En passant au peigne fin la gestion de leurs prédécesseurs, les nouvelles autorités municipales en charge de la Ville de Dakar ont mis à nu des faits qui heurtent les principes de bonne gouvernance. C’est le cas, en tout cas, au Crédit Municipal où il a été découvert un trou de plus de 800 millions de nos francs. En outre, des informations tirées à bonnes sources soutiennent que la Ville de Dakar n’a jamais versé à l’hôpital Abass Ndao la subvention annuelle de 100 millions de francs Cfa. Ce qui, allègue-t-on, est à l’origine des récurrents problèmes que connaît l’hôpital Abass Ndao.
Où sont passés les 819 millions affectés au Crédit municipal de Dakar (Cmd) ? C’est à cette question que tentent d’apporter une réponse le nouveau maire de Dakar et ses collaborateurs. En vain. Khalifa Ababacar Sall et son staff ont beau retourner le problème dans tous les sens, mais ils ne trouvent pas d’explication. La seule chose dont ils sont aujourd’hui sûrs, affirment des sources dignes de foi, c’est que sur les 849 millions alloués au Crédit Municipal, il ne reste que 30 millions de francs Cfa dans la trésorerie de la structure administrée par Yatma Diaw, fidèle lieutenant de Pape Diop. « Personne ne sait où est passé l’argent », confient ébahis nos interlocuteurs. Ce qui ajoute à leur étonnement, c’est que l’administrateur de la structure, Yatma Diaw, interpellé sur le sujet pour éclairer la lanterne de la nouvelle équipe municipale « s’est montré incapable de fournir la moindre explication. On ignore qui sont les bénéficiaires des fonds et on ne sait pas pourquoi il n’y a pas eu de recouvrement ». Fonds de refinancements des systèmes financiers décentralisés, le Crédit Municipal de Dakar a été mis en place en 2005 pour appuyer les jeunes et les femmes des 19 communes d’arrondissements en finançant leurs projets. Seulement en 4 ans d’existence, le Cmd a englouti 819 millions de francs Cfa dont on ignore la destination. « Il n’y a que 30 millions de disponibilités au moment où le chiffre d’affaires tourne autour de 8 à 10 millions », apprend-on. En attendant de trouver des réponses à leurs interrogations, les nouvelles autorités de la Ville de Dakar continuent leurs investigations. Joint au téléphone pour livrer sa version, l’administrateur du Cmd a invoqué le « droit de réserve » auquel il serait astreint pour se refuser à tout commentaire. « Je ne peux ni confirmer ni infirmer l’information car je n’en ai pas encore discuté avec l’autorité », ajoute Yatma Diaw qui dit ne pas souhaiter « communiquer par voie de presse » sur ce dossier.
Pape Diop bloque la subvention de 100 millions allouée à Abass Ndao
Si le centre hospitalier Abass Ndao peine à sortir des difficultés dans lesquelles il est empêtré jusqu’au cou et qui lui valent d’être secoué de crises cycliques, il faut en imputer la responsabilité à l’ancienne équipe municipale de Dakar avec à sa tête l’ex-maire Pape Diop. C’est en tout cas, la conviction fortement exprimée par une source sûre qui, pour asseoir son assertion, révèle que la Ville de Dakar n’a jamais versé la subvention annuelle de 100 millions de francs Cfa qu’elle devait allouer à l’hôpital Abass Ndao. Et ce, depuis 2003, date à laquelle la mairie gère cette structure hospitalière. Or cette subvention aurait été votée pour appuyer l’hôpital qui se trouve sous perfusion. « Si l’Etat s’acquitte de sa subvention, tel n’a jamais été le cas de la Ville de Dakar », selon des indiscrétions. Cette situation provoquée par Pape Diop par ailleurs Président du conseil d’administration de l’ex-Repos Mandel n’est pas sans conséquences négatives. D’autant que l’on parle de la baisse drastique des recettes de l’hôpital. De 80 millions de francs Cfa, les recettes de cette structure devenue établissement public de santé (Eps) se chiffrent aujourd’hui à peine une trentaine de millions. Au même moment, notent nos interlocuteurs, « les charges de fonctionnement deviennent de plus en plus lourdes ». Devant cette situation, l’hôpital n’est plus en mesure de faire face à ses charges comme, par exemple, acheter des médicaments.
Mourad Dièye Guèye : « la Ville de Dakar a un programme d’appui et non de subvention »
Pour recueillir la version de l’ancienne équipe de la mairie de Dakar épinglée dans cette affaire, voix ne peut être plus autorisée que celle de Mourad Dièye Guèye, directeur de l’hôpital Abass Ndao par ailleurs Secrétaire Général à l’Hôtel de Ville de Dakar. Pour M. Guèye, « il ne s’agit pas d’une subvention obligatoire, la Ville de Dakar a un programme d’appui pour l’hôpital Abass Ndao ». Se voulant plus explicite, il estime que l’ancienne équipe de la mairie a dégagé une contribution financière à travers la mise à disposition de ressources humaines au profit de l’hôpital. « Cette contribution évaluée à 235 millions par an permet d’assurer la prise en charge de 78 agents que la Ville de Dakar a mis à la disposition de Abass Ndao. Il s’agit du personnel médical (médecins spécialistes, généralistes), personnel paramédical (infirmiers, aide soignants) et personnel administratif et technique », indique Mourad Dièye Guèye ajoutant au passage que dans le cadre du programme d’appui, le maire Pape Diop, en tant qu’autorité « a promis de venir en aide à la structure chaque fois qu’il y a problème ». Ainsi, « lorsque je suis venu en 2007, j’ai fait l’évaluation des besoins et demandé un appui budgétaire, la mairie a débloqué 78 millions de francs Cfa. L’hôpital traîne un déficit structurel de 262 millions qui remonte à 2002-2003. L’Etat par le biais des ministères des Finances et de la Santé ainsi que la Ville de Dakar avaient décidé de résorber ce gap, mais rien n’a été fait jusqu’ici par aucune des trois entités », dit-il. Il affirme avoir obtenu, l’année dernière, de la mairie une enveloppe de 25 millions. Et cette année, un appui de 100 millions a été accepté en termes de contribution de la municipalité de Dakar. Conscient que le déficit de 262 millions que traîne l’établissement hospitalier depuis la dissolution de la Communauté urbaine de Dakar (Cud) constitue un vrai boulet, Mourad Dièye Guèye pense que si la « Ville de Dakar doit verser une subvention, elle doit débloquer plus que 100 millions ».
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