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Politique

ENTRETIEN:IBRAHIMA SENE, RESPONSABLE DU PIT: «Avec le Sénat, Wade veut élire Karim au suffrage indirect»

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ENTRETIEN:IBRAHIMA SENE, RESPONSABLE DU PIT: «Avec le Sénat, Wade veut élire Karim au suffrage indirect»
Alors que la campagne pour les législatives suit son cours, nous avons tendu notre micro à Ibrahima Sène, membre du Comité central du Parti de l’indépendance et du travail (Pit).Dans cet entretien qu’il nous a accordé, M. Sène a fait un tour d’horizon de la situation politique, économique et sociale du Sénégal. Il a, en outre, abordé la question de la succession de Me Abdoulaye Wade à la tête de l’État. Mais, contrairement à une idée bien reçue, M. Sène est convaincu que c’est l’Etat qui est profiteur au lieu d’être victime de l’importation des produits pétroliers. Démonstration…

 Le Matin : À mi-parcours de la campagne pour les législatives quel bilan faites-vous du boycott entamé par l’opposition dite significative ?

Ibrahima Sène : Nous sommes sur la bonne voie parce que depuis que nous avons décidé d’aller au Boycott, nous nous rendons compte que nos adversaires, principalement Abdoulaye Wade et sa mouvance ne sont pas en mesure d’apporter la réplique nécessaire pour enrailler la dynamique que nous avons enclenchée au sein de la population.

La campagne ne décolle pas. Qu’est-ce qui explique cette morosité ?

C’est parce que les Sénégalais ne voient pas ce qu’il y aura de mieux dans cette nouvelle Assemblée Nationale que Abdoulaye Wade veut faire élire le 3 juin par rapport à ce qu’on a connu dans la législature passée. Au contraire, les gens se rendent compte qu’on va aller dans une institution pire qu’auparavant.

Quelle est la raison de ce pessimisme ?

Tout simplement parce que cette nouvelle Assemblée va être mis sur pied sur des bases frauduleuses. Dans la mesure où le système électoral a été testé lors de la présidentielle. Et il a été prouvé que c’est un système de fraude.

Avez-vous des preuves de ce que vous avancez ?

Vous savez qu’Abdoulaye Wade n’a pas voulu que l’on évalue ce système malgré la demande formulée par nos partis et la société civile. Il a refusé parce qu’il a conscience que c'est un système de fraude et que si on l'évalue, on serait dans les possibilités de démontrer concrètement qu'il a été élu sur des bases frauduleuses.

N’y a-t-il pas d’autres raisons qui expliquent ce désintérêt des populations pour cette campagne ?

Vous savez, les populations savent qu’avec le boycott que nous avons préconisé, la prochaine l'Assemblée Nationale sera une Assemblée d'enregistrement de la volonté Abdoulaye Wade. Autre chose, les Sénégalais se rendent compte qu’il est en train d'amasser une fortune avec la cherté de la vie pour pouvoir acheter des consciences.

Comment est-ce possible ?

La preuve est nette parce que les statistiques sorties officiellement durant le premier trimestre de 2007 montrent que les recettes fiscales sur la consommation des ménages ont augmenté par rapport à la même période en 2006 de 33 milliards. Donc, Abdoulaye Wade a eu 33 milliards de plus que ce qu'il avait. Et ce sont ces 33 milliards qui lui ont servi d'acheter des consciences lors de la présidentielle. La preuve, depuis qu'il a été élu, on se rend compte que les prix ont augmenté malgré la baisse des cours du pétrole. C’est parce qu'il lui faut de l'argent pour acheter des consciences le 3 juin.

Pensez-vous que le boycott soit la solution ?

Notre action est véritablement dans la droite ligne de la contestation non violente du régime politique. C'est exactement la réplique de ce que Gandhi et Martin Luter King ont fait respectivement en Inde et aux États-Unis. C’est-à-dire la non-violence. Nous au Sénégal, nous avons refusé de procéder par des actes de violence. Nous avons choisi d'organiser l'expression du suffrage du peuple le 3 juin. De manière à montrer à l'opinion internationale que les Sénégalais ne sont pas d'accord sur ce que Wade fait.

Pourquoi êtes-vous donc aller à la présidentielle ?

Si on avait décidé d'aller au boycott lors de la présidentielle, les gens allaient dire : Ecoutez ! voilà un nouveau système électoral et sur la base de suspicions non encore matérialisées, vous allez au boycott. Les Sénégalais diront alors que c'est par peur d'être battus que nous boycottons.

Si le couplage avait eu lieu, ne pensez-vous pas que vous auriez perdu les deux élections ?

