laquelle, ils n’ont pas figuré sur la liste d’Abdoulaye Wade. Je rappelle que Biagui a été membre du Mfdc. Nous l’avons exclu depuis le mois de juin 1996.

Wal Fadjri : Quand vous dites ‘nous’, vous faites allusion à qui ?

Mamadou Nkrumah SANE : Biagui a pris son adhésion où ? C’est ici à Paris, dans la section du Mfdc de France. C’est moi qui ai signé sa carte d’adhésion. Et je savais très bien que c’était un espion du Ps venu nous espionner. Je savais qu’il ne pouvait rien. Quant à Alexandre Djiba, il n’a jamais été membre du Mfdc. Pour ceux qui ne le savent pas oui, mais mes hommes et moi, nous savons… Ils se réclamaient du Mdfc parce qu’ils avaient une proie qui était l’Abbé Diamacoune. C’est le Sénégal qui faisait faire nommer, par Diamacoune, ces gens-là aux postes qu’ils occupaient. Pour nous, ils se sont rangés du côté de l’ennemi. Je peux vous dire que le Mfdc et le peuple casamançais ne leur pardonneraient jamais cela. Depuis la disparition de l’Abbé Diamacoune, où est-ce qu’ils sont ? Ils sont tous à Dakar. S’ils sont du Mfdc, pourquoi ne sont-ils pas allés là où l’Abbé Diamacoune était.

Wal Fadjri : Pourquoi leur refusez-vous le statut de membre du Mfdc ? Avez-vous des problèmes personnels avec eux ?

Mamadou Nkrumah SANE : Je ne refuse pas le statut de membre du Mfdc à quiconque (...) A un moment donné, ces jeunes-là (Biagui et Ansoumana Sambou, Ndlr) ont accepté une mission pour détruire le Mfdc et le peuple casamançais. Et bien, ils doivent en tirer les leçons. Ils savent qu’ils ne peuvent même pas faire trembler le Mfdc à plus forte raison le détruire (…). Par conséquent ils ne sont pas du Mfdc. Biagui a voulu modifier le Mdfc à sa guise et le donner au gouvernement du Sénégal. Je pense que le jour viendra où il rendra compte au peuple casamançais et au Mfdc. Tôt ou tard, non seulement ils se feront découvrir, mais ils seront lâchés par ceux qui les ont employés dans le but de détruire le Mdfc. Parce qu’ils ne le réussiront pas. Aujourd’hui, s’ils sont conséquents avec eux-mêmes, chacun d’entre eux doit réintégrer son parti d’origine : Ansoumana était du Pds et Biagui du Ps. C’est une bourse Ps qui l’a amené à Lyon en 1982. Je pense que ce sont, malheureusement, des valets du Sénégal. Heureusement pour le peuple casamançais, je pense qu’ils resteront soit à Paris, soit à Dakar, mais jamais en Casamance.

Wal Fadjri : Leur mission n’est-elle pas la recherche de la paix ?

Mamadou Nkrumah SANE : Leur paix à eux !

Wal Fadjri : C’est-à-dire ?

Mamadou Nkrumah SANE : Leur paix à eux, c’est être Sénégalais. Biagui a montré qu’il est Sénégalais. En quoi quelqu’un qui se réclame Sénégalais peut-il empêcher aux Casamançais de se réclamer Casamançais ? S’il a cette force-là, il n’a qu’à aller en Casamance. Mais ce qui est sûr, ils paieront tous, un jour, les actes pour lesquels ils ont été amenés à accomplir en Casamance.

Wal Fadjri : Pourquoi insistez-vous sur la ‘notion de peuple casamançais’ ? Pourquoi ne parlez-vous de communauté casamançaise ?

Mamadou Nkrumah SANE : Avant la communauté, il y a le peuple. La communauté est le fruit d’un peuple qui est l’ensemble d’un territoire qui s’est constitué. A l’intérieur de ce territoire, il y a beaucoup de terroirs. Leur point commun, c’est le nom du peuple et ensemble ils lutteront pour construire la future nation de la casamançaise. Et le peuple a existé avant ce qu’on appelle ici et là la notion de communauté.

