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ABBE LEON NDOFE DIOUF, VICAIRE EPISCOPAL, ARCHIDIOCESE DE DAKAR : « Noël, c’est Dieu qui vient par amour vivre avec les hommes »

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ABBE LEON NDOFE DIOUF, VICAIRE EPISCOPAL, ARCHIDIOCESE DE DAKAR : « Noël, c’est Dieu qui vient par amour vivre avec les hommes »

La fête de Noël célébrant la naissance de Jésus-Christ sera célébrée ce soir et demain. Dans cet entretien, l’abbé Léon Diouf, chargé de la pastorale sociale et religieuse de l’archidiocèse de Dakar, revient sur le sens, l’origine et le caractère religieux de cette célébration.

Quelle est l’origine de la fête de Noël qui sera célébrée aujourd’hui et demain ?

Noël n’est pas un anniversaire parce que, souvent, les gens se trompent là-dessus. Noël, c’est la célébration des mystères chrétiens les plus spécifiques. A savoir le mystère de l’incarnation. Quand, vous prenez l’Evangile de Jean, il dit tout au début ceci : « Au commencement était le verbe, le verbe était auprès du bon Dieu, le verbe s’est fait chair et il a habité avec nous ». Autrement dit, Dieu, à travers Jésus-Christ, est venu habiter avec les hommes. Un autre grand texte tiré de l’Epitre aux Hébreux dit à son tour : « Dieu, après avoir parlé à nos pères, aux hommes de multiples manières, nous a enfin parlé en ce jour par un Fils qu’il a établi héritier de tous et par qui il fait le monde ». Donc, pour les chrétiens, la fête de Noël, c’est Dieu qui vient par amour vivre avec les hommes parce qu’il les aime.

En France les statistiques révèlent que seuls 14 % des Français croient au caractère religieux de la fête de Noël. Pouvez-vous revenir sur le caractère religieux de cette fête ?

Pour ce qui concerne le caractère religieux de la fête, il y a un certain nombre de questions que les gens se posent. Avant d’aborder la le caractère religieux de cette fête, il y a la question de la crèche. Aujourd’hui, tous ceux qui ont une crèche avec un arbre de Noël chez eux pensent au sens religieux de la fête. Les 14 % des Français que vous évoquez ont ce sens religieux, mais beaucoup d’autres ne l’ont pas. La crèche signifie le mystère de l’incarnation pour ceux qui y croient. L’arbre de Noël est justement l’un des symboles qui est le plus religieux parmi les symboles de Noël. Vers le 11eme siècle, la communauté chrétienne, surtout en Occident, célèbre le mystère chrétien, c’est-à-dire avant la célébration de la messe de minuit : on fait un théâtre qui récapitule l’histoire biblique jusqu’à la naissance de Jésus-Christ. Mais quand on faisait ce théâtre, le centre du théâtre était l’Eglise, particulièrement son autel, parce que c’est sur l’autel que l’on reçoit le Christ symbolisé par le pain et le vin dont il a fait son corps et son sang. Plus tard, vers le 15eme siècle, le théâtre sort de l’église et se fait au vestibule de l’église, dehors, juste à l’entrée.

Maintenant, comme il n’y a pas d’autel, on plante un arbre garni de fruits. Quant on prend cet arbre à travers toute la Bible, il devient signe de la vie. L’arbre dans le jardin du paradis, selon le texte de la Genèse, c’est l’arbre de la vie, de la connaissance du mal et du bien. Mais quand je prends nos traditions africaines « garab », c’est l’arbre, et il soigne l’homme. Mais ceux qui utilisent l’arbre de Noël comme ces vendeurs qui occupent les rues de Dakar n’ont pas de sens de Noël, alors que c’est un sens profondément chrétien.

Pourquoi cette fête est célébrée à la date du 25 décembre ?

