PROCESSUS DE PAIX DANS LA REGION SUD : Les sages de la Casamance qualifiés de "chasseurs de primes"

Désormais, ce sont les vieux sages du Fogny (vers la frontière gambienne) qui ont désormais la lourde charge de négocier avec les rebelles du mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) pour le retour définitif de la paix en Casamance.
Autrement, ces derniers sont désormais chargés de gérer le dossier casamançais comme on le dit. Ils ont reçu mandat du président Wade d’accomplir cette mission, lors d’une audience qu’il a eue avec eux le vendredi dernier au Palais présidentiel à Dakar. Ce choix du président Wade constitue un couteau à double tranchant, cependant. Beaucoup d’observateurs qui suivent l’évolution du conflit casamançais pensent que c’est certes nécessaire d’impliquer les sages de la région dans la recherche de solution pour une paix durable, mais le groupe choisi n’était, sans doute, pas celui sur qui il fallait jeter un dévolu.
Aux yeux de ces observateurs, le groupe de vieux qui a été investi par le président Wade n’est pas le mieux indiqué pour conduire une telle mission. En fait, ces personnalités s’investissent depuis des années dans ce dossier sans résultat probant, souligne un observateur. Au contraire, le calme relatif qui prévalait dans la zone depuis plusieurs années, n’a cessé de s’effriter au point qu’elle a fini par s’embraser le mois d’avril dernier suite aux rivalités entre factions rivales de la rébellion qui se sont tirées dessus pendant plusieurs semaines avant l’intervention de l’armée.
Beaucoup de voix s’étaient élevées à l’époque en Casamance pour accuser certains de ces sages d’être à l’origine de ces affrontements rebelles, se fondant sur les réunions qui avaient été convoquées en septembre et octobre 2004 par les lieutenants de Magne Diémé, l’un des chefs de guerre du Mfdc, au niveau de la localité de Mongone, située près de Diakaye, l’ancien quartier général du front nord, avec la bénédiction de certains de ces sages.
Rencontres au cours desquelles, la déstabilisation de certains chefs de guerre du mouvement comme Kamoughé Diatta, Salif Sadio et autres Veux Faye avait été planifiée. Et ce sont les conséquences de ces rencontres qui ont fait voler en éclats la paix fragile qui régnait dans le secteur de la frontière gambienne où la plupart des populations exilées qui étaient revenues au bercail se sont, à nouveau, réfugiées en Gambie. Pendant que ces affrontements se déroulaient et que les rebelles implantaient des bases un peu partout dans cette zone où se trouvaient ces vieux ? Pourquoi ils n’étaient pas intervenus pour mettre fin à cette situation ?
Pourquoi ont-ils attendu que l’armée intervienne pour exprimer leur bonne volonté d’agir auprès des rebelles pour le retour de la paix ? Pourquoi ils n’ont agi comme les vieux du département d’Oussouye qui ont interdit toute implantation de base rebelle dans leur zone, ce qui a permis d’y restaurer une paix totale depuis plusieurs années.

Latif Aïdara visé

Voilà autant de questions que beaucoup de gens se posent aujourd’hui en Casamance, arguant que les raisons qui poussent ce groupe à vouloir s’impliquer davantage dans la recherche de la paix sont davantage guidées par l’argent que celles déclinées. Sur un autre plan, d’autres observateurs pensent que c’est un peu risqué d’accorder un grand crédit aux nouveaux gestionnaires du dossier casamançais, se fondant sur les dernières rencontres qu’ils ont tenues à Katack, près de la frontière gambienne, il y a quelques jours.
En fait, ces rencontres ont été une occasion, pour eux de lyncher verbalement Latif Aïdara, chargé de mission à la présidence de la République qui a été traité de tous les noms d’oiseaux, alors qu’ils c’est avec ce dernier qu’ils travaillaient depuis des années dans le cadre de ce dossier. C’est lui qui les a présentés au président Wade, ce qui leur avait permis de disposer d’importants moyens de travail mais la suite, on la connaît.
Au sujet de ces rencontres, il semble d’ailleurs qu’elles ont été initiées essentiellement pour jeter de l’anathème sur M. Aïdara, devenu gênant pour d’autres « prédateurs » qui souhaitent s’approprier du dossier de la Casamance. Des sources concordantes révèlent qu’on leur a fait miroiter une importante enveloppe de près de 200 millions de francs pour qu’ils acceptent de verser leurs bulles sur M. Aïdara dans le but de le discréditer aux yeux de l’opinion.
De l’avis de la plupart des observateurs, celui-ci fait aujourd’hui l’objet d’attaques de leur part parce que tout simplement le robinet qu’il leur avait ouvert est fermé. Ce même Latif Aïdara pourrait être traité comme un « prophète » dans les temps à venir par ce même groupe si jamais, il parvient à leur rouvrir le robinet, ironise un cadre de la région qui, en un moment donné, s’était impliqué dans le processus de paix. « Ces vieux ne sont pas mus par une volonté de rechercher la paix. Ce sont des chasseurs de primes », note notre interlocuteur.