Wal Fadjri : Mais les Casamançais sont des Sénégalais

Mamadou Nkrumah SANE : Le Mfdc n’a jamais obligé un Casamançais à être Casamançais. Je crois que nos pères fondateurs du Mfdc ont été clairs. S’ils étaient Sénégalais, l’initial de leur Mouvement porterait un ‘S’. Donc il faut que les Casamançais qui contestent le Mfdc sachent que leur papa ou leur grand-père était beaucoup plus Casamançais qu’ils ne le pensent. Il y a un proverbe Mandingue qui dit qu’un homme qui porte deux noms de famille est un esclave. Donc les Casamançais authentiques ne diront jamais qu’ils sont à la fois Casamançais et Sénégalais. Cela n’existe pas. (…).

Wal Fadjri : Le président de la République aurait envoyé une délégation en Gambie pour la libération de vos combattants. Etes-vous satisfait de cette action ?

Mamadou Nkrumah SANE : Personnellement, je n’ai pas attendu que mon ennemi fasse un pas pour libérer mes combattants. Abdoulaye Wade n’a jamais eu une initiative quelconque pour libérer mes combattants qui sont arrêtés en Gambie. Celui qui a tenté le coup d’Etat contre Yaya Jammeh se trouve au Sénégal. Pourquoi les cadres casamançais n’ont pas demandé à Wade de le rendre à Yaya Jammeh. Pourtant il a attenté à la vie du Chef de l’Etat gambien. Koukoy Samba Sagna est à Dakar. Pourquoi ces cadres casamançais n’ont-ils pas demandé à Abdoulaye Wade de le livrer à Yaya Jammeh ? Lorsque Yaya Jammeh a libéré Kamoungué Diatta, ils l’ont amené à Dakar. Comment se fait-il qu’ils l’aient laissé repartir en Gambie pour être arrêté de nouveau ? Le jeu du régime sénégalais sur la Casamance est un jeu dangereux. Et je l’affirme : il ne pourra rien. Ce n’est pas en accusant la Guinée-Bissau et la Gambie qu’ils règleront le problème casamançais. Abdoulaye Wade connaît très bien le problème casamançais, mais les jeunes qui l’entourent ne font que s’agiter et ne savent rien. La vérité, c’est que c’est le régime sénégalais qui a imposé la guerre en Casamance. Jamais, ils ne pourront obtenir ce qu’il pense du Mfdc encore moins du peuple casamançais. Donc tous les cadres, qui sont des agitateurs, jouent à un jeu dangereux. Je suis sûr que Yaya Jammeh sait ce qu’il fait. Ses frères qu’il a arrêtés, il les libérera parce que, depuis que j’ai remplacé l’Abbé Diamacoune, j’ai continué les démarches d’abord pour savoir comment mes combattants se retrouvaient en Gambie et pourquoi ils se sont fait arrêter. Cette affaire ne se règlera qu’avec Yaya Jammeh et nous. Et non pas par une intervention hypocrite de soi-disant cadres.

Wal Fadjri : Comment se sont-ils retrouvés en Gambie ?

Mamadou Nkrumah SANE : Justement, c’est le travail que l’Abbé Diamacoune et moi avions continué à chercher. Ils sont arrêtés en quelle année ? En quel mois ? Ces cadres n’étaient-ils pas là ? C’est aujourd’hui qu’ils s’en rendent compte ? C’est de l’hypocrisie. Ce sont ces mêmes cadres qui ont kidnappé l’Abbé Diamacoune en Guinée-Bissau pour le garder avec les régimes successifs du Sénégal. Lorsque l’Abbé Diamacoune est tombé malade, qui est venu, parmi les cadres lui rendre visite ? Personne ! Même Atépa, qui s’agite partout, n’est pas venu à l’hôpital.

Wal Fadjri : Cela vous fait-il mal ?

Mamadou Nkrumah SANE : Je ne peux pas vous dire comment ce mal me ronge. Je ne dirai même que j’ai honte ! Ils ont commis un crime puisqu’ils sont à l’origine du kidnapping de Diamacoune depuis Bissau. De 1993 à 2006, qu’est-ce qu’ils ont négocié ? Comment, ces gens qui sont des Sénégalais, peuvent-ils négocier à la place du Mfdc ? Ils sont cadres Sénégalais !

