Samedi 27 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Societe

CIREUR, VENDEUR DE JOURNAUX, MARCHAND DE « CAAF », LAVEUR DE VOITURES… Ces petits boulots mal cotés qui, pourtant, rapportent gros

Single Post
CIREUR, VENDEUR DE JOURNAUX, MARCHAND DE « CAAF », LAVEUR DE VOITURES… Ces petits boulots mal cotés qui, pourtant, rapportent gros
«Il n’y a pas de sot métier», a-t-on coutume de dire. Mais bon nombre d’individus préfèrent tirer le diable par la queue et restent sans travail que de faire de petits boulots. Cireur, vendeur de journaux, vendeur de « caaf » (arachide grillée), laveur de voitures, vendeur de fruits et autres sont aujourd’hui de petits boulots qui nourrissent pourtant leur homme. En attestent les témoignages de quelques «xosluman» (débrouillards) que nous avons rencontrés dans ce reportage. Cependant, force est de reconnaître qu’il est extrêmement rare de voir, au Sénégal, des jeunes issus des villes s’adonner à ce type de travail. Si les jeunes citadins disent que «ces boulots ne permettent pas d’avoir une vie correcte», leurs compatriotes qui sont issus des zones rurales font le contraire et ne se plaignent pas outre mesure.

Baïdy Bâ habite Galoya, un patelin du Fouta. Agé de 21 ans, il avait en charge de faire paître le troupeau familial dans la forêt jusqu’à l’âge de 16 ans. Ensuite, il a choisi de débarquer à Saint-Louis pour s’adonner au métier de cireur de chaussures. Pour lui, son nouveau travail l’aide à survivre et à amasser beaucoup d’argent pour lui permettre d’en garder un peu. «Il est vrai que c’est un métier difficile, mais je ne me plains pas et je n’envie personne. C’est un métier qui me permet de régler mes problèmes et j’arrive à mettre de l’argent de côté pour pouvoir faire autre chose», nous a confié Baïdy. Pour ce jeune homme qui s’apprête à convoler en justes noces avec sa fiancée restée au village, le métier de cireur est très rentable. «Il m’arrive de descendre le soir avec 6.000 francs. J’ai des clients qui me sollicitent pour faire briller leurs chaussures à 50 francs pièce, d’autres viennent pour poser des patins ou coudre une chaussure et ils me donnent au minimum 2.000 francs. Il y a des jours où les clients se font rares, mais je m’en sors quand ça craint. Je parviens quand même à avoir entre 800 et 1500 francs. En tout cas, j’arrive à me payer à manger et surtout à mettre un peu de sous de côté pour participer au paiement du loyer de la chambre que je partage avec trois autres collègues. Chacun verse 2500 francs car le loyer s’élève à 10.000 francs. À la fin du mois, je me retrouve souvent avec une somme supérieure à 60.000 francs. Après avoir effectué mes dépenses et envoyé un peu de fric au village pour appuyer mes parents, je garde de quoi acheter des bœufs pour le jour où je demanderai ma fiancée en mariage». Moussa, lui, est vendeur de journaux. Dans son kiosque, on y trouve tous les journaux nationaux et les magazines d’ici et d’Europe. Agé de 25 ans, Moussa nous livre les secrets de ce métier qui lui a permis de bien gagner sa vie. Au début, il avoue que c’était difficile. Mais selon lui, depuis que les parutions ont augmenté, il gagne presque 5.000 francs par jour. «J’ai des abonnés et si je vois ce qu’ils me versent mensuellement, je me retrouve avec 60.000 francs sans compter ce que j’amasse au quotidien. Ce métier me permet d’être au diapason des nouvelles de mon pays, mais aussi me permet de vivre correctement. Je n’envie pas un instituteur, encore moins un médecin ou même un bureaucrate. Eux, ils perçoivent à la fin du mois alors que moi, je gagne de l’argent au jour le jour. Ce sont les journalistes qui me font vivre et je prie pour qu’ils publient des informations qui me feront vendre tous mes journaux». Sidate, quant à lui, n’a que 18 ans et il a choisi le métier de laveur de voitures pour gagner sa vie. Casquette vissée sur la tête, il fréquente la gare routière de Saint-Louis. Selon lui, ce métier est réservé aux jeunes qui ambitionnent de devenir chauffeur un jour. Une sorte d’apprentissage qui permet de rester en contact avec les chauffeurs professionnels qui, non seulement, les sollicitent pour laver leurs bagnoles, mais également leur apprennent à conduire. «Le métier de laveur de voitures est un passage obligé pour tout jeune qui fréquente la gare routière. Quand tu débarques ici, ce qui n’est pas donné à tout le monde car il faut que tu sois recommandé, les anciens te prennent en charge sous leur aile protectrice et te confient des voitures à laver monnayant 500 francs. Quelquefois, je gagne presque 3.000 francs par jour et l’argent, c’est pour ma bouffe et pour mes autres besoins primaires. Le rêve de tout laveur de voitures, c’est d’avoir un permis de conduire et pour arriver à notre fin, nous mettons de l’argent de côté». Sidate ne se plaint pas puisqu’il nous a confié que l’argent obtenu à la sueur de son front lui permet d’offrir des cadeaux à sa copine et payer des fringues. « Si je mets la moitié de ce que je gagne de côté, il m’arrive d’avoir 30.000 francs. Je n’ai pas de problèmes pour payer des mèches ou des vêtements à ma copine. Je m’achète des habits neufs et je donne même à mes amis qui vont à l’école de quoi se payer des petits gadgets. Cela fait deux ans que je fais le boulot de laveur de voitures, mais dans deux ans, j’aurais de quoi passer mon permis de conduire et un jour j’aurai un véhicule à ma disposition pour gagner plus d’argent et fonder une famille».

