Les résultats de la deuxième enquête nationale STEP sur les facteurs de risque des maladies non transmissibles (MNT), menée entre 2020 et 2025, révèlent une réalité préoccupante : le Sénégal est confronté à une montée silencieuse, mais alarmante des maladies chroniques, longtemps reléguées au second plan face aux urgences infectieuses.
Selon l’enquête, « les maladies infectieuses tendent à reculer au niveau mondial, mais les maladies chroniques, en particulier les maladies cardiovasculaires - le diabète, les cancers et les maladies respiratoires chroniques - prennent une ampleur inquiétante ». Au Sénégal, les MNT représentent désormais plus de 30 % des décès, selon les estimations de l’OMS, poursuit l’enquête.
En effet, dans un contexte où la mobilisation mondiale contre le VIH/sida a montré son efficacité, les experts appellent à une action similaire pour juguler la menace croissante des MNT. « Ce sont des maladies silencieuses, mais qui tuent lentement. Elles nécessitent des réponses structurelles, durables et fondées sur la prévention », a souligné le docteur Malick Anne, chef de la Division des maladies non transmissibles.
Des chiffres qui interpellent
L’enquête STEP, menée dans les 14 régions du pays auprès de plus de 3 600 personnes âgées de 18 à 69 ans, affiche une série d’indicateurs préoccupants. Il s’agit de l’hypertension artérielle : 23,1 % des personnes enquêtées en sont atteintes, avec une prédominance chez les femmes, diabète : 3,8 % au niveau national, avec des pics à Fatick (12,9 %) et Kaffrine, obésité : 10 % des adultes sont obèses, et près d’un tiers en surpoids. Les femmes et les habitants de Dakar sont les plus touchés. S’y ajoute l’hypercholestérolémie : 26,6 % de la population présente un taux élevé de cholestérol, un facteur aggravant des maladies cardiovasculaires, l’AVC : 16 % des personnes interrogées ont déclaré avoir déjà fait un accident vasculaire cérébral (AVC).
Ces résultats confirment que les MNT ne sont plus des maladies des pays riches, mais bien des priorités de santé publique en Afrique de l’Ouest.
Des habitudes de vie à risque
L’enquête STEP a également permis de dresser le profil des comportements à risque associés à ces maladies : consommation de tabac : 10 % des adultes ont déjà fumé, et 5 % fument actuellement, consommation d’alcool : 11,8 % des personnes interrogées consomment régulièrement de l’alcool, avec une consommation épisodique excessive chez 3 % d’entre elles, alimentation déséquilibrée : 94 % des adultes consomment moins de cinq portions de fruits et légumes par jour. Environ 29 % ajoutent systématiquement du sel à leurs plats, augmentant ainsi le risque d’hypertension et sédentarité : particulièrement élevée à Dakar, elle est favorisée par le manque d’espaces de sport, les longues journées de travail et les modes de transport motorisés.
Les femmes, premières victimes de la transition nutritionnelle
L’enquête confirme une féminisation des MNT, avec des taux d’obésité, d’hypertension et d’hypercholestérolémie plus élevés chez les femmes. Cette tendance s’explique par des facteurs culturels (inactivité physique, alimentation riche en féculents et en graisses), économiques (accès limité aux soins préventifs) et sociaux (pression esthétique en faveur de la corpulence). Les responsables sanitaires insistent sur la nécessité d’agir en amont.
« Il ne faut pas attendre que les gens soient dialysés pour agir contre l’insuffisance rénale chronique », a plaidé un cadre du ministère de la Santé. Chaque franc investi dans la prévention permettrait d’économiser jusqu’à 7 dollars en soins curatifs, selon l’OMS. Le Sénégal consacre actuellement près de 5 milliards de francs CFA par an à la dialyse, pour une capacité de prise en charge d’à peine 1000 patients. Une réalité insoutenable si rien n’est fait pour ralentir la progression des MNT.
Un outil stratégique pour la planification sanitaire
Grâce à la méthodologie STEP, le Sénégal dispose désormais de données fiables, comparables à l’échelle internationale. Elles serviront à l’élaborer des plans de prévention ciblés par région, intégrer les MNT dans les priorités nationales de santé, renforcer les programmes de dépistage précoce, promouvoir des comportements favorables à la santé (activité physique, alimentation, lutte antitabac…).
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