Wal Fadjri : Mais aussi casamançais…

Mamadou Nkrumah SANE : C’est ce que je viens de vous dire : on ne peut pas prendre deux noms de familles.

Wal Fadjri : Ne peut-on pas être cadre Casamançais sans pour autant être membre du Mfdc ?

Mamadou Nkrumah SANE : Bien sûr que oui. Et dans ce cas, soit on est Sénégalais, soit on est Casamançais. Beaucoup d’Algériens n’ont pas voulu être Algériens durant la lutte de libération de l’Algérie. Ils ont dit qu’ils étaient Français. Nous avons choisi d’être les héritiers du Mfdc. Les autres disent qu’ils sont Sénégalais. Nous, nous continuons la lutte pour chasser l’occupant. Le jour où le peuple se libéra, ils choisiront comme beaucoup d’autres l’ont fait. Mais de grâce qu’on laisse Yaya Jammeh tranquille. Qu’ils ne fassent rien pour envenimer les relations qui ont toujours existé entre les Gambiens et les Sénégalais. Ce sont eux qui se disent Casamançais qui ont un problème avec le Sénégal. Puisqu’ils sont cadres pour encadrer les Casamançais, leur devoir c’est de faire en sorte que le Mdfc ne se réveille pas. Puisqu’ils n’ont pas pu le faire, depuis que le Mdfc s’est réveillé, combien de réunions, de missions ont-ils entreprises et quel est le résultat. Yaya Jammeh que l’on accuse aujourd’hui d’avoir bloqué les négociations en arrêtant des membres du Mfdc, a accueilli la première réunion que le gouvernement du Sénégal avait imposée. Combien d’assises ont été tenues en Gambie ? Ce qui est sûr, ils ne sont pas les cadres du peuple casamançais. Le Mfdc est un mouvement casamançais. Seuls les membres du Mfdc règleront leur problème avec l’Etat sénégalais.

Wal Fadjri : Quel devait être le rôle de ces cadres, selon vous ?

Mamadou Nkrumah SANE : C’est d’encadrer les peuples casamançais. Si c’était de véritables cadres, le Mfdc ne se réveillerait pas. Pourquoi un peuple se réveille-t-il ? C’est pour se développer, se soigner, s’instruire. Depuis des années, qu’est-ce qu’il y a eu en Casamance ? Rien ! Ces cadres ont même été incapables, quand le bateau a sombré, d’acheter un autre bateau. Je me souviens du projet de Touré Kunda et d’Atépa lui-même. Pourquoi n’a-t-il pas acheté un bateau ? Ils avaient proposé d’acheter un bateau dont ils pouvaient être actionnaires. Qu’est-ce qui les en ont empêchés ? C’est l’Etat sénégalais. Après Abdoulaye Wade n’est-il pas allé chercher un vieux bateau au nom des Marocains, dont son fils est actionnaire ?

Wal Fadjri : Vous portez des accusations…

Mamadou Nkrumah SANE : Je n’accuse pas son fils. Il fait partie de la société Wilis. Ce ne sont pas des accusations.

Wal Fadjri : Revenons sur les membres du Mfdc arrêté en Gambie. Qu’est-ce qui s’est vraiment passé ?

Mamadou Nkrumah SANE : Justement, nos services sont en train de faire leurs investigations. Je ne ferai aucune déclaration sur cela. En Guinée-Bissau, il y a eu beaucoup d’arrestations de nos combattants. Nos actions ont fait qu’ils ont été tous libérés sans que ces cadres-là ne le sachent. Les choses se sont compliquées avec la Gambie à cause de la tentative de coup d’Etat de Ndoul Thiam derrière lequel il y a le Sénégal.

Wal Fadjri : Avez-vous des preuves parce que les autorités sénégalaises ont démenti.

Mamadou Nkrumah SANE : Mais où est l’ambassadeur du Sénégal en Gambie ? N’a-t-il pas été remplacé ? Si le Sénégal n’y est pour rien, pourquoi ne livre-t-il pas ce militaire, comme il l’a fait pour la Mauritanie ?

Wal Fadjri : Peut-être le militaire gambien n’est pas au Sénégal comme ce fut le cas de ceux de la Mauritanie.