Complexe

C’est par pur complexe que bon nombre de jeunes ne veulent pas faire ces boulots et préfèrent rester chômeurs. Pathé Ndiaye, 35 ans, fait partie de ces gens. «Vous pensez que pour travailler, je vais me rabaisser pour devenir cireur ou laveur de voitures ? Il n’est même pas question que je le fasse. Je préfère être entretenu par mes parents. Qu’est-ce que ces petits métiers peuvent me rapporter? Certes, je n’ai pas fait des études poussées, mais je suis un bon Saint-louisien qui est né dans une ville. Et puis, je n’imagine même pas ce que les gens que je connais vont penser de moi quand ils me croiseront dans la rue». Pour lui, ces métiers sont réservés aux gens qui viennent de la brousse et qui prennent la ville pour leur eldorado. «Vous savez, tous ces gens qui font ces petits boulots ne sont pas des citadins. Ils viennent tous de la campagne et ce qu’ils gagnent peut leur suffire largement. C’est comme si moi j’étais en Europe : il y a des boulots que les Européens ne feront pas pour rien au monde et qu’un type comme moi ferait volontiers. C’est comme le gardiennage, la plonge, etc…. . En ville, tout est cher. Ce qu’on gagne en faisant ces petits boulots est insuffisant pour aspirer à une vie décente. Moi je préfère rester chômeur à vie que de faire ces boulots». Kiné Fall est elle aussi sans emploi, mais si vous voulez la mettre en colère demandez lui d’être une domestique. «Vous pensez que moi j’ai la tête d’une bonne. Je préfère me prostituer que de faire cela. Je suis issue d’une famille noble et les bonnes sont celles qui viennent des villages. Moi, je suis une citadine et je vois mal une fille comme moi faire la bonniche dans une maison où je peux croiser mes copines. C’est vrai quand même que j’ai énormément besoin de travailler, mais je ne ferai pas le métier de bonne. D’ailleurs, mon copain ne voudra pas». Mame Bassine, elle, ne se voile pas la face car elle est prête à embrasser le métier de domestique, mais pourvu que ses connaissances ne le sachent pas. «Je peux bien devenir bonne car c’est un métier qui rapporte beaucoup à Dakar, mais dans les régions, ce sont des salaires de misère qui ne suffisent même pas à une fille à se payer des effets de toilette. Si je rencontre un célibataire qui cherche une fille pour s’occuper de sa maison, je lui propose mes services car je sais que je pourrai gagner jusqu’à 50.000 francs. Mais, je ne souhaite pas que mes amies le sachent car ils vont se moquer de moi et, mieux, les gars qui me fréquentent ne vont pas me respecter et ne voudront pas m’épouser. Je vais vous raconter une histoire : une copine à moi a vu son copain la larguer car elle s’était fait engager comme bonne ! Pour vous dire que c’est un métier qui n’est pas fait pour nous qui avons vu le jour en ville».

Les parents indexés

Il est rare de trouver un jeune citadin en train de laver une voiture, cirer les chaussures de citadins, être apprenti chauffeur ou encore domestique. Pourtant, ces boulots délaissés font vivre leur homme, permettent de fonder une famille et aident à vivre correctement sans avoir besoin de quémander. Le paradoxe c’est que la plupart de ces jeunes cherchent un visa pour aller gagner leur vie en Europe ou en Amérique ou bien même qui s’embarquent dans des pirogues de fortune au risque d’y perdre leur vie. Une fois dans ces pays, ils exercent des boulots plus dégradants que ceux qu’ils refusent d'exercer dans leur pays d’origine. Et dans ces nations nanties, ils s’adonnent à ces petits boulots sans rechigner. Il est cependant vrai que les salaires qui leur sont offerts sont supérieurs à ce qu’on propose ici, mais l’argent n’a pas de couleur et il faut savoir vivre avec ses moyens. Comme disent les Wolofs, «ligeey bu barkeel moo gen alal». «Tous ceux qui attendent de quitter leur pays pour faire ces boulots sont des complexés et ils doivent savoir qu’il y a des gens qui font ces boulots et qui ont construit des maisons et se sont payé un luxe insolent dans leur foyer. Ce sont eux qui, à force de persévérer, sont devenus de nouveaux riches. La vérité est que de nombreux jeunes citadins sont des fainéants et ils sont aidés par des parents qui les nourrissent et vêtissent de leur enfance à l’âge adulte. Des chômeurs de luxe qui, si pour manger, ils devaient travailler, n’auront pas ce genre de réflexion», pense Cissokho, un commerçant qui a débuté par le boulot de docker et qui, après 15 ans de métier, possède un grand magasin à Saint-Louis. Comme pour dire que pour arriver au sommet, il faut forcément passer par la première marche.



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email