Il y a trop de confusion sur cette date. Ce qu’il faut retenir en premier lieu est que Noël n’est pas un anniversaire. Il ne faut pas en chercher une date. Car la date de la naissance de Jésus-Christ, personne ne la connaît. Nous n’avions pas d’état-civil à cette époque. Quant on dit l’an 1, ce n’est qu’une convention du calendrier occidental. D’autres peuples comme les Chinois ont leur calendrier et l’Islam a le sien. Donc, la date du 25 décembre, on l’a choisi parce qu’au 4ème siècle, après que les chrétiens eurent subi toutes les persécutions depuis le 2nd et le 4ème siècle, le Christianisme a été reconnu par l’empereur Constantin. A partir de ce moment, Constantin lui-même a donné des temples romains païens aux chrétiens pour leur servir d’églises. Connaissant les fêtes célébrées par les païens, les chrétiens ont pris ces célébrations pour en faire des fêtes chrétiennes. Le 25 décembre est le jour où le soleil descend au plus bas dans l’hémisphère nord et dans son mouvement autour du centre et commence à remonter. C’est à partir ce mouvement du soleil que l’on a choisi la date du 25 décembre pour signifier le Christ, ce Dieu qui naît parmi les hommes. C’est le soleil invaincu. De même que les païens célébraient le soleil par adoration mal placée, de même les chrétiens le célèbrent, mais cette fois-ci de manière bien placée. Donc la fête de Noël célébrée le 25 décembre n’est qu’une convention.

Que signifie la crèche pour un chrétien ?

Quand un chrétien est devant une crèche telle qu’elle est fabriquée maintenant avec un enfant Jésus et sa Mère Marie, il doit adopter un comportement d’amour, de la tendresse, mais aussi de la confiance parce qu’il vient d’accueillir un enfant. Il doit savoir qu’il a affaire à quelqu’un qui mendie parce que n’ayant rien apporté et attend tout de nous. C’est ce qui fait que c’est une fête populaire. C’est la fête de l’enfance. L’enfance, c’est quelque chose d’extraordinaire. Or, pour les chrétiens que nous sommes, c’est dans le visage des enfants que Dieu se manifeste pour nous dire : « il ne faut pas me craindre, je suis votre Père et je vous aime comme vous êtes capable d’aimer un enfant ». C’est vraiment l’amour de Dieu qui s’est manifesté dans une crèche. Dieu prend le visage le plus proche de l’homme pour qu’il sache que Dieu l’aime, que lui-même se mette à aimer Dieu de tout son être et à aimer son prochain. Quant, il a fait cela, il a résumé tous les commandements : « tu adoreras le Seigneur ton Dieu et Lui seul. Tu aimeras ton prochain. Tu ne voleras pas. Tu ne commettras pas d’adultère. Tu ne mentiras pas... » Tous les commandements se résument dans cet amour de Dieu et du prochain devant un enfant à la crèche.

En dehors des confessions organisées dans les différentes paroisses, comment un chrétien doit se préparer à accueillir l’enfant Jésus ?

Pour la préparation de Noël, les confessions signifient que le chrétien a déjà fait toute la préparation et vient au sacrement de pénitence pour célébrer le changement. Quand on vient pour se confesser, on a déjà demandé pardon à Dieu, et on est pardonné. Mais on vient pour célébrer ce pardon. La fête de Noël ne se prépare pas au moment de la confession, c’est bien avant. Nous avons quatre dimanches de l’Avent. Il y avait une tradition dans les pays occidentaux où une bougie est allumée à chaque dimanche de l’Avent. Tout ceci est une préparation du mystère de Noël. Les chrétiens préparent Noël depuis quatre semaines déjà ; cette préparation va aboutir le jour des confessions par la célébration de toute la pénitence intérieure par l’acte de la confession pour bien préparer la nuit de Noël.

La fête sera certainement un grand moment pour les prêtres de prêcher la solidarité entre les hommes, le retour de la paix, la réconciliation, etc. Est-ce que vos appels sont souvent entendus ?

Dès que l’on parle de grandes choses, il faut toujours regarder l’homme tel qu’il est. L’homme veut et cherche à faire de grandes choses, mais il est souvent comme le jet d’eau. Le jet d’eau monte, mais si l’on le laisse à lui-même, il va retomber. C’est une image d’un grand philosophe sénégalais, Gaston Berger, qui disait : « l’homme est un jet d’eau, mais laissé à lui-même, tôt ou tard, il va retomber ». Par contre, quand les prêtres prêchent la réconciliation, la justice et la paix comme le synode romain l’a fait, s’ils prêchent pour le retour de la paix en Casamance et dans le monde et que tout le monde prie et accueille l’aide pour cette paix, on sera comme le jet d’eau qui ne part pas de sa force, mais qui est attirée par une force d’en haut. Alors là, on monte. Mais si nous comptons sur nos seules forces pour faire la paix, la réconciliation, la justice, attention ! Même nous qui prêchons, nous allons tant parler, mais ce sera toujours un jet d’eau qui risque de retomber. Je crois que le sommet de Copenhague que l’on vient de vivre l’a bien montré. Tout le monde veut que l’on sauve cette planète, mais en même temps, il y a des gens qui ne veulent pas faire des sacrifices et certains veulent garder leur bout d’autorité et d’intérêt, d’où l’échec. C’est pourquoi il faut prier que Dieu nous aide à protéger la planète.