Mamadou Nkrumah SANE : Quand il a fui, il est passé par la Casamance avant d’arriver à Dakar. Je suis au courant de tout. Il faut que Wade arrête ce jeu que le président avait joué en son temps.

Wal Fadjri : Quel est ce jeu dont vous parlez ?

Mamadou Nkrumah SANE : Il consiste à dire que c’est la Guinée-Bissau et la Gambie qui arment le Mdfc et si ce n’était pas ces deux pays, il y a longtemps que le Mfdc est écrasé. C’est dangereux. Pensez-vous sérieusement que si la Gambie et la Guinée-Bissau nous armaient, on serait aujourd’hui à ce stade ? Pourtant récemment, Abdoulaye Wade n’a-t-il pas reçu ici en France le rebelle du Soudan pour lui dire qu’il doit négocier avec le Soudan. Alors qu’il a sa rébellion avec qui il refuse de négocier. Il a reçu aussi à plusieurs reprises Guillaume Soro de Côte d’Ivoire à qui il déroule le tapis rouge du palais et à qui il a donné un passeport diplomatique sénégalais.

Wal Fadjri : Pourtant Abdou Diouf et Abdoulaye Wade ont, eux aussi, plusieurs fois lancé le dialogue avec le Mfdc

Mamadou Nkrumah SANE : Quand ils ont voulu le dialogue, ils l’ont eu avec moi en 1991. Mais ils disent qu’ils doivent dialoguer avec le Mdfc sans Nkrumah. C’est leur problème, ce n’est pas le mien encore moins celui du peuple casamançais.

Wal Fadjri : C’est parce que vous n’avez pas voulu répondre à l’appel au dialogue

Mamadou Nkrumah SANE : Où est-ce que les autres rebelles - Abdoulaye Wade dit y avoir joué un rôle - ont commencé à négocier ? Où est-ce que les rebelles ivoiriens ont commencé à négocier avec les autorités de Côte d’Ivoire ? Ils ont commencé les négociations ici en France. Abdoulaye Wade et son ministre des Affaires étrangères ont dit que ce sont eux qui ont été les acteurs. Il faut que les Sénégalais ne soient pas intelligents pour croire qu’on doit nous imposer à aller négocier à Foundiougne. La première négociation qui nous a permis de signer le premier accord, dont je sais que c’est le seul qui soit valable, a été tenue où ? Ce n’est pas en Guinée-Bissau ? Je crois que le moment viendra si Abdoulaye Wade le veut. Abdou Diouf a eu beaucoup de mandats, rien que pour nous écraser avant de partir, il ne l’a pas pu. Il est beaucoup plus jeune qu’Abdoulaye Wade. Ce dernier aura le nombre de mandats qu’il voudra au Sénégal pour nous écraser, il ne pourra pas. De toutes les façons son âge ne lui permet pas de l’avoir.

‘Je vis tranquillement mon mandat d’arrêt’

Wal Fadjri : Dans l’édition de Wal Fadjri du vendredi 21 septembre dernier, l’aile militaire du Mfdc pousse l’aile politique à s’unir pour aller vers de véritables négociations. Qu’en pensez-vous ?

Mamadou Nkrumah SANE : Mon aile militaire ne peut pas lancer un dialogue sans que je ne le sache. Le chef de l’aile politique, c’est moi. Je suis sûr d’une chose, quand mes combattants veulent parler en direction de tel ou tel, ils s’adressent d’abord à moi. Ils savent que le rôle politique n’est pas dédié aux combattants. Seulement, je constate tout simplement que le Mfdc n’a pas de presse. Les Casamançais cadres ou pas n’ont pas de presse. Toute la presse est entre les mains des Sénégalais. Ils actionnent tous ce qu’ils veulent contre le Mfdc.

