Affaire de corruption dans la justice : Pourquoi Djiby Ndiaye n'est pas inquiété

Le moins que l'on puisse dire c'est que l'ex-gérant du groupe Futurs Médias profite bien des circonstances fortuitement protectrices de sa rencontre avec le juge Demba Kandji. Encore de l'eau dans le moulin des parieurs de l'improbabilité, voire de l'impossibilité, d'une suite pénale aux dégâts collatéraux plus que jamais incompressibles.

C'est un truisme bien redondant que d'évoquer l'étonnement profond qui étrangle l'opinion sur l'‘oubli royal’ qui entoure les présumés corrupteurs depuis l'éclatement du scandale de la corruption en milieu judiciaire. Au point que des voix dont la dernière fort remarquée de Doudou Wade, président du Groupe parlementaire libéral à l'Assemblée nationale, se font de plus en plus fortes à ce sujet. Mais un coin de ce voile nébuleux d'impunité est levé par les circonstances secrètes qui ont déterminé Djiby Ndiaye à enregistrer Aminata Mbaye à son insu et contre son gré. Un contexte au cœur duquel se trouve, quoiqu'à son corps défendant, le président du tribunal régional Demba Kandji, et ce avant même l'éclatement du scandale au grand jour.

Tout est parti de la tournure dangereuse pour Momar War Seck de son procès avec Mouhamet Guèye, une audience où rien n'indiquait que le présumé auteur d'abus de confiance allait s'en sortir comme déjà promis par l'avocate générale Aminata Mbaye, alors que l'ex-pensionnaire de l'immeuble Elimane Ndour était en Allemagne. De retour de voyage et mis aux mauvaises senteurs du dossier de son ami, Djiby Ndiaye s'en ouvre alors au président Demba Kandji, ès-qualité de supérieur hiérarchique de Malick Lamothe en charge de vider l'affaire alors en délibéré. L'entremetteur qui étale les termes du deal avec Aminata Mbaye dans le bureau du président Kandji. se voit rétorquer par ce dernier, sans doute par réflexe professionnel du juge pénal qu'il est, que ‘des accusations aussi graves ne peuvent être portées sans preuves ou commencement de preuves’. Encouragé par cette réponse que des sources judiciaires n'hésitent pas de qualifier de ‘très suggestive’, laquelle vaut d'ailleurs au président Kandji une animosité en haut lieu, Djiby Ndiaye décide alors de retourner chez Aminata Mbaye, mais cette fois avec son matériel d'enregistrement, pour fournir au juge Kandji ses preuves irréfutables.

L'on voit, en tout cas, dans la témérité d'un procédé aussi répréhensible, le caractère décisif de la rencontre du gérant Ndiaye avec le juge Kandji. Voilà qui explique en tout cas le temps jugé par d'aucuns de ses pairs ‘anormalement long’ mis par Demba Kandji entre le moment où il était mis au parfum de l'affaire et le moment où il a saisi la hiérarchie. Au point qu'il était question, à un moment donné de la procédure, de le faire auditionner par l'Igaj, pour y voir plus clair dans cette attitude ‘troublante’. Mais c'était sans compter avec la recherche par Djiby Ndiaye de ses preuves. L'ex-gérant du groupe Futurs Médias était, en effet, tellement pressé de mettre quelque chose sur la table du juge que le contenu de l'enregistrement n'est en fait qu'un résumé ou rappel de son premier tête-à-tête avec sa ‘victime’ d'avocate générale, l'important étant pour l'‘espion’ corrupteur Ndiaye de tirer quelques vers, si petits soient-ils, du nez de la pauvre magistrate. C'est ce qui explique en effet les allures d'interview de la conversation entre les deux protagonistes. L'essentiel pour Djiby Ndiaye étant de décrocher sa ‘mise au point’, après son voyage comme il le dit dans l'enregistrement, mais à l' ntention du juge Kandji. D'où l'énervement, à un moment donné, de la conversation d'une Aminata Mbaye qui s'est sentie ‘défiée’ et vexée par les nombreuses questions, voire le ton inquisiteur de son interlocuteur dont elle ne soupçonnera toutefois rien du modus operandi.

La suite, on la connaît, sauf que pour régler des comptes, la diffusion publique de l'enregistrement a été orchestrée en haut lieu. Il se dit même qu'un patron de presse a été éconduit, après avoir mis sur la table une lourde enveloppe pour l'obtenir, mais n'avait pas la confiance de ses interlocuteurs.

Il est clair qu'en cas de suites judiciaires de l'affaire, tous ces éléments ne manqueront pas de refaire surface car les circonstances et les raisons de l'enregistrement constituent une question incontournable d'un procès pénal.