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Politique

MOUSSA DIEDHIOU, AMI DU DEFUNT PCR DE ZIGUINCHOR"Le meurtre d’Oumar Lamine Badji est un crime politique"

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MOUSSA DIEDHIOU, AMI DU DEFUNT PCR DE ZIGUINCHOR"Le meurtre d’Oumar Lamine Badji est un crime politique"

La jeune génération l’a découvert lors des obsèques d’El hadji Oumar Lamine Badji quand le président de la République n’a cessé de prononcer son nom en rendant hommage à celui dont il fut l’ami, le parent et le confident. Lui, c’est Moussa Diédhiou, un des tout premiers députés Pds élus sur une liste départementale. Dans l’entretien qui suit, Moussa Diédhiou dit sa déception quant au traitement qui lui est aujourd’hui réservé par la direction du Pds pour lequel il a tout donné. Sur l’assassinat de son « ami » Oumar, Moussa Diédhiou ne cherche pas midi à quatorze heures pour dire à qui veut l’entendre que c’est un crime politique. Une conviction fondée sur des faits qui se sont succédés depuis un certain temps. Entretien.

SOURCE : WALF GRAND-PLACE

Walf Grand-Place : Peut-on avoir un aperçu sur votre parcours en tant qu’homme politique ?

Moussa DIEDHIOU : Je suis militant du Parti démocratique sénégalais depuis décembre 1974. J’étais encore jeune enseignant dans le département de Sédhiou. Jusque-là, je n’avais jamais milité dans un autre parti politique. Le Pds était le parti où je devais militer pour la première fois. Je n’avais jusque-là pas connu l’actuel président de la République Me Abdoulaye Wade. Mais, il s’était trouvé que la politique telle qu’elle se pratiquait dans le département de Bignona où le Ps avait une hégémonie extraordinaire était inacceptable. Je pensais qu’il était temps qu’il ait un contre-pouvoir. C’est dans cet esprit que je suis allé dans un parti de l’opposition d’alors, en l’occurrence le Pds. Parce que nous avions compris que ce Ps, complètement inamovible, ne réglait pas pour autant les problèmes de notre département aux plans économique, culturel, social...

Vous rappelez-vous des circonstances de votre première rencontre avec Abdoulaye Wade ?

C’est en décembre 1974 que j’ai fait mon adhésion au parti. Deux ans plus tard, c’est-à-dire en 1976, j’avais conduit une délégation des femmes de la Casamance - c’était principalement des femmes de Thionck Essyl qui était un des bastions du Parti démocratique sénégalais - à Kébémer où le secrétaire général national devait relever un challenge, celui d’organiser la première conférence nationale des femmes. J’avais déjà connu le secrétaire général Me Abdoulaye Wade, mais c’est à partir de cette rencontre que j’ai véritablement découvert l’homme. Je l’ai approché, nous nous sommes salués et je lui servais d’interprète parce que les femmes parlaient joola.

Vous militiez avec qui à l’époque ?

Les compagnons de 1976, c’était Marcel Bassène, Doudou Camara, Sina Diatta qui a connu le même sort que le frère Oumar Lamine Badji ; Boubacar Ndiaye d’Oussouye a, lui aussi, été assassiné.

Avez-vous connu une autre formation politique à part le Pds ?

Aucun. Au Pds, j’étais comme piqué par un virus que je ne m’expliquais pas du tout. J’étais véritablement fou du Pds. La preuve : en 1978, nous avions commencé à subir les menaces du Ps qui durcissait le ton parce que dans la région sud nous avions commencé à gagner beaucoup de terrain. La Casamance s’est révélée très tôt comme devant être l’un des bastions les meilleurs en termes d’adhésion au Pds. Cela s’expliquait aussi par le fait que nous avons pu découvrir avec beaucoup de bonheur que Me Wade était un neveu authentique de cette région du Sud parce que sa maman, nous dit-on, vient d’un village du département de Sédhiou. Le village s’appelle Oudoukar. Cela suffisait pour amener beaucoup de gens autour de lui. Car en Casamance, les gens militent pour des raisons de principe, d’honneur, de dignité et surtout de loyauté.

Aujourd’hui, avez-vous le sentiment que les efforts accomplis depuis 74 sont récompensés ?