Wal Fadjri : Mais là, c’est César Badiate qui a publié un communiqué repris par la presse

Mamadou Nkrumah SANE : Quand César Badiate sait quelque chose, il s’adresse à moi avant de faire quoi que ce soi. Ensuite je lui donne l’autorisation de le faire. Quand il le fait, il me rend compte d’abord avant que la presse ne s’en saisisse. Mais dès l’instant que tel ou tel se mettra à écrire à Abdoulaye Wade sans que je ne sois au courant, c’est parce que ce n’est pas crédible. Depuis plus de 25 ans, la presse sénégalaise parle de l’anéantissement de la rébellion. A la mort de Diamacoune, on parlait d’ex-rébellion. Tout cela ne peut jamais durer. Notre peuple et le Mfdc savent qu’ils ont tué Sidy Badji, l’Abbé Diamacoune et beaucoup d’autres, mais ils ne réussiront jamais à tuer le peuple casamançais. Ce peuple-là travaille et continuera à travailler dans la résistance. Nous savons très bien que c’est notre ténacité militaire qui contraindra les militaires et l’Etat sénégalais à négocier. Tout ce qu’ils font c’est parce que les caisses de l’Etat sont vides. Abdou Diouf, puis Abdoulaye Wade est obligé d’agiter la question de la rébellion pour avoir l’argent des bailleurs de fonds. Ils peuvent avoir l’argent qu’ils veulent, mais cet argent n’arrivera jamais à détruire les forces du Mfdc. Les Sénégalais ont donné leur destin à quelqu’un qui est plus qu’un roi. Même le roi Mohamed VI du Maroc n’ose pas choisir 65 sénateurs pour une institution royale. Mais Abdoulaye a choisi 65 personnes à sa guise à des postes nationaux. Il n’y a qu’au Sénégal que cela se passe. Il a acheté les députés qui sont à l’Assemblée nationale. Chaque député a sa 4 X 4. Sans compter maintenant le nombre de sénateurs, de conseillers de la République et de ministres. Fabrique-t-il de l’argent ? Non. A-t-il des ressources sur son sol qui lui permettent de dépenser à l’emporte-pièce ? Non plus.

Wal Fadjri : N’avez-vous pas eu des relations avec lui avant qu’il ne soit président de la République ?

Mamadou Nkrumah SANE : C’est un homme comme moi. Il n’a jamais souhaité avoir des relations avec moi. Mais l’histoire a fait qu’il m’a trouvé en prison. Quand j’étais arrêté, il ne m’a pas défendu alors que c’est un avocat. Il s’est lié avec Abdou Diouf. J’ai fait deux procès sur la sûreté de l’Etat au Sénégal. Au premier procès, je n’avais aucun avocat. C’est au deuxième procès qu’un jeune avocat sénégalais s’est porté volontaire pour me défendre. C’est Ciré Ly. C’est le seul qui est un homme de droit. Alors qu’Abdoulaye Wade, quand il s’est fait arrêter à la suite de l’assassinat de Me Seye, je lui ai envoyé mon avocat pour le défendre. Je sais que les relations d’homme à homme ont toujours existé et existeront toujours. Mais si un de mes interlocuteurs pense qu’il est plus intelligent que moi, qu’il peut m’utiliser à son gré, il se trompe lourdement. Abdoulaye Wade sait que c’était lui qu’Abdou Diouf avait envoyé pour entamer avec nous, chez lui, au point E, les premières négociations qui avaient abouti aux accords de Cacheu. Il sait qui je suis. Il sait aussi qu’il ne peut pas me tromper et non plus tromper le peuple casamançais.

Wal Fadjri : Lorsque Wade était à Paris, aviez-vous des contacts ?

Mamadou Nkrumah SANE : Il m’avait demandé en janvier 1998 une audience que je lui ai accordée. Depuis lors il en a fait la demande, j’ai refusé.

Wal Fadjri : Vous envoie-t-il des émissaires ?

Mamadou Nkrumah SANE : Pour l’instant, non ! Avant oui, mais maintenant non. Quand il est arrivé au pouvoir, il s’est dit qu’il fera sans moi. Il a dit qu’il va régler le problème en 100 jours. Son peuple lui demandera des comptes. Il ne pourra jamais me faire Sénégalais. Il a même tiré son constat d’échec. En décembre 2006, au moment où il achevait Diamacoune, il constate qu’il a échoué. Alors que l’abbé est un homme honnête, qui connaît son histoire, qui connaît son peuple, qui sait d’où il vient et où il va. L’abbé Diamacoune m’a laissé son testament de la Casamance.

Wal Fadjri : L’avez-vous et que dit ce testament ?

