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Politique

MAIN MISE DE L’EXECUTIF SUR LE CONSEIL D’ETAT ET LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL : LES BEQUILLES DE WADE

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MAIN MISE DE L’EXECUTIF SUR LE CONSEIL D’ETAT ET LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL : LES BEQUILLES DE WADE

REFORMES / INSTITUTIONS JUDICIAIRES - A propos du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat au Sénégal : De la nécessité d’une mue

Jamais, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat n’ont été aussi décriés que sous l’alternance. L’évocation récurrente et parfois suspecte de leurs incompétences par rapport à plusieurs requêtes et surtout, le pouvoir de nomination de leurs responsables par le président de la République jettent un doute légitime sur l’indépendance de ces deux institutions. Des béquilles présidentielles ? En tout cas, beaucoup de choses et de personnes plaident pour la réforme du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat, comme c’est le cas au Bénin et au Mali.

La toute récente décision que Conseil d’Etat a servie à la Ld/Mpt, suite à la requête de ce parti pour le rejet du décret présidentiel de répartition des sièges des députés à l’Assemblée nationale, et la sortie jugée très maladroite de la présidente du Conseil constitutionnel lors de la prestation de serment du président Wade, attisent plus que jamais la critique sur l’indépendance de ces deux institutions. Le débat sur l’opportunité d’une réforme de ces deux mécanismes de régulation de la démocratie et de l’Etat de droit refait surface à la lumière des limites qu’ils observent dans le cadre de l’exécution de leur rôle. Des partis politiques à la société civile, en passant par le cercle très restreint des constitutionnalistes bien avertis, des arguments ne manquent pas : «Il est opportun de réformer non seulement le Conseil constitutionnel qui est en même juge du contentieux électoral et également de la constitutionnalité des lois (…) mais aussi, le Conseil d’Etat car, récemment, vous avez vu ce qu’on peut appeler une décision à géométrie très variable que cette dernière institution a servie suite à la requête de certains partis de l’opposition». D’emblée, Alioune Tine, secrétaire général de la Rencontre africaine de la défense des droits de l’homme (Raddho), évoque une situation de doute et de soupçons nourris par rapport à l’indépendance de ces institutions judiciaires. De là, est né un «reflux» face auquel, M. Tine avertit : «Il est temps que l’on observe une pause, car il y a un véritable étouffement des institutions démocratiques au Sénégal. Il faut le faire ou périr !» Par contre, le député libéral Babacar Gaye se refuse de caractériser sous cet angle ces deux institutions judiciaires du pays. Pour ce qui est du cas du Conseil d’Etat, M. Gaye juge ces critiques d’infondées : «C’est une critique post résultat des élections. Par le passé, le Conseil d’Etat, tout comme le Conseil constitutionnel, a donné raison à l’opposition et même à de simple citoyens.» Et pourtant, des explications ne manquent pas pour caractériser une magistrature astreinte à gérer les caprices d’un exécutif détenteur du monopole de la désignation de ses membres et les carrières de ceux-ci au sein de l’institution judiciaire. D’ailleurs, sous forme d’un discours prononcé lors d’une cérémonie de Rentrée des Cours et Tribunaux, un magistrat, conscient de la gravité de l’heure, s’adressait au chef de l’Etat en ces termes : «L’indépendance de la justice, c’est l’indépendance de toute une institution (…) Notre justice doit-elle donc être juste pour rassurer ceux qui n’ont pas affaire à elle ? N’est-il pas temps de rattraper votre justice avant qu’elle ne soit rattrapée par la Justice ?» (Lire Le Quotidien n° 1285 du samedi 14 au dimanche 15 avril). Dans la même livraison, ce magistrat, sous l’anonymat, sans doute par souci de conformité au devoir de réserve, étale les limites d’une Justice impliquée, malgré elle, dans un jeu qu’elle ne maîtrise pas. Et de ses acteurs réduits à un seul droit : «Celui de se taire».

INSTItUTIONS A POUVOIRS LIMITES

Pour camper l’image d’un Conseil d’Etat aux pouvoirs limités et dont les agissements se trouvent dictés par un pouvoir fâché contre les principes démocratiques, le Pr Abdoulaye Bathily, à la lumière d’une expérience très récente, constatée de toute l’opinion, résume en ces termes : «Nous avions fait le recours devant le Conseil d’Etat pour excès de pouvoir en ce qui concerne le décret de répartition des sièges à l’Assemblée nationale. Quand le pouvoir avait besoin d’un découplage des élections et le report des législatives, il a obtenu du Conseil d’Etat que le décret soit invalidé. Et c’est sur la base de cela qu’Abdoulaye Wade a reporté les élections législatives. Aujourd’hui, sur le même texte de loi, qui n’a changé en rien, le Conseil d’Etat s’est dédit en rejetant notre pourvoie. Cela veut dire qu’il obéit aux ordres.» C’est que l’absence d’indépendance d’une institution de cette trempe découle, selon lui, d’abord du mode de nomination de ses membres ; un mode qui prépare tous les ingrédients d’une telle posture. «C’est le président de la République qui nomme ces magistrats, assure leur promotion et leur donne des avantages quand il veut. Tant qu’il y aura une telle situation, nous n’aurons pas de magistrats indépendants», soutient M. Bathily.

Par rapport au Conseil constitutionnel, chargé de juger les contentieux électoraux et de la constitutionnalité des lois, le secrétaire général de la Raddho relève la complexité d’une réalité selon laquelle l’institution se déclare incompétente sur les problèmes de régulation de l’Etat de droit et sur la démocratie. Et à partir de ce moment, le manque de mécanismes pouvant intervenir débouche, selon lui, sur la situation de violence actuelle. Toujours en référence à l’actualité, le Pr Bathily revient avec des exemples pour conforter ces propos peu élogieux à l’endroit de la Justice : «Le Conseil constitutionnel répond toujours qu’il n’est pas compétent. Pour la loi Ezan, les conditions de la mise en accusation d’Idrissa Seck, de même que pour la prolongation à deux fois du mandat des députés, ses juges ne sont pas compétents. Alors, tout cela pose un problème sur le plan moral.» Le député libéral Babcar Gaye, quant à lui, trouve comme explication le fait que cette institution ne puisse pas aller au-delà des prérogatives que lui confère la loi. Le constitutionnaliste Ismaïla Madior Fall parle, lui, de la nécessité de briser le monopole présidentiel dans la désignation des membres de l’institution, d’élargir le champ de ses compétences pour lui permettre de statuer sur des cas pour lesquels il a tendance, aujourd’hui, à se déclarer incompétent et d’ouvrir le droit de saisine, au-delà du président de la République et des députés, à des entités comme les organisations de la société civile en matière de protection des droits fondamentaux. Le chantier de cette exigence de démocratie se révèle être encore en friche, au vu de certaines déboires qui ont fini de susciter la critique à l’endroit de l’institution judiciaire. C’est surtout du côté des leaders politiques que proviennent les remarques les plus acerbes. Le Pr Bathily ne fait pas dans le velours pour rappeler la dernière en date : «Le Conseil constitutionnel n’est pas indépendant et vous avez vu la présidente (Mireille Ndiaye : Ndlr) pendant la prestation de serment d’Abdoulaye Wade. Elle est carrément sortie de son droit de réserve. Quand il y a des conflits comme ça, il n’appartient pas aux magistrats de faire plein d’appréciations sur l’action du chef de l’Etat, alors que cela fait l’objet d’une contestation de la part de ses adversaires politiques. Cela n’est pas bienséant !»

 



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