Il est difficile de répondre à cette question. Mais s’il faut y répondre, je dirais oui et non. Oui, dans la mesure où, en 1988, j’ai été l’un des tout premiers députés élus sur les listes départementales. C’était à Bignona. Tous ceux qui avaient été députés ne l’avaient été que grâce à la liste nationale. Moi, j’ai été sur la liste départementale. Et j’avais vaincu quelqu’un de très fort au sein du Parti socialiste d’alors. Un an plus tard, j’ai été amené par le secrétaire général à une conférence de l’Internationale libérale à Paris, sous l’égide du Parti républicain de François Léotard. Me Abdoulaye Wade m’avait présenté aux milliers de conférenciers comme un exemple pour la démocratie en Afrique et particulièrement au Sénégal où, contrairement à ce que les Européens pensaient, il démontrait à travers ma présence que l’alternance politique était véritablement possible.

Six ans après l’alternance...

(Il coupe) Six ans après l’alternance, malheureusement je suis encore là, je traîne encore. C’est difficile et c’est amer. Sans en vouloir à qui que ce soit, mais je traîne. Je l’avoue et je le dis non sans pincement au cœur.

Qu’est-ce que cela vous fait quand vous regardez la structuration actuelle du Pds avec pratiquement tous les anciens qui ne sont plus là ?

Cela fait mal au cœur. C’est une vérité difficile à accepter. Mais ce sont peut-être les aléas de la gestion du pouvoir. Vous savez, nous étions un parti d’opposition, nous avions un programme certainement, nous avions comme ambition de gérer le pays, donc nous ne savions pas trop ce que cela pouvait être une fois les pieds et les mains dedans. Je concède cette réalité à ceux-là qui étaient censés tenir compte d’un certain nombre de paramètres, notamment la rétribution juste en termes de reconnaissance vis-à-vis de certains responsables considérés comme de vrais symboles. Pour ma part, je suis un des cas, mais malheureusement, cela fait mal. Mais nous pensons que justice sera faite.

Après votre génération, il y a eu les départs de responsables comme Ousmane Ngom et plus récemment Idrissa Seck, Modou Diagne Fada... Vous qui avez toujours connu le parti, comment appréciez-vous tout cela ?

Ce sont des circonstances malheureuses, mais chacun a sa conception de la politique, de l’honneur. Pour Ousmane Ngom, nous avions connu une crise en 1998. J’étais même mêlé à cette histoire de 98. Je ne sais pas trop qui est-ce qui était à l’origine de la confection de la fameuse liste aux législatives de 98. Mais, les gens s’étaient amusés à renvoyer tout ce qu’il y avait comme ténors au niveau des listes départementales. Avec le recul, nous avons compris parce qu’il paraîtrait que c’est Idrissa Seck qui avait en charge la confection des listes. Il a mis pratiquement tous les ténors à la liste départementale. Et il n’était pas certain que ceux-là puissent gagner au niveau de leurs départements respectifs. En lieu et place, on a élu d’autres individus dont on ne savait pas trop d’où est-ce qu’ils pouvaient venir. Les incidents ont commencé ainsi. Ousmane Ngom est allé créer son parti, mais il a ensuite eu le courage de reconnaître son erreur. Le cas d’Idrissa Seck, c’est un autre problème. Quant à Fada, je crois que c’est un problème d’honneur, de dignité et de conception personnelle. Je crois qu’on lui a opposé des gens dont il n’arrive pas à accepter l’avènement ou alors c’est un combat pratiquement interne.

Comment avez-vous vécu l’assassinat de votre ami El hadji Oumar Lamine Badji ?

Cela me fait beaucoup de mal au cœur. D’abord, votre question me permet de remercier le chef de l’Etat. Je voudrais le remercier du fond du cœur pour sa compassion et pour cette leçon qu’il aura administrée à l’adresse des Sénégalais en général et particulièrement des Casamançais. Il leur a enseigné ce que peuvent et doivent être la fidélité, l’amitié, le long compagnonnage que l’on peut avoir avec quelqu’un. Cela nous a touché du fond du cœur. Et je voudrais l’en remercier très sincèrement.

Quels étaient vos liens avec feu Oumar Lamine Badji ?

Oumar Lamine Badji était un cousin, c’était véritablement un frère, comme nous le disons en milieu joola. C’est ma maman qui aura laissé le sein à son papa et sa mère est une tante à moi. Il est certes mon aîné, mais nous sommes presque de la même génération. Nous avons servi ensemble en tant qu’instituteurs. Et curieusement, nous nous sommes retrouvés au Pds dès 1974. Oumar s’est tout de suite imposé au sein du groupe comme leader et guide incontesté. Et depuis lors, nous cheminions ensemble. Au niveau de fédération départementale, j’étais constamment derrière lui. C’est dire que nous avons des liens de compagnonnage, de fraternité et d’amitié. J’étais son confident.

