Ousmane Tanor Dieng : " Fauchés, fatigués et fâchés, les Sénégalais sont en passe de devenir furieux…"

A Kaolack où les socialistes se sont retrouvés au cours de ce week-end pour commémorer leurs 60 ans d’existence, leur secrétaire général Ousmane Tanor Dieng n’a pas été tendre avec le régime libéral et son chef. Usitant une figure de style ; l’allitération en F, il dira que « fauchés, fatigués et fâchés, les Sénégalais sont en passe de devenir furieux… » Lire intégralement sa déclaration.

« Mesdames et Messieurs les Journalistes Chers Camarades, Chers Invités,

Nous voilà donc arrivés au terme de la commémoration du 60ème anniversaire de la fondation de notre Parti.

Cet anniversaire, nous l’avons simplement et seulement célébré, nous ne l’avons pas fêté. J’avais indiqué dans mon allocution délivrée à Dakar, mardi dernier, lors de la cérémonie de lancement :

JE CITE : « La situation désastreuse et chaotique de notre pays, ainsi que le mal vivre profond de nos concitoyens ne se prêtent guère à la fête » et que « personne, dans notre pays meurtri ne peut avoir le cœur à la fête » FIN DE CITATION.

Oui, la situation de notre pays est désastreuse, le mal vivre de nos concitoyens est profond et les Sénégalais sont fauchés, fatigués et fâchés.

Les Sénégalais sont fauchés.

Fauchés par un coût de la vie insoutenable que n’arrivent plus à supporter les faibles revenus des ménages. Le riz coûte cher, le lait coûte cher, le sucre coûte cher, l’huile coûte cher, en un mot comme en mille, tout coûte cher au Sénégal. Les prix des denrées et produits de consommation courante prennent l’ascenseur alors que les revenus des Sénégalais restent bloqués au rez-de-chaussée.

Les factures d’électricité sont venues achever les quelques 640 000 abonnés qui ont le privilège de disposer d’énergie électrique, mais qui subissent au quotidien le rationnement de l’électricité. Pour justifier le coût exorbitant des factures de la SENELEC qui dépassent largement les hausses tarifaires annoncées, le Gouvernement avait argué de la hausse du cours du baril de pétrole qui était alors à 140 dollars.

Aujourd’hui le prix du baril se situe à 60 dollars, sans que cette baisse significative des cours mondiaux ne soit répercutée sur le prix de l’électricité, ni même, soit dit en passant, sur le prix du carburant.

Cette hausse qui, vous le savez, plombe les budgets des ménages et les comptes d’exploitation des entreprises, n’est pas supportable. Et nous devons engager la bataille pour la baisse du prix de l’électricité et du carburant. Cette bataille doit être une bataille populaire, une bataille nationale.

Quant aux paysans, non seulement Abdoulaye Wade a l’indécence de tenter de s’approprier les mérites de leur travail et les résultats d’une bonne pluviométrie que le Bon Dieu a gratifié notre pays, mais il les nargue en célébrant à coup de centaines de millions de FCFA une fête d’une GOANA qui reste, aux yeux des véritables paysans, une chimère.

Aujourd’hui, alors que le régime continue à jeter de la poudre aux yeux du monde rural, les paysans ne savent toujours pas à quel prix sera acheté le kilogramme d’arachide.

Le juste prix du kilo d’arachide doit être supérieur à 300 FCFA si nous prenons comme référence l’évolution du prix de l’huile d’arachide sur le marché international, ainsi que le coût de la vie au Sénégal auquel le paysan est obligé de faire face. Le Parti socialiste a été le premier à exiger, pour les paysans, ce prix minimum de 300 FCFA.

Les Sénégalais sont fatigués, parce que fauchés.

Fatigués de ne pouvoir se nourrir correctement, fatigués de ne pouvoir se soigner à cause de structures sanitaires agonisantes, fatigués d’une école sénégalaise en lambeaux qui ne peut satisfaire, dans des conditions minimales, le droit à l’éducation pour leurs enfants.

Fatigués par les arriérés de paiement de l’Etat aux entreprises, opérateurs économiques et personnes physiques.

Les Sénégalais sont fâchés, parce que fauchés et fatigués.

Fâchés contre Abdoulaye Wade, son Gouvernement, son Parti et ses souteneurs, en d’autres mots contre la gouvernance nocive du régime libéral, incapable de trouver des solutions à leurs problèmes lancinants et urgents de survie quotidienne.