Mamadou Nkrumah SANE : Bien sûr que je l’ai, mais je ne peux pas vous dire pour l’instant son contenu ! Il sera un jour révélé au monde, mais pas pour l’instant, je ne peux pas vous en dire plus. Il a fait ce testament le 22 janvier 1999 après qu’il a rencontré Abdou Diouf à Ziguinchor.

Wal Fadjri : Pourquoi ne révélez-vous pas le contenu du testament pour que les choses soient claires puisque certains contestent votre leadership au sein du Mfdc ?

Mamadou Nkrumah SANE : Ceux qui me contestent doivent sortir le testament de mon secrétaire général. Quand vous contestez quelqu’un, il faut sortir des preuves. C’est le peuple casamançais qui a élu l’Abbé Diamacoune comme secrétaire général et m’a élu comme son adjoint. J’ai respecté les institutions du Mfdc jusqu’à ce que l’Abbé Diamacoune soit tombé malade. (…). Je l’ai suivi, et vous en êtes témoins, jusqu’au jour où il nous a quitté. Mais beaucoup ne savait pas que j’avais le testament de l’Abbé Diamacoune depuis 1999. Je ne peux pas le révéler pour l’instant. Le jour viendra puisque vous me dites d’autres se réclament secrétaire général du Mfdc. Mais ils n’ont qu’à prouver en produisant le testament de Diamacoune.

Wal Fadjri : Le testament est-il votre botte secrète ?

Mamadou Nkrumah SANE : Non ! C’est le testament du peuple casamançais. Lorsque Abdou Diouf partait, il a confié les dossiers sénégalais à qui ? Il l’a confié à Abdoulaye Wade quand le peuple l’a choisi pour le remplacer. L’Abbé Diamacoune a fait la même chose. Ceux dont vous parlez, c’est Diamacoune qui les a nommés.

Wal Fadjri : Ceux qui vous contestent soutiennent que vous n’avez pas de relations avec le maquis.

Mamadou Nkrumah SANE : Comment voulez-vous qu’un chef n’ait pas de relations avec son armée ? Vous l’imaginez-vous ? Ces gens qui me contestent, ont plusieurs fois tenté d’aller au maquis, mais ils n’ont pas pu. A vrai dire ceux qui me contestent aujourd’hui, si ce n’était pas l’Abbé Diamacoune et moi, ils n’ont jamais entendu parler du Mfdc durant tout leur cursus universitaire. Ce sont ceux qui ont écouté Diamacoune qui l’ont hérité. Par exemple prenons le cas de Ansoumana Badji. Quand l’Abbé Diamacoune l’a nommé, il est allé rester à Dakar au lieu de résider Ziguinchor. Où est-ce que vous avez vu cela ? Où réside le Premier ministre d’Abdoulaye Wade ? Est-il à Podor ? C’est la même chose ! Cela devait leur servir de leçon, surtout à ceux qui se disent cadres. Citez-moi un seul cadre qui a une belle maison à Ziguinchor ou ailleurs en Casamance. Et pourtant, ils se disent cadres pour encadrer leurs villes et leur population. Nous sommes passés à la cour de la sûreté d’Etat, mais aucun de ces cadres n’a eu le courage de payer des avocats pour nous défendre. C’était devant des magistrats militaires sénégalais, quand on m’a interrogé sur la nationalité casamançaise trois fois, je l’ai répétée six fois. Ils m’ont condamné à 15 ans de prison. Mon peuple m’a libéré avant terme.

Wal Fadjri : Comment avez vécu tout cela en prison ?

Mamadou Nkrumah SANE : Demandez ce qui se passe dans les prisons sénégalaises à ceux qui en sortent parce que si je vous le dis, vous considérerez que j’exagère. Dans les prisons sénégalaises, on m’insultait de mère. J’ai été victime de tentatives d’empoisonnement. Quand on m’a arrêté, ils n’ont jamais voulu me mettre avec mes frères. Mais le bon Dieu est là pour tout le monde. On ne pouvait pas tuer l’Abbé Diamacoune et Nkrumah ensemble. Je me suis évanoui quatre fois à la brigade de gendarmerie de Ziguinchor. Ce sont les médecins chinois qui m’ont sauvé pour la quatrième fois. A Dakar, heureusement, ils ne pouvaient rien faire. Mais ceux qui m’ont fait du mal - gendarmes policiers, procureurs, magistrats - sont tous partis. Pourtant je leur avais dit cela.

