Robert SAGNA, tourne la page du Ps : ‘Après les législatives, je crée un grand parti’

La tête de liste de la coalition ‘Takku défaraat Sénégal’ expose sa conception de la fonction de Premier ministre qu'il pourrait être au lendemain de ces élections législatives. Ainsi, Robert Sagna parle de ses priorités et formule de nouvelles propositions dans un pacte législatif qu'il propose aux Sénégalais

Wal Fadjri : Quel sera le prochain défi de Robert Sagna après les élections législatives ?

Robert Sagna : C'est la création d'un grand parti politique.

Wal Fadjri : Mais en attendant, comment appréciez-vous le boycott des élections législatives par une partie de l'opposition dite significative et le rejet du recours, introduit par le Ps, en annualtion du décret de répartition des sièges à l'Assemblée nationale par le Conseil d'Etat ?

Robert Sagna : Les Sénégalais n'ont pas tous voté pour le président Abdoulaye Wade. Il n'a recueilli que 55 % de suffrages, cela veut dire 45 % de nos compatriotes ne lui ont pas accordé leur confiance. La vraie bataille est électorale et non judiciaire. Il s'agit de proposer une alternative à tous les Sénégalais qui ont pensé que le pouvoir actuel est incapable de changer leur vie, d'améliorer leur existence. Au lieu de boycotter les législatives, il fallait leur parler, leur tenir un discours d'espoir. En clair, c'est une erreur de boycotter les législatives, c'est s'éloigner pendant cinq ans de la tribune politique que constitue l'Assemblée Nationale. C'est la deuxième erreur de l'opposition.

Wal Fadjri : Et quelle est la première erreur de l'opposition, selon vous ?

Robert Sagna : Pour s'être fait battre par Wade, dès le premier tour, aux dernières élections présidentielles, c'est que l'opposition a commis des erreurs certaines dont je ne citerai ici que deux parmi les plus graves. La première tient, bien entendu, des enseignements tirées de l'élection présidentielle. Le président sortant n'a recueilli que 55 % des suffrages exprimés, ce qui veut dire que 45 % des Sénégalais ne font pas confiance au président actuel. Par conséquent, si toute l'opposition s'était rangée derrière une candidature unique, un second tour hypothétique s'imposerait au président Wade. La deuxième erreur a été le boycott des élections législatives par une partie de l'opposition. A cela s'ajoute l'absence, encore une fois, d'une liste commune de l'opposition. L'opposition tenait, à cette occasion, la revanche de la présidentielle. La meilleure initiative aurait été la stratégie de candidatures concertées ou communes pour avoir une majorité confortable en vue de la mise en œuvre d'un programme commun de l'opposition. Cette majorité parlementaire qui était à la portée de l'opposition aurait changé le visage du Sénégal. Ce serait une majorité ouverte à tous les talents. Ceux qui ont boycotté portent, de ce point de vue, une lourde responsabilité devant l'histoire.

Wal Fadjri : Au cours de votre campagne, vous avez souvent appelé les militants socialistes à voter pour vous. Est-ce à dire que vous n'avez pas totalement rompu avec le Parti socialiste ?

Robert Sagna : Je ne m'adresse pas seulement aux militants socialistes, je m'adresse aux Sénégalais qui n'ont pas confiance au pouvoir libéral. Je leur dis : ‘Vous avez été 45 % à voter autrement, continuez dans cette voie et faite en sorte que la future Assemblée nationale corresponde à ce vote’. On a un pouvoir libéral qui veut tout écraser, tout dominer, avoir tous les pouvoirs. Il y a péril en la demeure. C'est pour toutes ces raisons que j'ai dis à mes compatriotes de ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier.

Wal Fadjri : N'avez-vous pas peur que les législatives confirment la présidentielle ?

Robert Sagna : Les législatives ne doivent pas être, dans la situation politique actuelle de notre pays, des élections de ratification et de confirmation des présidentielles. Elles doivent être des élections d'équilibre des pouvoirs et non de triomphe libéral.

Wal Fadjri : Pourtant, Macky Sall, en tournée à Ziguinchor vous a promis une défaite dans votre propre fief. Ne craignez-vous pas de connaître la même déconvenue que lors des présidentielles ?

Robert Sagna : Le Premier ministre Macky Sall est dans l'incantation. Il confond les élections législatives et l'élection présidentielle. Ce sont des élections différentes. Il s'agit là pour les Ziguinchorois d'élire leurs représentants à l'Assemblée nationale pour défendre leurs intérêts.

Wal Fadjri : Quels sont les thèmes de campagne de la coalition dont vous êtes la tête de liste ?

Robert Sagna : Nous prônons des changements profonds en matière politique, économique et sociale. C'est un triple tournant. Il porte sur notre manière de faire de la politique, notre vision économique, le regard que nous devons porter sur notre modèle social et ses nécessaires évolutions.

