Regard extérieur : Les minces chances de Wade de gagner à Touba

Après sa victoire éclatante au deuxième tour des élections présidentielles de mars 2000, le président Abdoulaye Wade, lors de sa grandiose cérémonie de prestation de serment, demandait instamment à tous les jeunes nourrissant l'ambition de s'établir à l'étranger de déchirer leurs passeports ; il affirmait doctement et avec cet aplomb qui le caractérise que, sous son magistère, les Sénégalais ne connaîtraient plus cette si noire misère qui les poussait à chercher sous d'autres cieux l'épanouissement auquel ils rêvaient.

Presque sept années après, notre désillusion est à mesurer à l'aune de l'immense espoir que la venue de celui que l'on prenait pour le messie, investi d'une mission de rédemption, avait suscité en nous. Pour illustrer le profond désamour entre Wade et ses compatriotes, il suffit juste de relater l'incident qui s'est produit récemment dans la ville sainte de Touba où des militants du Pds ont été caillassés par les jeunes qui ne pouvaient souffrir le fait que leur terrain d'entraînement soit utilisé pour un meeting.

Au-delà de cet épiphénomène, il faut simplement signaler que cet acte (impensable il y a peu) traduit le rejet profond de celui qui se prétend talibé mouride, par une large frange de la communauté, malgré les déclarations fracassantes de certains thuriféraires de son régime agonisant. Pas besoin de sortir de ‘Sciences Po’ pour comprendre les raisons de ce divorce ; il suffira de rappeler qu'avec l'avènement de Wade, le statut de chef religieux a connu une désacralisation trop importante pour être imputée à la théorie de la ‘génération spontanée’. En effet, nombreux sont les guides religieux qui pensent que l'entreprise visant à une banalisation de leur statut a été mûrement planifiée.

L'on se rappelle encore la monumentale gaffe commise par le régime de Wade quand il a eu l'outrecuidance de nommer le vénérable Serigne Saliou Mbacké ‘tête de liste’ du Pds… Quant à la fameuse sortie de Djibo Kâ sur le ranch de Doly, elle laisse penser que la ‘mouvance présidentielle’ a peut-être envie de se faire ‘hara kiri’. La bêtise et l'incompétence poussées à ce point sont tout bonnement assimilables à du vice ! Et la récente sortie de Serigne Saliou Mbacké interdisant toute activité politique à Touba vient mettre un terme à la véritable bataille de chiffonniers que se livraient les ouailles de Me Wade pour le contrôle de la ville sainte. Que l'opposition sénégalaise ne se laisse point berner : ses chances sont sérieuses de rafler la mise à Touba !