Wal Fadjri : Est-ce que votre vécu, c’est-à-dire votre passage en prison avec ses conséquences, constitue aujourd’hui un frein aux négociations ?

Mamadou Nkrumah SANE : J’aimerais bien que vous posiez cette question à Nelson Mandela. J’ai subi, certes, des humiliations, mais Nelson Mandela en a subi plus que moi. Mais quand ses bourreaux ont su qu’ils ne peuvent rien contre le peuple sud-africain, ils l’ont libéré. Ils ont négocié avec lui. Avec le Sénégal, ce sera la même chose. Le jour où il saura qu’il ne peut rien contre le petit casamançais, nous pourrons aller aux négociations. Au moment où je vous parle, ils continuent à tuer en Casamance, à faire des arrestations secrètes. Pire maintenant Abdoulaye Wade fait arrêter des militants du Mfdc pour détention de chanvre indien.

Wal Fadjri : C’est parce qu’ils en produisent alors que c’est interdit…

Mamadou Nkrumah SANE : Cette herbe existait en Casamance bien avant Abdoulaye Wade. Qui peut empêcher cette herbe sauvage de pousser en Casamance ? Personne. Donc on ne peut pas utiliser cette herbe naturelle que le bon Dieu a fait pousser en Casamance contre des gens. C’est insensé ! On tue ces Casamançais parce qu’ils possèdent cette herbe. Bientôt, on va les tuer aussi parce qu’ils mangent du riz. Tout cela prendra fin un jour. Abdoulaye Wade, cet homme de douze diplômes, pensent qu’il est le plus intelligent de tous les Chefs d’Etat africains, mais il s’apercevra que c’est un être humain mortel comme tout un chacun. (…).

Wal Fadjri : Le président de la République a lancé un mandat d’arrêt international contre vous. Comment le vivez-vous ?

Mamadou Nkrumah SANE : Je le vis le plus tranquillement possible. Cela ne m’empêche pas de parler, de manger et de boire.

Wal Fadjri : Etes-vous inquiet ?

Mamadou Nkrumah SANE : Pourquoi je serai inquiet. Je n’ai jamais tué, même pas un petit chien sénégalais. Je défends mon droit. Si je ne le fais pas, je serai le plus grand traître des Casamançais. Donc, même s’il lance vingt mandats d’arrêts contre moi, cela ne m’empêchera pas de dormir parce que je sais que c’est le peuple qui a raison. Je ne vois pas dans quel tribunal Abdoulaye Wade pourra-t-il m’entraîner ? Pourquoi ne déclenche-t-il pas cette procédure d’extradition ? Qu’est-ce qu’il attend ? Quand on lance un mandat d’arrêt international contre quelqu’un, c’est pour l’avoir chez soi puisqu’il est sûr qu’il a tous les droits de son côté. En plus il a la double nationalité française et sénégalaise. Il a beaucoup plus de relations dans le milieu judiciaire français que moi. Qu’il les utilise ! Peut-être qu’il était jaloux à l’époque lorsqu’il était avec Abdou Diouf. Il s’est, peut-être, dit qu’en ce moment s’il avait lancé ce mandat d’arrêt et qu’il réussisse, on dira que c’est Abdou Diouf. Je m’aperçois qu’il est à la tête du Sénégal depuis maintenant sept ans, mais j’ai l’impression qu’il a oublié qu’il a lancé un mandat d’arrêt international contre moi. Malheureusement depuis la mort de l’Abbé, il doit avoir des remords tous les jours parce que Nkrumah est encore en vie et a pris la place de Diamacoune.

Wal Fadjri : Depuis le lancement de ce mandat international contre vous, comment sont vos relations avec les autorités françaises ?