Est-ce que les couples chrétiens sont prêts aujourd’hui à subir ce que Joseph et Marie ont vécu avec tout ce qu’il y a eu autour de la naissance de l’enfant Jésus ?

S’il s’agit des questions socio-économiques et politiques, Marie et Joseph étaient des pauvres qui appartiennent à une race qui est dominée par les Romains. Donc, la domination socio-économique, politique que Joseph et Marie connaissaient, beaucoup de chrétiens la connaissent aujourd’hui. Nous ne sommes pas mieux logés, je pense que le problème ce n’est pas d’accepter ou pas. C’est plutôt d’assumer. Les chrétiens, à mon avis, en sont capables aujourd’hui. Je crois que nous ne sommes pas autres que Joseph. C’est lui que je vois de mieux dans cette affaire parce que Joseph, quand il apprend que Marie était enceinte alors qu’il ne la connaissait pas encore, il s’est retiré. Il y a ceux qui pensent qu’il s’est retiré parce qu’il est offensé comme on le montre dans certains films. Ce n’est pas ça, parce que Marie lui a expliqué et Joseph, croyant, se dit : « non, je ne suis pas capable d’assumer ce mystère ». Mais en songe, Dieu lui a fait savoir qu’il est capable. « Si tu veux marcher avec moi, tu en est capable ». Joseph prend avec lui Marie comme sa femme et adopte Jésus comme son enfant. Devant un enfant, les couples chrétiens font face à un mystère à la fois joyeux et douloureux. Noël, c’est vraiment la fête de l’enfance ou Dieu prend ce visage de l’enfant Jésus pour nous dire combien il nous aime.

Pourtant certaines femmes continuent de jeter les nouveau-nés dans les rues. Quelle est la position de l’Eglise par rapport à cette attitude ?

Depuis le début du christianisme, l’infanticide a toujours été le péché le plus grave. L’infanticide pour l’Eglise est un crime. Aujourd’hui, l’Eglise va plus loin en condamnant l’avortement qu’elle qualifie aussi de crime. La foi chrétienne, parce qu’elle regarde l’enfant comme l’image de Dieu, ne peut accepter l’infanticide.

Quand une femme jette ou tue son enfant, l’Eglise fait toujours une distinction entre ce péché, ce drame, ce crime que cette femme a commis. Elle s’interroge aussi sur les conditions dans lesquelles était cette femme pour commettre ce crime. Au lieu de la lapider, Jésus dit à la femme fautive, comme il dit aujourd’hui à toutes ces femmes qui abandonnent leurs enfants : « ne recommence plus ». Mais il ne condamne pas. Donc l’Eglise fait toujours la distinction entre le péché et le pécheur. Le péché, il faut le condamner, mais le pécheur, il faut le sauver, c’est ce qui fait la force de la foi chrétienne.

Est-ce que l’Eglise va un jour revoir sa position pour que l’avortement soit reconnu comme un droit ?

Certainement pas, parce qu’à partir du moment où l’on tue, l’Eglise ne peut pas accepter. Au contraire, l’Eglise va beaucoup plus loin en condamnant ceux qui tuent pendant la guerre. Elle ne connait pas de guerre légitime comme le fait de défendre certaines personnes. Si tu veux la paix, disaient les païens romains, prépare la guerre. Jean-Paul II a changé cet adage en disant : « si tu veux la paix, prépare la paix ».

Donc, l’avortement, l’infanticide et les tueries à la guerre sont des crimes que l’Eglise ne peut pas accepter parce que l’homme est le seul être que Dieu a voulu pour Lui-même. Dans le texte de la Genèse, il est écrit que « Dieu a créé l’homme à son image ». La grandeur de l’homme, c’est quelque chose d’extraordinaire, c’est ce à quoi nous allons assister à Noël, Dieu vient habiter chez les hommes parce qu’il les aime.

Quel message lancez-vous au peuple sénégalais en ce jour de la Nativité ?

Ma prière et mon désir est que cette fête de Noël soit un jour de réconciliation profond pour tous les Sénégalais, qu’il s’agisse pour la paix en Casamance ou des difficultés du dialogue politique ou des problèmes dans les couples. Je souhaite que Dieu, à travers cette fête, nous aide à trouver cette paix. Car partout où il y a justice, il y a possibilité de réconciliation et on va vers la paix. Noël, c’est la paix.



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