Wal Fadjri : Quel est votre projet législatif ?

Robert Sagna : Je propose aux Sénégalais un pacte législatif. Si j'ai la majorité à l'Assemblée nationale, je définirai un nouveau modèle social, car notre modèle actuel a perdu de sa substance. Le modèle social que je leur proposerai c'est celui qui donnera un espoir de vie meilleure à chaque Sénégalais, quelles que soit ses origines. Ce modèle social, nous devons le reconstruire ensemble.

Wal Fadjri : Le diagnostic que vous faites du Sénégal est terrible...

Robert Sagna : Le Sénégal est malade du chômage, en particulier celui des jeunes. Il est malade de sa crise morale, de ses institutions, de son système de santé, de ses inégalités, de ses injustices criardes. Le pouvoir libéral avait promis de satisfaire la demande sociale. Il ne l'a pas fait, il a plutôt installé la casse sociale. Mon pacte législatif n'est rien d'autre qu'un projet de réparation sociale.

Wal Fadjri : Quand lancerez-vous votre pacte législatif ?

Robert Sagna : Je le lancerai dans les prochains jours à Ziguinchor. C'est un contrat de confiance que je propose aux Sénégalais. Mille jours pour donner au Sénégal un visage plus radieux, en somme pour changer le Sénégal.

Wal Fadjri : Seriez-vous en train de décliner les contours d'un Premier ministre de cohabitation ?

Robert Sagna : Un Premier ministre de cohabitation est celui qui assure le contre-pouvoir sans verser dans l'hostilité systématique avec le chef de l'Etat. Il ne doit pas, non plus, être dans l'allégeance et la vassalité consentie. Je serai un chef d'orchestre qui sera chargé d'harmoniser toutes les partitions ministérielles. Ma différence avec mes prédécesseurs sera le respect des promesses données, des engagements pris. Je veux que la parole publique retrouve sa crédibilité. Je mettrai en œuvre tout ce que j'avais annoncé dans mon pacte législatif. Je mettrai en place un gouvernement d'action au service des Sénégalais en privilégiant l'écoute et la proximité. Ce sera un gouvernement de mission qui engagera des réformes pour que dans les 1 000 jours à venir la vie dans notre pays change, en beaucoup mieux pour tous.

Wal Fadjri : Comment, dans ce cas, cohabiter avec un président de la trempe de Me Wade ?

Robert Sagna : Le Premier ministre de cohabitation tire sa légitimité du suffrage des Sénégalais. Les deux doivent, dans l'intérêt du pays, éviter les querelles inutiles.

Wal Fadjri : Quel est concrètement le cœur de votre programme ?

Robert Sagna : Il faut d'abord rétablir l'autorité de l'Etat, les valeurs républicaines et surtout remettre la morale au cœur de notre société. Ensuite, créer de nouvelles solidarités qui permettront aux Sénégalais confrontés à des difficultés quotidiennes d'avoir une seconde chance pour rebondir. A cet effet, nous mobiliserons les moyens de l'Etat pour mettre fin à l'insécurité sociale. Nous allons rétablir le dialogue social et politique. C'est dans un climat social et politique apaisé que notre pays pourra amorcer le virage du développement. Enfin, nous nous attèlerons à remettre le Sénégal sur la voie de la croissance et de l'emploi en mettant l'entreprise au cœur de notre préoccupation. Au cours de ces 1 000 jours dont je vous ai parlé, nous moderniserons l'Etat en réduisant les contraintes administratives mais, également, en répondant à l'inquiétude de nos compatriotes sur l'avenir de leurs enfants. C'est pour cette raison que nous lancerons dans les meilleurs délais un programme ‘Jeune-avenir’. Ce sera un contrat d'insertion sociale (Cis) qui cumule formation et réalisation d'un projet d'avenir. Il faut restaurer, auprès des millions de jeunes Sénégalais, cet espoir qu'ils ont perdu.

Wal Fadjri : Seriez-vous de ceux qui estiment que le scénario idéal pour l'image du Sénégal à l'extérieur, c'est d'avoir un président de la République musulman et un Premier ministre catholique ?

Robert Sagna : C'est vrai que depuis le départ de Senghor des affaires, aucun homme politique de confession catholique n'a occupé les plus hautes fonctions institutionnelles : Je pense naturellement à la présidence de la République, l'Assemblée Nationale, la Primature.

Wal Fadjri : Comment avez-vous accueilli la création du Sénat ? La présidence de cette institution ne vous tente-t-elle pas ?

Robert Sagna : C'est une bonne idée pour l'équilibre des pouvoirs. Dans les grandes démocraties, il y a toujours un Sénat à côté de l'Assemblée nationale. L'essentiel, à mes yeux, est que le Sénat ne soit pas vidé de sa substance.