Abdoulaye Wade savait que sa machine électorale ne pouvait fonctionner à sa satisfaction qu'avec le découplage. Il avait couplé avant en pensant construire une machine lui permettant de gagner. Mais quand il a été incapable de résoudre la crise de son parti avec Idrissa Seck, il s'est rendu compte que le couplage ne permettrait pas à sa machine de fonctionner à 100 %. Voilà pourquoi il a découplé. De manière unilatérale, il fixe la date des législatives au 3 juin 2007. Donc, aller voter ce jour n'est pas faire acte civique, au contraire c'est faire acte d'allégeance à la volonté de Wade.

Comment entrevoyez-vous l'état de la démocratie sénégalaise vu qu'on s'achemine vers une Assemblée Nationale unicolore ?

Mais écoutez, Abdoulaye Wade a besoin de cette Assemblée Nationale à l'image du Sénat qu'il a institué.  Si ce n'est que pour faire voter les lois, Abdoulaye Wade n'a pas besoin de ces deux institutions. La législature passée a montré qu'avec sa majorité mécanique, il peut faire passer tout ce qu'il veut.

Dans ce cas pourquoi a-t-il institué le Sénat ?

Beaucoup de gens disent que c'est pour caser ses partisans et pour régler des problèmes politiques, etc. Mais, s'il case des gens, ce n'est pas seulement pour les enrichir. C'est parce qu'ils vont jouer un rôle bien déterminé. Il fera tout pour être sûr d'avoir plus que la majorité des 2/3 dans les deux chambres.

Alors dans quel but tient-il à avoir cette majorité des 2/3 dans les deux chambres ?

Je le dis de manière péremptoire que Abdoulaye Wade veut changer le système de vote du président de la République au suffrage universel direct par un système au suffrage indirect. Son successeur sera élu par la majorité des deux chambres. Les deux chambres vont se réunir et à la majorité des 2/3 vont élire son successeur ; son fils Karim. Voilà pourquoi il fait tout pour avoir une Assemblée Nationale et un Sénat à sa dévotion.

Mais comment va-t-il s'y pendre dans ce cas ?

Il va démissionner. Le président du Sénat qui assure l'intérim va organiser des élections. Non pas au suffrage universel direct mais au suffrage universel indirect. Et ces gens vont introniser son fils. Voilà le coup qu'Abdoulaye Wade prépare. Et ça, il faut que les Sénégalais le comprennent. Abdoulaye Wade ne fait pas les deux chambres pour le plaisir de donner de l'argent aux gens. Non. C'est dans le but précis d'assurer sa succession par son fils avec le suffrage indirect.

Pourquoi sachant cela, des opposants irréductibles comme Talla Sylla ont décidé d'aller aux législatives ?

Justement, cela m'étonne de la part de And-Jëf, du Jëf-Jël, du Mrds de Baye Niang, de Robert Sagna mais pas des autres. Conscients de ces enjeux, du contexte et des mécanismes mis en place, pourquoi ces gens continuent à vouloir tromper les Sénégalais en les appelant à un vote massif ? Évidemment, je ne parle pas de Malick Ndiaye du Cis. Lui qui du temps du Parti socialiste, en pleine crise de la Senelec, alors que Mademba Sock, le Sg de l'Unsas était en prison et nous dans la rue, affrontant les grenades lacrymogènes, lui Malick Ndiaye était en train de chercher une place auprès de Abdou Diouf pour devenir conseiller culturel. C'est ce gars-là qui parle de civisme et de constance, Mon oeil! On ne trompe pas les Sénégalais deux fois. Ce gars-là n'a aucune qualité pour parler de civisme, de responsabilité. Et je le dis en toute responsabilité.

Votre idée de mettre en place un gouvernement parallèle n'est-il pas de la provocation ?

Écoutez, quand Abdoulaye Wade en 1983, pour contester l’élection présidentielle, avait décidé de mettre sur pied un gouvernement parallèle, qui lui a posé la question de savoir si c'était de la provocation ? Tous les dirigeants actuels de médias de mon âge qui étaient là-dedans applaudissaient parce que c'est une forme de protestation contre un système installé sur des bases frauduleuses. Voilà pourquoi, il ne faut pas prendre cela à la légère parce que nous avons dit carrément que nous ne reconnaissons ni les résultats de la présidentielle encore moins ceux des législatives à venir.

C'est quoi un gouvernement parallèle ?

