CONVICTION - Krumah Sané, de l’aile extérieure du Mfdc accuse le Président : «Wade et son gouvernement ont organisé le meurtre de Oumar Lamine Badji»
Après que le chef de l’Etat a orienté l’enquête en indiquant les pistes vers le Pds pour les investitures, l’opposition et le maquis, la réplique de Krumah Sané ne s’est pas fait attendre. Ce dernier nomme les auteurs de l’assassinat de M. Badji en donnant ses arguments.
Le président de la République, Me Abdoulaye Wade, a tracé ses pistes qui mènent aux auteurs de l’assassinat du président du Conseil régional de Ziguinchor. Hier, à la levée du corps, Me Wade a déclaré que les auteurs du crime peuvent être dans les rangs de son parti, le Pds, au sein des partis opposés au Pds ou dans le maquis casamançais. A peine a-t-il fini de porter l’accusation que Krumah Sané, représentant de l’aile extérieure du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc), à Paris, lui apporte la réplique. Ce dernier, que nous avons joint de Paris, renvoie l’accusation à l’accusateur. Selon M. Sané, «c’est Me Abdoulaye Wade et son gouvernement qui ont organisé le meurtre de notre frère Oumar Lamine Badji». Il fonde son argumentaire sur le fait qu’il appartient au chef de l’Etat et à son gouvernement de veiller à la sécurité du Président du Conseil régional, Oumar Lamine Badji. Il s’étonne de la facilité avec laquelle l’assassinat a été perpétré dans une zone sous contrôle militaire. «Le village de Sindia où habite Omar Lamine Badji est encerclé par les militaires et le petit sous-préfet de la localité est gardé 24h/24. Comment des assassins ont pu s’introduire dans la maison du premier personnage de la Casamance, sans que les militaires n’aient pu rien voir ? Comment cela est possible ?», s’interroge-t-il. Ainsi, Krumah Sané en déduit que la complicité du régime de Wade est établie dans cet assassinat. De même, il déplore que le Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc) soit cité dans cette affaire. «Quand Me Sèye avait été assassiné, l’accusation était portée sur le Mfdc. Vous avez vu le résultat après. Vous croyez que le Mfdc doit assassiner ses propres dirigeants ?», s’émeut-il. Par ailleurs, M. Sané regrette les dessous politiques qui enveloppent le déplacement de Me Wade en Casamance pour participer à la levée du corps de Omar Lamine Badji. En effet, Krumah Sané rappelle à Wade que «le premier responsable libéral casamançais décédé, c’est Laye Diop Diatta. Or, le président de la République n’a jamais envoyé un seul ministre assister à ses funérailles à Djémbéring. Il s’est rendu plusieurs fois en Casamance, mais il n’a jamais pris la peine de se rendre sur la tombe du premier député libéral en 1998. Marcel Bassène est mort, et Wade ne s’est jamais déplacé pour se recueillir sur sa tombe». Et M. Sané de déplorer : «Omar Lamine Badji est avant tout un Casamançais, membre fondateur du Pds, mais Abdoulaye Wade n’a jamais fait de lui un président de l’Assemblée nationale ou un ministre. Or, il a toutes les compétences requises pour réussir ces missions. La Casamance a été toujours exclue des pouvoirs de décision de l’Alternance.»
Sur la récompense promise par le président de la République à celui qui aiderait à retrouver les auteurs du crime, Krumah Sané s’indigne de cette déclaration politique de Me Wade. «Il doit s’expliquer sur la mort de notre frère Omar Lamine Badji, au lieu de faire de la politique», martèle-t-il. En revanche, Krumah fait dans l’ironie au sujet de la mise à prix des auteurs de l’assassinat. Sur un ton moqueur, il rappelle ainsi : «Wade a demandé ma tête ; il ne l’a pas encore eue, alors que cette tête est là à Paris. Il a demandé la tête de Salif Sadio, il ne l’a pas eue. Il doit d’abord donner des comptes sur l’assassinat de Me Sèye et de Omar Lamine Badji.»
LE FILM DE L’ASSASSINAT
C’est dans la nuit du samedi 30 au dimanche 31 décembre que le président du Conseil régional de Ziguinchor, Omar Lamine Badji, a été assassiné devant son domicile par des hommes armés, non encore identifiés. En effet, un mystère entoure toujours le mobile de ce meurtre, compte tenu des circonstances dans lesquelles M. Badji a été tué. Bien que le responsable des relations publiques de la Genda-rmerie, le Commandant Diop, ait expliqué que M. Badji n’a pas été égorgé, des confidences, des proches de la victime, soutiennent le contraire. Ayant vécu le film de l’assassinat, ils rapportent «qu’un groupe d’hommes armés s’est introduit dans la maison où ils ont trouvé un vieil homme, par ailleurs imam de son état, dans la cour de la concession. A ce dernier, les malfrats ont demandé à rencontrer Omar Lamine Badji». «Une petite discussion est engagée entre le vieil homme et les hommes armés, au moment où le président du Conseil régional de Ziguinchor était dans sa chambre», raconte un parent de la victime. Il poursuit que M. Badji a entendu la conversation de sa chambre. Il en est sorti pour se présenter : «Vous voulez voir M. Badji, c’est moi. Je suis là», dit-il à ses visiteurs.
D’après les explications des témoins, «l’entretien entre les malfaiteurs et M. Badji vire à des échanges verbaux, avant que ce dernier ne se radicalise par une bravade». «Si vous êtes venus pour me tuer, alors finissons-en !», lance-t-il sèchement à ses interlocuteurs. Et ces derniers de s’exécuter en le faisant sortir de la maison. «C’est devant son domicile que les hommes armés l’ont d’abord égorgé. Alors qu’il gisait sur le sol, ses meurtriers se sont acharnés sur lui en criblant son corps de balles. Leur forfait commis, ils se sont évaporés dans la nature», raconte-t-on. Cela, après avoir mis le feu dans la maison et sur son véhicule.
NDLR : La partie consacrée au Film de l’assassinat et annoncée à la Une devait paraître dans notre édition d’hier. Un oubli malencontreux est passé par là. Nous nous en excusons auprès de nos lecteurs.
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