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Politique

Moustapha M. Guirassy (Nouveau maire) : « Avec Dansokho, Kédougou a reculé de cinquante ans »

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Moustapha M. Guirassy (Nouveau maire) : « Avec Dansokho, Kédougou a reculé de cinquante ans »
Contre toute attente, la Coalition Sopi 2009 a gagné dans la nouvelle région de Kédougou, lors du scrutin du 22 mars. Suite aux émeutes de décembre, la coalition du parti au pouvoir avait peu de chance de conquérir le cœur des Kédovins. Et les tractations commencèrent à la veille de l’élection pour libérer les jeunes incarcérés et apaiser la colère des populations. Dans un entretien qu’il nous a accordé, Moustapha Mamba Guirassy, candidat heureux de la Coalition Sopi 2009, explique les raisons du déclic, en leur faveur.

Wal Fadjri : Quelle lecture faites-vous de la victoire de la coalition Sopi 2009 à Kédougou ?

Moustapha M. Guirassy : D'abord, c’est une victoire éclatante, très nette. Une victoire que je prédisais depuis quelques mois, contrairement à cette opinion qui pensait qu’avec les émeutes du 23 décembre 2008, il serait difficile de gagner à Kédougou. Les gens avaient fait une très mauvaise analyse. Le ras-le-bol des Kédovins n'était pas suscité par le régime en place. Mais, c'était un ras-le-bol qui prenait ses racines dans le colonialisme, qui a été entretenu pendant les 40 ans de l'ancien régime et qui s'est perpétué à travers la gestion de l'ancienne équipe municipale. La compréhension qu'il fallait avoir de cet événement, c'était plutôt un Kédougou qui voulait une rupture par rapport à tout ce qui s’est passé, qui voulait donc s'engager dans un tournant. Nous l'avons compris et toute la communication et la stratégie électorales étaient de faire comprendre qu’il y a une opportunité à saisir pour aller vers des changements importants. Il fallait s'accorder sur ces changements-là, nous l'avons compris. Nous nous sommes positionnés comme étant les porteurs de ces changements et surtout, nous avons bâti une relation de confiance avec ces populations. Ces atouts étaient en notre faveur et l’on pouvait prédire la victoire.

Wal Fadjri : Les jeunes ont manifesté, il y a eu mort d'hommes, certains ont été incarcérés, puis libérés quelques jours avant le scrutin...

Moustapha M. Guirassy : Ils ont été libérés à deux jours du scrutin. Donc, cela été décisif et ce fut un atout. Mais encore une fois, l'ambition des Kédovins ne pouvait pas se limiter à la seule libération de 19 détenus. On pouvait les libérer et qu'ils continuent d'en vouloir au parti, d'en vouloir au régime. En réalité, s'ils ont voté pour le changement, c'est surtout par rapport aux possibilités, à l'espoir qui a été suscité. C'est vrai que c'était un point important et cela a soulagé tout le monde. Même nous, cela nous a soulagés en tant qu’acteurs et responsables politiques. Mais encore une fois, il ne faut pas dire que nous avons gagné parce que 19 détenus ont été libérés. Il faut respecter le choix de ces populations. Ce serait dommage que les ambitions économiques de cette ville se limitent simplement à la libération de ces jeunes.

Cela a soulagé surtout face à nos détracteurs qui ont voulu faire une récupération politique de la chose. Mais, la population elle-même avait besoin de réponses beaucoup plus profondes à des questions de développement qui ont été à l’origine de ces émeutes. Et il fallait justement une équipe qui puisse rassurer et qui permette à ces populations, à terme, de ne plus vivre ce genre de situation. Le programme et les investitures ont été des éléments déclencheurs. Je me suis organisé pour que 80 % des investis de la liste soient des jeunes et des femmes. J’ai même investi le secrétaire général du mouvement des jeunes qui était à la base des manifestations. J’ai été parfois incompris par le régime ou par certaines autorités, mais il fallait le faire parce que je voulais leur trouver l’espace institutionnel dont ils avaient besoin pour s’exprimer et prendre en charge les questions de développement de la localité. La stratégie a été déterminante parce que ceux-là qui portaient le mouvement de contestation, s’ils sont investis, ils portent l’espoir, donc le changement. Un point déterminant aussi, c’est que Kédougou voulait rompre avec l’opposition. Nous sommes de la coalition Sopi, mais il nous fallait conquérir le pouvoir parce que pendant sept ans, c’est une municipalité qui a été gérée par l’opposition. A la fin, on a même été obligé d’installer une délégation spéciale parce que la gestion de la municipalité était catastrophique avec un maire absent.

Wal Fadjri : Kédougou est une zone à fort potentiel économique devenu bastion des libéraux. Est ce qu’il ne risque pas d’y avoir une ingérence du pouvoir dans la gestion de la localité ?

Moustapha M. Guirassy : Non. Nous espérons, de toute manière, travailler avec l’Etat parce que c’est cela l’espoir et c’est ce qui a été déterminant dans le renversement de la situation. Kédougou voulait collaborer avec l’Etat pour aller vers une accélération du développement. Mais de là à prendre un recul et laisser l’Etat gérer les collectivités locales, je ne pense pas que cela puisse se faire. Nous avons une équipe assez avertie, qui est là pour soutenir et porter les doléances et les préoccupations de Kédougou. Ça ne se fera pas autrement. Une collaboration entre l’Etat et les collectivités locales, c’est ce que la commune de Kédougou souhaite et c’est ce qui doit se faire. Maintenant, est-ce que l’Etat ou certains n’en profiteront pas pour faire de Kédougou leur chasse gardée ? Je ne crois pas que cela puisse se faire aussi. En tout cas, ce ne sera pas avec la nouvelle équipe. Nous allons avoir une totale autonomie de gestion, une façon de faire, de créer de la richesse mais aussi d’orchestrer et de tout manager. Mais autonomie ne veut pas dire indépendance, mais plutôt interdépendance. Je ne rêve pas d’une gestion où je ne serais pas soutenu par l’Etat. Kédougou est une ville pauvre dans une situation où il faut tout moderniser. Et nous avons absolument besoin du soutien de l’Etat.

