MAGATTE THIAM, NOUVEAU SECRETAIRE GENERAL DU PIT : « C’est une résistance généralisée qu’il faut dans le pays »

Présentement à la tête du Parti de l’indépendance et du travail (Pit), Magatte Thiam qui vient de remplacer Amath Dansokho campe déjà ses ambitions : «faire faire un pas de plus à notre parti », avise-t-il. La démarche étant de forger de véritables cadres et de les outiller.

Vous venez d’être porté à la tête du Pit. Quelle nouvelle stratégie comptez-vous dérouler pour mener à bien votre mission ?

Notre parti a une conception de son action au Sénégal. Une conception qui consiste à se mettre au service des Sénégalais par l’intervention qu’il entend mener à travers ses structures et ses cadres. Cela autour des problèmes qui agitent notre pays et qui sont liés aux conditions de vie des populations, des travailleurs, à l’orientation et aux conséquences des politiques publiques conduites dans tous les domaines de développement. Notre parti essaie d’encadrer le travail de ses militants par une réflexion qui leur permette d’avoir des vues les plus exactes et les plus objectives des situations. En plus de cela, il y a des attentes des populations par leurs propres actions, leurs propres formulations contre ceux qui peuvent leur apparaître incapables d’apporter des solutions à leurs attentes. C’est cela qui fonde l’orientation du Pit. Face à la politique actuelle du pouvoir, la plupart des populations rejettent ce qui est fait, présentent des revendications, parfois se dressent contre les aspects qui relèvent de la responsabilité du gouvernement. Nous entendons poursuivre le travail mené depuis fort longtemps par le parti. Mais, il nous semble qu’il faut faire faire un pas de plus à notre parti pour qu’il puisse jouer un rôle dans la mobilisation de ses militants, mais aussi la jonction avec d’autres forces du pays.

Est-ce à dire que vous allez opérer une rupture dans la démarche pour être beaucoup plus d’attaque qu’avant contre le pouvoir libéral afin que les besoins des populations soient pris en charge ?

Vous savez, ce sont des choses pour lesquelles nous nous ne pensons pas qu’il y a des questions mécaniques ou des questions simplement de pure adversité. Quand on prend par exemple la question des inondations avec les pertes de vies humaines, l’engorgement d’établissements scolaires, ce ne sont pas des questions disons de «piège contre quelqu’un». C’est légitime que les gens se dressent contre le pouvoir en place sur ces aspects. Quand, pendant des années ou des mois, des entreprises font face à des délestages intempestifs, où l’on raconte régulièrement des histoires à dormir debout aux populations, des promesses qui sont démenties demain, ce sont des choses contre lesquelles on doit se battre. Nous disons qu’ils ont le droit et même le devoir. Ce n’est pas une machine infernale contre quelqu’un, mais une démarche légitime. Nous sommes décidés à appuyer les populations et tous les autres secteurs dans cette lutte. Si ça continue ainsi, il faut s’attendre à ce que ça éclate demain. Les populations sénégalaises sont tellement patientes que c’est le plus grave risque que court notre pays si des gens considèrent que ça ne pose pas de problèmes. Tous les pays où il y a eu des coups d’Etat militaires, c’est cette tranquillité abusive qui a été à l’origine du fait que les gens ont fini par recourir à des voies extraordinaires pour s’en sortir. Mais ce que nous voulons c’est que cette lutte se fasse de façon rationnelle, que le pays n’éclate pas. Nous voulons une approche rationnelle, mais ça ne saurait dire que les gens n’ont pas le droit de se révolter.

Avec quelle équipe comptez-vous travailler au sein de votre parti ?

Notre parti élabore les choix de ses dirigeants à travers ses instances. Ce sont les statuts qui structurent cela.  Chaque instance évalue les instances inférieures et s’auto-évalue aussi. Nous avons la volonté de forger de véritables cadres, de les outiller. Nous pensons que lorsque après cela, les instances qui jouent ce rôle, de la base au sommet, proposent que des camarades ont des compétences requises pour qu’on leur confie des missions, nous croyons que c’est la meilleure modalité.

Quel rôle la nouvelle direction compte exactement jouer au sein de la coalition Benno Siggil Senegaal ?

Notre rôle, c’est d’y réaliser nos objectifs consistant à renforcer la coalition Benno. Le minimum sur lequel nous avons un consensus est de mettre fin à la manière dont on gère aujourd’hui les institutions.

Est-ce que le Pit pourra concrètement jouer son rôle fédérateur de l’opposition comme du temps d’Amath Dansokho à sa tête ?

D’abord, M. Dansokho ne quitte pas la scène politique. Mais, nous le mettons dans une position où il est déchargé de beaucoup de tâches, et pour tenir compte de sa santé. Il continuera, surtout dans les relations avec les autres partis en particulier dans Benno, de contribuer à la définition et à la gestion de ses activités. Nous allons renforcer la cohésion de Benno et permettre sa mobilisation accrue autour de ses tâches pour mettre fin à la politique du pouvoir. Et surtout préparer un grand rassemblement pour que si on arrive à 2012, on en finisse proprement avec Wade.

Malgré sa retraite volontaire de la direction du Pit, Dansokho poursuivra le combat à vos côtés. Mais est-ce que cela ne va pas constituer une ombre pour vous dans votre plan d’action en tant que nouveau chef du parti ?

En aucune façon ! (Il insiste deux fois). Nous avons appris à travailler en symbiose. Que ce soit du temps de Seydou Cissoko ou maintenant, nous travaillons en équipe. Nous élaborons et conduisons ensemble nos actions. Cela est un acquis pour le parti. Il n’y aura aucun problème. Comme le dit Dansokho lui-même, nos fonctions ne sont pas du tout des positions de pouvoir. Nous ne sommes pas en compétition de pouvoir. Nous sommes là pour élaborer rigoureusement une nation en essayant de lui conférer l’efficacité qu’il faut.

Quelle analyse faites-vous de l’appel de Dansokho demandant aux officiers et soldats de refuser l’aventure de Wade et de son fils ?

Je n’ai pas encore discuté beaucoup avec lui, mais ce sont des idées que l’on peut considérer aujourd’hui. Tout le monde sait que notre réalité actuelle est constellée de soulèvements des populations, des barrages des routes, de sit-in… Il y a des protestations partout. Le gouvernement ne veut pas faire droit aux vœux de changement des populations. Il prépare des élections frauduleuses en ayant fait des atermoiements pour l’audit du fichier, en recrutant des étrangers auxquels on donne des cartes d’identité. Nous disons que c’est une résistance généralisée qu’il faut dans le pays, si nous ne voulons pas être surpris par des événements tragiques. Il y a un pourrissement qui est un danger pour le Sénégal. Il ne faut pas dormir sur nos lauriers pour dire qu’au Sénégal rien ne se passera et qu’il ne peut pas y avoir de coup d’Etat. C’est faux, quand on laisse un pays avoir des éléments flagrants. Des choses insoupçonnées peuvent se passer au Sénégal.

L’appel de Dansokho est mal perçu par les dirigeants en place. Est-ce que cela ne risque pas de se retourner contre lui ?

Le pouvoir ne peut pas être le baromètre pour juger des déclarations de Dansokho. Vous me diriez que c’est rejeté par l’opposition et nous considérerions qu’il y a là un problème. Et nous reverrions comment expliquer davantage si nous pensons que c’est fondé