Il faut que les gens comprennent ce que cela veut dire. Un gouvernement parallèle dans un pays ce n'est pas de prendre un bâtiment, nommer des ministres par décret. Non. C'est un mot d'ordre qui permet à l'opposition de contrer sur le plan international tout ce que fait le régime en place.

Comment ?

Lorsque le président va quelque part, notre président ira le contrer là-bas. Idem pour les ministres. C'est cela le gouvernement parallèle. C'est différent de ce que les Anglais appellent "le cabinet de l'ombre" où l'opposition met en place un gouvernement de l'ombre. Un cabinet qui lui permet de marquer le gouvernement à la culotte et d'accéder à certains dossiers. Nous ne parlons pas de ça. Nous parlons d'un gouvernement qui va sur le plan international dire que ce sont eux les représentants du peuple.

Quelle analyse faites-vous de la situation de l’école sénégalaise ?

Le mécontentement social le plus en vue et le plus marquant c'est la situation de l'école publique. Or dans ce domaine, l'attitude du gouvernement prouve que le projet d'Abdoulaye Wade, c'est de détruire l'école publique.

N’est-ce pas un peu exagéré de votre part quand on sait que 40 % du budget sont investis dans l'éducation ?

Wade ne peut pas refuser de construire des salles de classes parce qu'il obtient des financements internationaux pour cela. Mais pour détruire l'école publique, il dévalorise la fonction enseignante en les poussant à la grève. Ainsi, les parents qui sont nantis retireront leurs enfants de l'école publique pour les mettre dans l'école privée. Voilà la privatisation de l'éducation dans ce pays. Et Abdoulaye Wade le fait cyniquement. La preuve, alors que tout le monde demande que le gouvernement discute avec les enseignants, le ministre de l'éducation dit qu'il n'y a plus de discussion et qu'il organisera les examens. Mais avec quel niveau et pour quel diplôme ? C'est ça la destruction de l'école publique. L'école publique permet à tous les enfants d'un même pays de se sentir appartenir à une même nation et d'avoir les mêmes chances de réussite dans la vie sans distinction aucune. L'école publique nous a formé vous et moi. Elle nous a permis d'avoir une conscience citoyenne et un sens élevé de la justice sociale. Nous n'accepterons pas qu'Abdoulaye Wade la détruise. C'est pourquoi, nous demandons à tous les Sénégalais d'obliger Abdoulaye Wade à ouvrir des négociations sérieuses avec les enseignants. La destruction de l'école publique a débuté depuis le début des programmes d'ajustement structurels et Wade est en train de parachever cette destruction.

Qu'est-ce qui explique la hausse des prix des produits de premières nécessités ?

Abdoulaye Wade dit partout qu'avec la hausse des prix du brut, le Sénégal a des problèmes. De qui se moque-t-il ? Le Sénégal n'est pas un pays producteur de pétrole. Or, les exportations des produits pétroliers occupent le deuxième poste des exportations du Sénégal.

Pouvez-vous nous donner des chiffres prouvant ce que vous dites ?

En 2005, le secteur de la pêche avec 165 milliards de Fcfa occupait le premier poste au niveau des exportations. Viennent ensuite les produits pétroliers avec 122 milliards de Fcfa. Voilà un pays qui dit qu'il est victime de la crise pétrolière et dont le second poste à l'exportation est constitué de produits pétroliers. De qui se moque-t-on ? Voilà un pays dont les recettes fiscales augmentent avec celui de la valeur des exportations. En 2004, l'importation des produits pétroliers se chiffrait à 278,46 milliards de Fcfa et les impôts tirés étaient de 116,6 milliards de Fcfa. En 2005, les importations représentaient 326,64 milliards de Fcfa et les recettes tirées par l'État étaient de 139,7 milliards de Fcfa. Donc, voilà un État qui s'enrichit de l'augmentation des produits pétroliers, qui exporte grandement et qui dit qu'il est victime. Le Sénégal tire un bénéfice exorbitant de la conjoncture des produits pétroliers.

Dans ce cas qu'est-ce qui explique les pénuries ?

On nous dit que le gaz et l'électricité sont subventionnés par le gouvernement du Sénégal. En 2005, la subvention pour la Senelec était de 32 milliards et 28 milliards pour le gaz. Comparez-les avec les recettes qu'il perçoit de la taxe. Le gouvernement augmente la taxe sur les produits pétroliers pour entretenir un train de vie exorbitant. Il ne règle pas la demande sociale, et il contribue à la hausse des prix dans tous les domaines. Voilà ce que notre cher président veut masquer aux Sénégalais et c'est inacceptable. Pour mettre fin à tout cela, il faut lui donner le 3 juin 2007 un signal fort en restant simplement à la maison.


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