Wal Fadjri : Quel bilan tirez-vous de l’exercice de l’ancien maire Amath Dansokho?

Moustapha M. Guirassy : C’est une catastrophe. Kédougou a reculé de cinquante ans. Il n’y a pas eu de modernisation, les problèmes d’assainissement et de lotissement sont restés les mêmes. Là où on attendait le maire sortant et là où il a failli, c’est au niveau de la coopération décentralisée. On pensait que son aura au niveau national et international allait permettre à Kédougou d’émerger. Malheureusement, à ce niveau, cela a été un échec total. Nous avons connu beaucoup de déboires, des détournements de fonds, il y a eu des problèmes de terres, de parcelles vendues, etc. Vraiment, il y a eu un méli molo extraordinaire qui a été déterminant. Les gens de Kédougou disaient ‘tout sauf l’opposition’. Cela a été l’axe central qui nous a permis de gagner ces élections. En résumé, l’équipe municipale sortante a très mal géré, elle était absentéiste et s’était complètement détournée des préoccupations de la ville.

Wal Fadjri : Vous venez de relever les impairs dans la gestion de l’ancienne équipe municipale. Peut-on s’attendre à une chasse aux sorcières ?

Moustapha M. Guirassy : Pas du tout ! C’est une famille. L’équipe sortante, ce sont des parents à moi. La première chose à faire, c’est de clarifier les choses, remettre les populations dans leurs droits. Autre chose à faire et qui serait une innovation, je veux que Kédougou soit la première mairie certifiée aux normes Iso. C’est-à-dire une mairie qui sera à l’écoute des populations et qui va se faire certifier aux normes Iso international pour être sûr que c’est bien géré. C’est un souci de transparence. Deuxièmement, pour la première fois au Sénégal, je voudrais que les conseillers, en intégrant la mairie, puissent prêter serment. L’autre innovation de taille, c’est que chaque année, au moins une fois, on puisse rendre compte des engagements pris auprès des populations. Ce sont des axes forts de notre programme et je souhaite que cela se passe comme cela. Nous allons travailler, nous n’avons pas le temps de faire la chasse aux sorcières. Nous avons besoin d’eux pour accompagner cette localité dans le sens du développement.

Wal Fadjri : Qu’est-ce que les Kédovins peuvent attendre concrètement de la nouvelle équipe municipale ?

Moustapha M. Guirassy : L’équipe est composée à 80 % de jeunes et de femmes, c’est important dans le contexte de Kédougou. Ce sont des jeunes qui étaient exclus, qui ne prenaient pas la parole, ce sont ceux-là qui ont manifesté. Permettre à ces jeunes de s’exprimer dans un cadre institutionnel, c’est aller dans le sens de l’apaisement, d’une réconciliation des fils de Kédougou et d’une réconciliation entre Kédougou et le reste de la nation. C’est important. On a une équipe qui en veut, qui doit tout changer. C’est une équipe d’intellectuels qui comprend les enjeux, la complexité des choses et qui est prête à s’engager dans le sens de la transformation de cette société. Kédougou est en train de s’industrialiser et vient de connaître la régionalisation. Donc, il y a des mutations. Les émeutes du 23 décembre, il faut les mettre dans ce contexte. Il ne faut pas s’enfermer, et cela a été l’erreur de beaucoup de personnes. Il faut ouvrir les yeux et comprendre que nous avons une localité qui n’était pas connue et tout d’un coup, il y a des investissements assez importants, une ouverture, des opportunités, etc. Forcément, cela a un impact sur les populations.

Il y a une phase d’ajustement et la nouvelle équipe municipale va manager le changement et les axes forts de ce changement, c’est l’entreprenariat social. C’est-à-dire permettre aux jeunes et aux femmes d’avoir leur petit business. Il ne faut pas que les grandes entreprises tuent les petits business, si on veut assurer un développement endogène. Il faut aussi l’accès aux Tics. On peut penser que c’est paradoxal parce que c’est à Kédougou et d’ailleurs, on peut se vanter d’être parmi les rares équipes à avoir utilisé les Tics lors de la campagne. On peut être loin et nous appuyer sur les technologies pour accélérer le développement en matière de santé, d’éducation, de bibliothèques. Nous allons aussi favoriser l’axe de la coopération décentralisée. Une localité comme Kédougou ne peut pas seulement s’appuyer sur l’Etat. Il faut une coopération avec des pays comme la Chine, l’Inde, le Canada, pour permettre à cette localité d’aller plus vite dans le développement. On va aussi moderniser. Kédougou a été brûlé lors des événements. On n’a plus de préfecture, de gouvernance, etc. Les rues sont mal faites, la voirie et l’assainissement font défaut. Vraiment, je souhaite que sous mon magistère, Kédougou soit une ville moderne, une belle ville. C’est le défi à relever et avec l’équipe, nous allons pouvoir le relever. 



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