Fâchés contre le régime d’Abdoulaye Wade qui les nargue avec un train de vie dispendieux et insolent des gouvernants et des promesses mirifiques.

Fâchés contre un régime qui a vidé les caisses de l’Etat et qui veut brader les bijoux de famille.

Fâchés contre un régime qui ne les respecte même pas en essayant, tous les jours, de leur faire prendre des vessies pour des lanternes au moyen d’une propagande éhontée.

Fâchés par l’arbitraire, l’injustice et les atteintes aux libertés.

Fâchés contre l’instrumentalisation des institutions et les manipulations de la Constitution.

Fauchés, fatigués et fâchés, les Sénégalais sont en passe de devenir furieux si on en juge par les récentes émeutes contre la hausse des prix des denrées de consommation courante et contre le rationnement de l’électricité. Et gare à un peuple furieux !

Mesdames et Messieurs les Journalistes Chers Camarades, Chers Invités,

La célébration du 60ème anniversaire de la naissance du Parti socialiste avait, pour nous, un triple enjeu.

- D’abord, un enjeu idéologique

En procédant par nous même à un exercice d’adaptation de notre message politique au contexte du moment.

Que représentait l’idée socialiste lorsque les pères fondateurs, autour de Senghor, créaient le BDS ? Que signifie pour nous être socialiste aujourd’hui ?

Nos réflexions ont permis, à plus d’un titre, de démontrer et même d’illustrer, par des exemples concrets, que ce message des pères fondateurs est toujours d’actualité. En effet, le dialogue intergénérationnel, les solutions à apporter aux problèmes que nous vivons ont amplement démontré la pertinence et l’acuité de ce message et surtout notre conviction que ce message là est encore demeuré actuel.

Pour autant, l’exercice de réflexion engagé devra se poursuivre au-delà de cet anniversaire car l’idée socialiste est une idée en perpétuel mouvement à la recherche de solutions toujours plus novatrices et toujours plus adaptées.

-Le deuxième enjeu est intellectuel

Car nous avons voulu ouvrir un espace de réflexion, d’échanges et de dialogue, entre nous même et avec d’autres, qu’ils soient des acteurs politiques ou issus de la société civile, afin qu’en toute liberté chacun donne son point de vue sur ce que nous sommes c’est-à-dire des acteurs politiques engagés.

En fait, l’objectif visé - largement réussi du reste - était de débattre ouvertement d’une idée qui n’est pas le monopole de notre Parti, mais que nous sommes fiers de porter et de partager avec d’autres, qu’ils soient ou non engagés en politique, je veux parler de l’appel au rassemblement que j’ai lancé lors de l’ouverture solennelle de nos activités à Dakar.

J’espère qu’il y sera fait largement échos afin qu’une discussion franche s’instaure avec toutes les forces sociales et de progrès qui entendent faire face et échec au régime de Abdoulaye WADE.

Le débat est donc ouvert sur ce point.

-Le troisième enjeu est bien sûr d’ordre politique

En effet, cet anniversaire a permis, au-delà de la formidable remobilisation du Parti et de la détermination incontestable de nos militants, à mieux situer les urgences du Sénégal et proposer des solutions.

Ainsi du monde rural où nous avons pu, ici, au cœur du bassin arachidier mieux toucher du doigt les difficultés de toutes sortes qu’il rencontre et auxquelles, il faut bien s’y résoudre, Abdoulaye WADE n’a pas de solution.

C’est pourquoi, j’ai décidé, d’ici la fin de l’année 2008, début 2009 au plus tard, de faire une tournée économique pour engager un dialogue à cœur ouvert avec les acteurs du monde rural sur leurs difficultés présentes, les solutions d’urgence à envisager et les moyens de relance de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche.

Quoi de plus normal que le Parti Socialiste, revenant à son lieu de naissance (faut-il rappeler que Kaolack est le berceau du BDS), s’intéresse à ce qui a toujours été son domaine de prédilection, à savoir le monde rural ?

Le format et les conditions de cette tournée seront définis prochainement par le Bureau Politique.

Pour finir, je voudrais au nom du Parti Socialiste exhorter tous les patriotes sincères, les forces vives du pays à engager chacun, dans les responsabilités qui sont les siennes, la bataille pour la libération de notre Peuple.

Les élections locales à venir pourront déjà en constituer une première étape si nous nous y engageons avec détermination et dans l’unité.

Je vous remercie de votre attention./-"

Proposé par Alassane DIALLO