Dans quelles conditions avez-vous vécu son assassinat  ?

C’était à la veille de la Tabaski, chacun de nous était dans sa famille. Je me trouvais à Thionck Essyl à quelque quarante kilomètres de Sindian. J’ai appris le décès naturellement avec beaucoup d’émotions. Moi, je sais que c’est un crime politique. Arrivé donc à Dakar cinq jours après, je vois dans la presse les gens parler d’incrimination de Salif Sadio, du Mfdc (Ndlr : Mouvement des forces démocratiques de Casamance). Je demanderai à tous ces gens-là de faire beaucoup d’efforts pour donner les preuves qu’il faut pour authentifier que le Mfdc a une responsabilité dans ce meurtre. Ma conviction profonde, c’est que c’est un meurtre politique, c’est un crime politique.

Quand vous dites crime politique, vous pensez à quoi ?

Ce sont des règlements de comptes internes.

Internes au parti ?

Oui, internes au parti. Moi, je soutiens que ce crime, ce meurtre d’Oumar Lamine va rester comme un véritable cas de conscience dans l’esprit de certains responsables.

Des adversaires qui sont au niveau de la région ?

Au niveau de la région et au niveau de la direction du parti. Car, vous savez ce garçon quand bien même simple instituteur, voilà quelqu’un qui jouit, au niveau de la direction du parti, d’une estime et d’une confiance extraordinaire aux yeux du chef de l’Etat, ne serait-ce qu’à travers son franc-parler. Mais Oumar Lamine a fini par gêner. Il y a eu des velléités de croire qu’Oumar faisait de l’ostracisme au niveau de la fédération départementale de Bignona, qu’il était réfractaire à la promotion de certains hauts cadres autour de lui. Ce qui n’était pas du tout vrai. La preuve, un certain Youba Sambou promu ministre en 2000 l’a été en partie grâce à Oumar Lamine, qui aurait pu accepter d’être à sa place. Parce que nous avions fait des pieds et des mains pour amener Youba au Pds. C’est pour vous dire qu’Oumar était humble, loyal et correct.

En tant que confident d’Oumar Lamine Badji, est-ce qu’il vous a une fois entretenu de menaces qui pesaient sur sa vie ?

Des menaces, il y en avait depuis 90 quand nous nous sommes jetés dans ce processus de recherche de la paix. Lorsque les quatre députés que nous étions prirent l’engagement d’aller dans le maquis, ce fut pour parler aux maquisards, leur demander de déposer les armes. Et nous savions que nous courrions des risques de ne pas être compris. C’est ainsi qu’en 1991, quand nous mîmes les pieds pour la première fois dans le maquis, ça n’a pas été facile. Les maquisards ne pouvaient pas nous faire confiance, parce qu’ils pensaient que nous étions des corrompus, des gens simplement intéressés par l’argent et le profit.

Vous semblez très catégorique quand vous demandez aux gens qui accusent le Mfdc d’en apporter les preuves. Qu’est-ce qui vous fait croire que le Mfdc n’est pas impliqué dans ce meurtre ?

De toute façon, moi je soutiens ce que j’ai dit. Maintenant, le problème est entre les mains de la justice qui s’est saisie du problème, les forces de sécurité sont là-dessus. Attendons, si la vérité doit être faite que c’est le Mfdc qui a commis le meurtre, moi je me plierai à cette vérité. Je souhaite véritablement me tromper. Mais je sais qu’Oumar a gêné au niveau politique, tant au niveau de la direction du Pds qu’au niveau local. Ça, c’est une réalité. Le danger auquel vous avez fait allusion tout à l’heure, je dis que nous nous sommes en danger. Parce qu’il n’est pas probable que nous soyons compris tant par les éléments du Mfdc que par l’aile civile. Nous sommes en constante situation de survie et de sursis.

Pour être plus précis, est-ce qu’Oumar Lamine Badji faisait l’objet de menaces dans son propre parti ? Qu’est-ce qui se passe actuellement dans le parti ?

