Le VIH/SIDA, loin d’être éradiqué, pourrait connaître un regain dévastateur. L’ONUSIDA sonne l’alerte face à la réduction drastique des financements américains dans la lutte contre ce fléau. « On risque jusqu’à 6,6 millions de nouvelles infections d’ici 2029 si rien n’est fait », a déclaré l’organisme. Ceci, dans le cadre de la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement (FFD4).Directrice exécutive de l’ONUSIDA, Winnie Byanyima a exprimé sa vive inquiétude face aux coupes opérées dans l’aide au développement, notamment celles de l’Agence américaine pour le développement international (USAID), principal contributeur mondial à la riposte contre le sida.Selon elle, l’apport financier représente à elle seule 73 % des ressources internationales mobilisées pour combattre l’épidémie.En 2024, les décès liés au Sida ont été estimés à 630 000 dans le monde. Winnie Byanyima soutient que ce chiffre pourrait grimper jusqu’à 4,2 millions de morts d’ici quatre ans, en l’absence d’une réponse financière adaptée.« Une pandémie en recul pourrait refaire surface. La crise est bien réelle, elle se fait sentir partout », a-t-elle affirmé, appelant les pays donateurs à maintenir leur engagement et à repenser les mécanismes de financement global.Elle a exhorté à dépasser les approches classiques et à intégrer les dimensions de justice fiscale, de justice en matière de dette, de justice sur la propriété intellectuelle et à renforcer l’investissement public mondial. « Aujourd’hui, les pertes liées à l’évasion fiscale et autres abus privent l’Afrique de 2,5 fois plus de ressources que ce qu’elle reçoit via l’aide internationale », dénonce-t-elle.Vers une résurgence pandémieUne étude publiée dans la revue The Lancet vient corroborer ces avertissements. Pour les auteurs, l'arrêt brutal des aides américaines, amorcé sous le mandat de Donald Trump, risque de provoquer un choc humanitaire comparable à une pandémie mondiale ou un conflit armé majeur.Entre 2001 et 2021, les programmes financés par l’USAID auraient permis d’éviter 91 millions de décès dans les pays à faible et moyen revenu, grâce à des interventions ciblées dans la santé. L’étude estime que la réduction de l’aide américaine pourrait entraîner jusqu’à 14 millions de morts supplémentaires d’ici 2030, dont 4,5 millions d’enfants.Pour le chercheur à l’Institut de santé mondiale de Barcelone (ISGlobal) et coauteur de l’étude, Davide Rasella, « deux décennies de progrès pour la santé mondiale risquent d’être anéanties ».L’analyse de 133 pays montre que les soutiens de l’USAID ont réduit de 15 % la mortalité globale, et de 32 % chez les enfants de moins de cinq ans. L’impact le plus significatif a été constaté sur les maladies évitables : la mortalité liée au VIH/SIDA a chuté de 74 %, celle du paludisme de 53 %, et celle des maladies tropicales négligées de 51 %, dans les pays les plus soutenus.Face à cette menace, les auteurs de l’étude appellent à un sursaut des décideurs internationaux. « C’est le moment d’augmenter l’aide, pas de la réduire », plaide Davide Rasella. Cette alerte est d’autant plus pressante que plusieurs autres donateurs majeurs notamment l’Allemagne, le Royaume-Uni ou la France ont également réduit leurs budgets d’aide extérieure.Professeur à l’université de Californie (UCLA), James Macinko souligne l’impact disproportionné de ces coupes, alors que l’USAID ne représentait que 0,3 % du budget fédéral américain, soit environ 64 dollars par citoyen et par an. « Je suis convaincu que si les gens comprenaient qu’un montant aussi modeste peut sauver des millions de vies, ils soutiendraient massivement la poursuite de cette aide », fait-il savoir.
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