Samedi 27 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

LEÇONS D’UN SCRUTIN : Postures politiciennes et impostures citoyennes

Single Post
LEÇONS D’UN SCRUTIN : Postures politiciennes et impostures citoyennes

Un observateur qui se fierait à ce qui est dit çà et là plutôt qu’à ce qui s’est fait ou à ce que pensent réellement les Sénégalais ne donnerait même pas 20 % au candidat-président. Et ce n’est simplement la défaite d’une opposition où Me Wade ne se cherchait pas un « alter ego », mais celle aussi du petit village politico-médiatique. Qu’est-ce qui est en cause ? Un décalage entre le discours et la réalité ?

Ils se sont levés très tôt, ce dimanche, le cœur encore empli des discours de quinze candidats. Les électeurs ont bu la parole des postulants au fauteuil si convoité de l’Avenue Léopold Sédar Senghor. Une équipe de rugby quoi, disent les spécialistes du sport à la balle ovale ! L’aurore avait fini de déchirer les ténèbres de la nuit la plus longue. Chacun ayant fini de psalmodier sa prière matinale, les électeurs ont avancé avec la même foi que les fidèles devant le temple. Personne ne savait ce qui allait se passer.

Presque cinq millions d’électeurs potentiels, cela n’était jamais arrivé au Sénégal ! On dirait que les cartes numériques, produits d’une technologie éprouvée, ont « boosté » l’ardeur des Sénégalais à glisser leur bulletin dans l’urne.

Certitudes à grands frais

Autant de voix que de bouts de papiers à l’effigie de leur préféré. Les quinze l’ont compris. Certains se sont, dans un élan pathétique, lancés dans une opération d’identification de leur bulletin au bout d’une déclaration. D’autres étaient plus connus, grâce à leurs images défilant, sans discontinuer, sur le petit écran ou dans les colonnes de quotidiens et autres news magazine ou sites d’information.

La rumeur publique jouait à faire peur aux électeurs : « Personne ne pouvait gagner au premier tour » ! Ce qui était une certitude de militants aveuglés par leur euphorie partisane allait devenir l’essence des éléments d’analyse de spécialistes en science politique par la magie des lignes.

Ce dimanche a consacré une défaite de l’opinion médiatique. La presse a accepté un rôle dans l’avènement de l’alternance politique en 2000. Mais de quel rôle peut-elle aujourd’hui s’enorgueillir après ce chaos annoncé pour le candidat de la Coalition « Sopi 2007 », dès le premier tour ?

Un observateur qui se fie à ce qui se dit çà et là ne donnerait même pas 20 % au président sortant. Non, faut pas s’en faire car nous autres journalistes sénégalais, avons choisi de ne laisser aucune chance à l’humilité ! Nous battons notre coulpe pour avoir oublié qu’une élection répond à une logique à la fois arithmétique et affective. Les deux réunies tiennent souvent, au-delà des personnes, d’un élément de bilan et/ou d’un projet de société.

Nous devons à cette logique l’acharnement mis par Tanor à reconnaître les leçons du 19 mars 2000, l’obsession du « vrai changement » avancée par Idrissa Seck ou encore le refus de l’aventurisme voire la proposition d’un parachèvement de l’œuvre entamée pour le candidat-président, Me Abdoulaye Wade.

Oh, que ce n’est pas grand chose dans notre petit village médiatico-politique ! Mettons cela sur le compte de la passion qui entoure une élection. En consommateurs d’articles affinés dans le style et confortables selon notre système de pensée, nous avons fini par faire nôtre cette formule d’un challenger du président Wade : « Personne ne peut gagner au premier tour, parce qu’il y a une pluralité des candidatures ».

Cette vérité est relative et les premiers résultats le démontrent. Pluralité ne signifie pas représentativité. Et s’il y a un ou deux des « grands » candidats qui s’effondrent, il y aura de fortes chances qu’il n’y ait pas d’émiettement des suffrages. Il ne sert à rien d’avoir quinze candidats et de se retrouver avec la moitié du groupe qui ne pèse que zéro fois zéro voix dans la plupart du temps.

La pluralité fonctionne et tire le favori vers le second tour lorsque le poids électoral suit. Ce qui n’a pas été le cas hier, toujours à la lumière des résultats provisoires. Un fonctionnement à plein régime de l’axe Tanor-Idy-Niasse aurait, sans nul doute, mis en ballottage le candidat de la Coalition « Sopi 2007 ». Mais les scores provisoires, décevants pour le candidat de la Coalition « Alternative 2007 », ont été l’un des maillons faibles du dispositif « ballottage », en plus des gains faibles de Landing Savané et Abdoulaye Bathily.

La même logique, basée sur une posture politicienne, a failli porter un préjudice énorme à l’ancien président Abdou Diouf, au cas où il aurait gagné à la régulière au second tour de la Présidentielle de 2000. Imaginez ce qui se serait passé dans ce pays en cas de proclamation de résultats favorables à Diouf !

Nombre de Sénégalais avaient leur religion faite : « Diouf ne pouvait en aucun cas passer ». Dans leur subconscient, ils pensaient plutôt : « Diouf ne doit pas passer ! » Cela aurait été plus simple. Inutile de les sermonner. Inutile de leur rappeler que l’ancien candidat du Parti socialiste avait fait le serment de féliciter le vainqueur, mais qu’il était déterminé à gouverner même avec une voix de plus que le candidat du Front pour l’Alternance (Fal) de l’époque.

Elégance républicaine

Sous prétexte d’un éveil citoyen, c’est à une véritable imposture « citoyenne » qu’on a assistée. L’élégance républicaine n’est pas simplement attendue du détenteur du pouvoir ; il est aussi du devoir de ses challengers, tous acteurs du jeu démocratique. Nous feignons de ne pas savoir que pour presque cinq millions d’inscrits, il fallait un véritable élan populaire pour porter quelqu’un au palais de la République.

Plus que les 969.332 voix pour gagner au second tour en 2000 (contre 687.969 pour Diouf sur un total de 2.745.239 inscrits). Même avec la participation de la moitié des inscrits, le million d’électeurs devrait être largement dépassé pour espérer passer au premier tour ou, dans le pire des cas, être présent au second.

C’est l’une des leçons de ce scrutin. En 2000 déjà, les électeurs sénégalais découvraient l’efficacité des coalitions politiques, sûres d’avoir une base affective plus large que celle des partis.

La Coalition Alternance 2000 puis le Fal ont été de solides trépieds dans la marche de Wade vers le pouvoir. En face, ces deux entités ont fait mieux que la coalition tissée autour de Diouf et du Parti socialiste. En 2007, le nombre d’inscrits et, éventuellement, la participation au scrutin (pas moins de 70 %) induisent un fort élan populaire en faveur de celui qui sera proclamé vainqueur par la cour d’Appel.

Rien à faire, nos bavardages ne combleront pas le fossé qui séparera, au bout de ce scrutin, le favori des Sénégalais de ses challengers. Entre l’un et les autres, il y a l’adhésion à un discours et/ou à des actes. Avec une prime à l’appartenance à un cadre politique. Voyez ce qui arrive aux indépendants qui avaient sonné (trop tôt ?) la fin du politique !



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email