La présidence de la République s'est fendue, hier, d'un communiqué pour livrer sa part de vérité sur le prétendu protocole d'accord signé entre le chef de l'Etat et Idrissa Seck et qui aurait permis au second nommé de recouvrer la liberté. Le document, signé par le ministre porte-parole du président de la République, Me El hadji Amadou Sall, et dont nous avons copie, fait d'abord cette précision : ‘Il n'y a jamais eu d'accord écrit entre le président de la République et M. Idrissa Seck’, avant de révéler, ensuite, que ‘M. Idrissa Seck a spontanément fait une offre écrite au président de la République qui ne lui a jamais répondu’.
Si le premier point ne constitue pas une nouveauté dans le discours du palais de la République relativement à ces supposées négociations, le second, par contre, risque de secouer très fortement le camp d'Idrissa Seck. C'est qu'il vient mettre l'ancien Premier ministre dans une posture de faiblesse. Celle d'un homme harassé par le séjour carcéral qui vient quémander la magnanimité du chef de l'Etat. Et comble de ridicule : ce dernier l'aurait même snobé en réservant une fin de non-recevoir à sa demande espistolaire.
Tout le contraire de la position défendue par Idrissa Seck, toujours sur ces supposées négociations, dans son discours du 4 avril dernier, le jour de la fête nationale de l'indépendance du Sénégal. Dans son adresse à la nation, l'ancien Premier ministre avait déclaré, pour taire la rumeur : ‘Je n’ai conclu aucun accord avec le président de la République, ni politique, ni financier, en dépit de ses messages et en particulier sa proposition écrite du 22 décembre 2005 sous la signature de son avocat’.
Ces propos d'Idrissa Seck et les précisions du palais de la République (lesquelles tombent huit mois après la sortie de l'ancien Premier ministre) rappellent l'adage de la ‘réponse du berger à la bergère’. En effet, les deux parties se renvoient la balle et chacune dit détenir par-devers elle une correspondance épistolaire de l'autre lui faisant des offres pour des négociations. Et chaque partie soutient avoir rejeté l'offre de l'autre. Qui du président Wade et d'Idrissa Seck a écrit à l'autre pour engager des négociations ? Le chef de l'Etat et son ancien Premier ministre se doivent de rendre publiques ces lettres. Pour éviter aux Sénégalais une discussion sur le sexe des anges qui ne fera que torturer leurs méninges et les embourber dans des conjectures stériles.
Mais, visiblement, le président Wade et Idrissa Seck jouent à se faire peur. Ils semblent avoir opté pour une sorte d'équilibre de la terreur qui permet de tenir dans des limites raisonnables son adversaire. Le président Wade et Idrissa Seck se tiendraient-ils par la barbe ? Autrement, comment peut-on se prévaloir d'effets de manche alors qu'on prétend détenir entre ses mains les preuves à même d'envoyer dans les cordes son adversaire ? Cette histoire de sortie de prison négociée commence à prendre des allures d'une scène de vaudeville soporifique dans laquelle les Sénégalais occupent le rôle du spectateur pressé de voir le rideau tomber.
Cependant, s'il est un point sur lequel le président Wade et Idrissa Seck semblent s'accorder, c'est l'absence d'une solution négociée pour faire sortir l'ancien Premier ministre de prison. Idrissa Seck, lui-même, avait évacué cette question dans son discours du 4 avril. ‘Après sept mois de détention, j’ai recouvré ma liberté sur la base de deux ordonnances rendues respectivement par la Doyenne des juges et la commission d’instruction de la Haute Cour de Justice. Des rumeurs persistantes ont tenté de trouver à cette libération un fondement autre que la raison pourtant bien simple que les juges en charge des procédures n’ont rien à me reprocher’, avait déclaré l'ancien Premier ministre. Et de poursuivre : ‘Il a été dit en particulier que cette libération fait suite à des arrangements entre le président de la République et moi-même. De telles rumeurs risquant de souiller durablement l’image de notre pays, de sa démocratie et de sa justice, je me prescris le devoir de rétablir la vérité’. Cette précision faite Idrissa Seck d'indiquer : ‘Au regard de mes valeurs, un tel accord serait au demeurant une double abomination aux plans moral et politique. Il transformerait une affaire judiciaire en une prise d’otage avec demande de rançon’. Il clôturera ce débat en relevant qu'un deal pour sa libération accréditerait la thèse selon laquelle la justice sénégalaise agit sous la dictée de l’Exécutif.
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