Mamadou Nkrumah SANE : La France est un Etat de droit. Elle a colonisé le Sénégal avant la Casamance. Elle sait que le mandat d’arrêt international contre moi, c’est aussi contre la Casamance. La France attend que le Sénégal se présente, qu’on nous juge. Ce n’est pas la France qui a demandé de lancer ce mandat d’arrêt international. C’est Abdoulaye Wade qui a réfléchi librement pour prendre cette décision. J’attends tranquillement, mais qu’il fasse vite parce que ce qui lui reste à vivre, n’est pas important. Puisqu’il veut tout régler avant de partir, il aura du pain sur la planche.

Si l’on vous demandait de poser deux conditions pour aller aux négociations, quelles conditions poseriez-vous ?

Mamadou Nkrumah SANE : Abdou Diouf a reçu ces conditions, Abdoulaye Wade aussi. Mais je crains fort que cette partie ne soit censurée par vous. Ils ont voulu régler le problème casamançais sans moi, c’est pourquoi Diouf et lui ont échoué. En 1997, je ne sais pas si c’est Diouf qui l’a envoyé ou c’est lui qui s’est envoyé, je lui avais dit, à l’époque, qu’il faut qu’il libère mes deux chefs : l’Abbé Diamacoune et Sidy Badji. Ils m’ont dit non et qu’ils ne quitteront jamais la Casamance. Sidy Badji et l’Abbé sont décédés. Quand il m’a envoyé Madické Niang en août 2005, je lui ai dit qu’il faut libérer l’Abbé Diamacoune, lever le mandat d’arrêt international et restituer tous les documents que la police française a saisis chez moi au nom de l’Etat du Sénégal. Si le Sénégal le fait, on peut commencer à entreprendre des démarches en vue de préparer les négociations. Madické Niang lui téléphone pour lui soumettre ces conditions, mais Abdoulaye Wade dit qu’il n’enlève pas le mandat d’arrêt international. Je lui ai donné une chance, il ne l’a pas saisie, mais tant pis pour lui. Parce que c’est lui qui a pris l’engagement devant son peuple et devant le peuple casamançais qu’il règlera le problème casamançais en moins de 100 jours. S’il n’accepte pas ces conditions, tant pis pour lui. Mais il ne règlera pas le problème casamançais à sa manière et comme il le veut.

Wal Fadjri : Comment avez-vous vécu toutes ces luttes fratricides au sein de l’aile militaire ?

Mamadou Nkrumah SANE : Pour moi qui suis un homme extrêmement expérimenté, à Paris depuis 1967, nous étions des Africains qui luttions pour accompagner nos parents bissau-guinéens, angolais dans leur combat contre l’occupant. Donc, c’est quelque chose que je connais, que j’ai vécu. Ce n’est pas nouveau pour moi. Cela ne nous choque pas. C’est une bonne chose. C’est de cette guerre fratricide que sortent les vrais nationalistes. (…) Il y a plus de victimes entre le Fatah et la Hamas qu’entre les membres du Mfdc. Cette guerre fratricide est normale. Ce sont de vrais Casamançais qui sont allés dans le maquis pour libérer leur peuple. Mais si un combattant prend cinq mille francs des mains d’un Colonel sénégalais, il doit être sûr que sa place n’est pas dans le maquis, mais à Dakar. (…).

Wal Fadjri : On est à l’approche de l’anniversaire du décès de l’Abbé Diamacoune Senghor. Allez-vous célébrer cet anniversaire ? Comment cela va-t-il se passer ?

Mamadou Nkrumah SANE : Nous n’avons, dans nos traditions à nous, à célébrer l’anniversaire de celui qu’on a assassiné. S’il est mort de sa mort naturelle, on l’aurait fait.

Wal Fadjri : Mais il est décédé à la suite d’une maladie

Mamadou Nkrumah SANE : L’Abbé Diamacoune a été arrêté en même tant que moi en 1982. Il souffrait d’une ulcère. Il n’a jamais été soigné de sa vie durant toute sa captivité. Combien de fois Abdoulaye Wade s’est fait-il soigné ? Combien de fois Abdou Diouf l’a été ? Pour moi, Sidy Badji et Abbé Diamacoune ont été volontairement assassinés. Je répète que Diamacoune était ulcéreux. Il a été arrêté pour la première fois sur son lit alité. Cette haine systématique des dirigeants sénégalais contre le peuple casamançais ne leur apportera rien. Sinon cela va renforcer la détermination du Mfdc à continuer sa lutte pour sa libération.



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