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EX-PONT DE COLOBANE : Les récupérateurs se ruent sur le plomb au péril de leur vie

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EX-PONT DE COLOBANE : Les récupérateurs se ruent sur le plomb au péril de leur vie

Des femmes, des hommes, des jeunes filles et garçons ont érigé la recherche du plomb en un impératif de survie à la hauteur de l’ancien pont de Colobane. Depuis près d’une semaine, ce site fait l’objet d’une intense exploration et fouille par des habitants de certains quartiers de Dakar qui cherchent du plomb appelé « bétékh » en wolof.

Les usagers des cars « Ndiaga-Ndiaye » se poseront certainement la question sur la présence des nombreuses personnes en face de la gare routière de Colobane. Arrivés à cet endroit, un spectacle insolite s’offre à eux avec des hommes et surtout des femmes qui grattent rageusement le sol avec des pelles ou tout autre instrument de cet usage. Ni le bruit des véhicules passant sur l’autoroute, ni le regard interrogatif des passants ne parviennent pourtant à les détourner de leur préoccupation, ni les grosses nuées de poussière soulevées par des tracteurs et des Caterpillar en action sur l’autoroute.

Des familles investissent le site

Fatou Diatta, une femme d’un âge avancé, creuse sur les monticules noires de terre avec une pelle. Elle jette, l’outil pour plonger sa main dans le trou d’où elle tire deux petites lamelles de fer enrouillées et dit en wolof « Soukeyna vient voir si c’est ça ». La femme interpellée arrive, saisit les lamelles les retourne avant de laisser entendre : « non ce ne sont pas du « bétékh » ». Fatou Diatta est à sa première venue sur le site fourmillant de monde comme une ruche d’abeille. « J’ai appris dans la ville que les femmes se procurent du « bétékh » qu’elles revendent. Je suis venue pour tenter de gagner de l’argent », nous confie la dame. Depuis une semaine, ces gens dont la plupart viennent de la banlieue ont accouru à cet endroit, à la recherche de plomb ou « bétékh », comme ils l’appellent tous. Armés de leur tamis et de leur sac de riz vide, ils remuent et tamisent le sol noirâtre avant de déceler la matière. « Moi j’habite Thiaroye, je suis venu aujourd’hui quand j’ai entendu qu’il y avait du plomb à Colobane », indique Ismaïla qui semble lui-même étonné par ce spectacle auquel il fait face.

Accompagnée de ses deux filles, Seynabou Ndiaye en est à son deuxième jour de recherche de plomb. D’ailleurs, plusieurs jeunes filles et garçons sont sur les monticules de sable et fouillent. En contrebas, près des rails, deux vieilles mères assistées de leurs enfants tamisent le sable noire extrait des monticules. L’ambiance est colorée. En cette mi-journée, elle a rempli, à moitié son sac de cette précieuse matière. « Je suis ici avec mes filles parce qu’elles ne travaillent pas et je ne compte sur personne pour m’aider. C’est pourquoi dès que j’ai eu vent de ce travail, je n’ai pas hésité », soutient-elle sous un ton volubile. Situé entre l’autoroute et les voies ferroviaires, l’endroit présente des risques à bien des égards.

Mais, ces récupérateurs ne semblent pas s’en soucier, bravant les bulldozers présents sur les chantiers des travaux de l’autoroute et le train qui passe avec une grande vitesse sur la voie. Certains d’entre eux attendent que la locomotive soit à quelques pas d’eux pour se mettre à l’abri. Aussitôt après le passage du train, ils reviennent et occupent l’espace.

Le périmètre qui surplombe l’autoroute était le lieu où les habitants de Colobane jetaient et brûlaient les caisses de batterie hors d’usage, de l’avis de certaines personnes. La noirceur du sol témoigne de cet ex-cimetière de batteries.

Tenaillé par une conjoncture économique défavorable, ces populations ont fini de trouver une alternative à une paupérisation galopante. « Je ne veux ni voler, ni tendre la main pour demander, explique Aminata Badiane, originaire de Thiaroye. Et pour joindre les deux bouts, je n’hésiterai pas à suer sang et eau ». Le courage en bandoulière, on tourne et retourne fébrilement la terre à la quête du précieux plomb. « Les temps sont durs, les denrées de premières nécessité ne sont plus à notre portée. Et nous sommes obligées de tirer le diable par la queue pour nous en sortir, car insiste Awa Diagne, la plupart des hommes ont pris les pirogues pour émigrer en Europe ». Une détresse morale et sociale qui transpire sur tous les visages. Et comme pour conjurer tout fatalisme, on ne rechigne point à la tâche. « Beaucoup d’entre nous vivent présentement aux crochets de leurs parents. Et ce n’est pas de gaieté de cœur, confie Aminata Badiane », assise à même le sol.

Si cette récupération de plomb est pratiquée par ces nombreuses personnes, c’est aussi parce que son commerce sert de gagne-pain à ces pauvres personnes. « Il y a des Indiens et des Pakistanais qui sont intéressés par ce plomb et ils nous achètent le kilogramme entre 150 et 300 francs Cfa », renseigne Habib, un jeune habitant à Pikine. Ces acheteurs seraient au marché de Thiaroye où ils attendent la livraison du produit par les récupérateurs.

La ruée vers le plomb

Devant la présence de l’argent, les récupérateurs minimisent les effets nocifs du plomb sur la santé de l’individu. « Nous savons bien qu’on est exposé à des maladies, reconnaît Diouma Mbaye, une jeune fille en sueur. Mais, comment faire si on ne trouve pas de travail et qu’on a des besoins à satisfaire. C’est peut être une alternative à notre manque d’emploi ». Aussi, pour Assane, le fait de venir chercher le plomb lui fait beaucoup de bien. « A la maison, je ronge mon frein.

Je reste sur place sans faire d’activité, alors qu’ici il y a une ambiance de travail », soutient le jeune banlieusard.

Toutefois, avec les travaux de l’autoroute, ce lopin de terre où gît le « bétékh » sera bientôt rasé par les engins. En attendant, les banlieusards profitent du temps qui leur reste pour remplir les sacs de ce minerai qui peut leur faire amasser une modeste somme d’argent.

IDRISSA SANE, MAGUETTE NDONG et MASSIGA FAYE



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