Oumar a rappelé à un haut responsable bien placé que les fonctions que quelqu’un pouvait avoir au sein d’un ministère quel qu’il soit n’étaient pas compatibles et ne pouvaient conduire ce responsable-là à être tout de suite leader au niveau de la base. La promotion que l’on peut accueillir au niveau d’un ministère est une chose, mais la base c’est une autre affaire. Et Oumar se faisait des ennemis au sein de la direction du parti, parce qu’on croyait qu’il faisait de l’ostracisme. Ce qui n’était pas vrai. Je maintiens et je persiste à dire qu’Oumar a eu à gêner des gens sur le plan politique. Sa mort va rester comme un cas de conscience dans la tête de ces gens. D’ailleurs, le jour de la levée du corps, il y avait des individus qui étaient là et dont on ne pouvait pas soutenir le regard. Pourquoi un tel spectacle ? Parce qu’ils ont quelque chose à se reprocher. Ils avaient la conscience complètement en chiffon. Maintenant, on doit chercher le commanditaire parce qu’il y a effectivement un commanditaire.

Pourquoi vous êtes si formel en déclarant qu’El hadji Oumar Lamine Badji est victime d’un règlement de comptes ?

Pourquoi ? Eh bien parce qu’Oumar ne courrait aucun danger vis-à-vis de ces gens-là (Ndlr : les combattants du Mfdc). Oumar avait tenu en mars 2006 une conférence de presse. En son temps, je crois que le général Fall [ndlr : le général Abdoulaye Fall, toujours en fonction à la tête du haut-commandement de la gendarmerie nationale] devait aller à la retraite et c’est à la suite que le dossier a été confié à Mbaye Jacques Diop. Oumar a fait donc sa conférence de presse à Ziguinchor et il a dit qu’il était à même de régler ce conflit en moins de six mois. Cela a soulevé un tollé, un brouhaha de protestations. On l’a traité de fou, de tous les noms d’oiseau. Juste après sa conférence de presse, il est allé en Europe. A son retour, nous nous sommes mis à table et nous lui avons demandé d’arrêter, que désormais il ne pouvait pas se permettre de faire des conférences de ce genre. Six mois après, on l’a abattu, comme ça ! Je dis que non. Parce que depuis lors, Oumar a fermé la bouche. Il ne faisait nulle part de déclarations. Et nous faisions des réunions Oumar et moi avec les rebelles, parce qu’ils sont en train de rentrer. Le seul problème, ce sont les éléments de Salif Sadio qui s’accrochent toujours à cette idée [Ndlr : l’indépendance de la Casamance] et qui en veulent à ceux-là qui sont en train de se repentir. Le constat amer, c’est que les intermédiaires n’arrivent pas à répercuter aux combattants ce que le chef de l’Etat fait.

Certains s’étonnent aussi que cet assassinat ait été perpétré, dit-on, à quelques mètres d’un cantonnement de l’armée ?

Je pense que cela relève des méthodes d’organisation de l’armée. Car, il n’était pas encore 21 h. J’ai vécu des crimes de la sorte. Et souvent, c’est à des localités à proximité d’un cantonnement militaire, mais j’ai jamais vu l’armée se lever la nuit pour répondre à des coups de fusil. Ce que je sais, c’est que quand il y a des attaques la nuit, l’armée organise d’abord son auto-défense pour voir quelle est la solution à prendre, mais l’armée ne va jamais sur les lieux. S’ils doivent le faire le jour, c’est avec beaucoup de précautions. Et puis, les rebelles n’opèrent pas sans prendre la précaution de s’assurer que l’armée ne se jettera pas comme ça dans le piège.

Est-ce que vous avez eu à discuter avec Oumar Lamine Badji de sa sortie contre Idrissa Seck quand ce dernier se rendait à Bignona ?

Oumar l’a regretté. Nous l’avons interpellé et il a dit qu’il n’avait pas été compris. Et, il l’a regretté de manière digne. Vous savez, il y a un adage mandingue qui dit que lorsque l’épervier ne se gêne pas de venir prendre les poussins sur terre qu’il comprenne que le bâton ne se gênera pas pour s’abattre sur lui. Voilà en image ce qu’Oumar a dit. Car lors de la tournée d’Idrissa Seck, on a senti une sorte de démonstration de forces, on a senti qu’il avait une sorte de milice... C’est cette impression qui a sauté aux yeux et Oumar a répliqué : « A Bignona, vous trouverez à qui parler ». Il n’a pas été compris. Les gens croient qu’il n’est pas démocrate, qu’il est barbare. C’est tout le contraire, Oumar s’est excusé.



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