Focus sur « Souf Pont » : A la découverte de la vie cachée de Colobane

La réputation de Colobane était à ce point établie que peu de gens se doutaient que cette localité dakaroise considérée jadis comme un repaire pour «durs à cuire» et bandits de tout acabit, puisse être à l’origine d’une transformation sociale vertueuse. « Souf Pont», un quartier spontané, en est la preuve patente.
Situé après le pont de Colobane comme son nom l’indique en wolof, « Souf Pont», un quartier plus que populaire, intrigue par ses nombreuses baraques servant à la fois d’habitations et d’ateliers, à côté d’une ligne de chemin de fer contournant les lieux.

Aux premières heures du jour déjà, cette partie oubliée de Colobane se réveille à la vie en même temps que le marché du même nom, qui a fait de cette partie de Dakar un lieu réputé pour toute sorte de commerce. Produits haut de gamme, friperie, recel et écoulement d’objets volés, tout cela a fait de Colobane un paradis pour un enfer.

Sur place, la chaleur d’étuve qui s’est imposée avec la saison des pluies, rend encore plus insupportable la fumée piquante dégagée par la plupart des ateliers trouvés là. « Souf Pont », pour ceux qui ne savent pas, est un haut lieu du métier de la forge, d’où sortent marmites et autres ustensiles produits en quantité industrielle, grâce à l’apport d’une main d’œuvre constituée pour l’essentiel d’enfants.

«J’ai abandonné les classes. Puis mes parents m’ont amené ici pour apprendre ce métier. C’est un travail difficile, c’est vrai, mais je parviens aussi à  gagner quelque chose pour les aider», déclare Saliou Diop,  treize ans, les yeux rougis par la fumée et le front couvert de sueur.

«J’ai deux enfants qui travaillent ici. D’après leurs parents, ils ont abandonné  les classes. C’est la raison pour laquelle ils les amènent ici pour apprendre le métier», a expliqué Lamine Diatta, propriétaire d’un atelier.

Que ces enfants relèvent d’un échec scolaire ne parvient tout de même pas à faire oublier la pénibilité du métier qu’ils font, avec tous les risques que cela peut comporter pour la santé de ces jeunes apprentis notamment.

« J’ai l’habitude maintenant. Tout au début, j’avais énormément de problèmes à cause de la chaleur, mais aussi le rythme de travail. Mais aujourd’hui, je me suis familiarisé. C’est un travail à la limite physique pour ce qui concerne en particulier le transport de la moule et la manipulation de la machine à bouffée d’air», souligne Ibrahima Seck, quinze ans.

Après l’étape de la fonte et du moulage, le travail  qui consiste à rendre les couches (intérieure et extérieure) des marmites plus lisses est souvent réservé aux apprentis, et donc aux enfants. Il s’agit dans cette ultime partie de la chaîne du travail, de rendre le récipient
métallique le plus lisse possible à l’aide d’un petit morceau de fer, avant de l’exposer à la vente

«C’est comme une tradition », explique le propriétaire d’un atelier en parlant de cette dernière étape du travail réservée aux enfants. « Mais à force de l’exercer quotidiennement, on s’y habitue», précise-t-il.

«Souf Pont» devient avec le temps un quartier digne de ce nom, en dépit de sa forte concentration de population, qui n’empêche pas que ses habitants soient occupés, pour s’en sortir, par divers métiers : mécanique auto, fabrication d’ustensiles de cuisine, vente de pièces détachées, de produits alimentaires, restauration etc.