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HAUSSE DU PRIX DU SUCRE : La ménagère débourse 12 francs de plus, la Css encaisse des milliards

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HAUSSE DU PRIX DU SUCRE : La ménagère débourse 12 francs de plus, la Css encaisse des milliards

Perché sur son tabouret au milieu des boîtes de conserves de tomate, petit-pois, moutarde, sacs de riz, de pomme de terre, d’ail...Mbaye Fall, grossiste au marché Castor est presque indifférent à l’annonce de l’augmentation du prix du sucre. La hausse est de 12 francs sur le kilogramme. Avec un haussement d’épaules, il se lève paresseusement pour tourner le bouton du ventilateur plafonnier et lance : « de toutes les façons, le sucre, nous autres commerçants, n’y gagnons pas grand-chose. Nous le vendons parce que nous ne voulons pas qu’un client se présente dans notre magasin, qu’il prenne son ravitaillement du mois en lait, détergent, tomate, riz, etc, et que nous lui disions qu’il n’y a pas de sucre ». Le sac de 50 kg de sucre en poudre, explique-t-il est acheté à 23.350 francs. « Sur les 50 kg, nous n’avons que 150 francs. Vous voyez à quel point c’est dérisoire, comme bénéfice ? ». La « grosse » de sucre qui fait cinq paquets d’un kilogramme chacun, leur revient à 2.600 et est revendu à 2.650 ou 2.700 francs. Le paquet d’un kilogramme revient 550 francs au consommateur, avec une marge bénéficiaire de 150 francs. « Si nous vendons le sac en poudre par détail, c’est souvent à perte ». Puisque l’augmentation n’a été annoncée que dans la matinée d’hier, lundi 26 juin, Mbaye Fall qui a encore du sucre dans son stock, ne va hausser le prix. « En fonction du nouveau prix, je vais mettre mon bénéfice de 25 francs sur le kilogramme, mais ce sera à partir du prochain stock. Depuis ce matin, je vois des gens passer avec des sacs de sucre. On a déjà connu cette situation. Ils vont garder la marchandise pour vendre avec le nouveau prix, mais je trouve cela malhonnête ».

Les coudes sur les plateaux de la balançoire, Oumar Fall, commerçant, a un souci majeur : satisfaire le client. « Ce n’est pas nous qui décidons du prix, mais la compagnie sucrière doit nous livrer de la marchandise de qualité. Des fois, lorsque nous ouvrons les sacs de sucre devant les clients, ils sont étonnés par la couleur et nous demandent même si nous avons pris le soin de bien refermer le sac, tellement la qualité du sucre laisse à désirer. Quel que ce soit le prix, nous ne pouvons que mettre le bénéfice en fonction du coût de vente ».

Si des commerçants comme Mbaye et Oumar Fall se frottent les mains sans avoir l’air d’y toucher en jouant les indifférents, Coumba Seck, femme au foyer, déverse sa colère : « métina ba fa méti meuna yaw ( c’est dur à l’extrême). Nous n’avons même pas de quoi assurer les trois repas quotidiens et l’on profite de toutes les occasions pour augmenter les denrées de première nécessité. Ce qui me fait le plus mal, c’est qu’ils doivent se dire que nous n’avons pas le choix et que de toutes façons, même si nous râlons, nous allons acheter ». Comme pour témoigner de son mépris, elle termine ses propos par un jet de salive sur le sable et remet son cure dent entre ses lèvres.

Assise à l’entrée de son domicile, fourneau, cafetière, et un tas d’ustensiles de cuisine devant elle, Kiné Fall, vendeuse de café Touba et de beignets ne sait plus où donner de la tête. « Ils n’ont aucune pitié. J’ai besoin du sucre pour mon commerce. J’en utilise un à deux paquets par jour. C’est avec ce gagne-pain que je nourris ma famille. Si on augmente le sucre, je vais forcément gagner moins. C’est injuste ! ».

En digne fille de « niannguène », Coumba, vendeuse de friperie se fait de la bile pour son petit-déjeuner. « Après le pain, c’est le sucre », se lamente-t-elle, « c’est vraiment trop ». Sur un ton chahuteur, Mor Dieng, le taximan qui se tient à côté d’elle sur un banc, réplique : « Nous sommes dans l’air de l’augmentation. Avec le Vieux, damay niafé rek, douma ragal dara » ( je me bats, je n’ai peur de rien).

Chargée de communication dans une entreprise de la place, Mme Djoum, venue faire ses courses au marché Castor, ne veut pas paraître incorrecte, mais une hausse de 12 francs sur le kilogramme, ce n’est pas le genre de nouvelle à lui donner une insomnie. « Je ne veux pas dire que je m’en f..., mais. D’ailleurs, chez moi, on ne consomme que trois paquets par mois. Mon vendeur vient de me dire que ce que je prends est importé. Il coûte 3500 le kilo alors que le paquet de la Css est à 2650 francs, ce n’est pas pour faire la snob... ».

Pour reprendre littéralement un proverbe wolof, « on ne va au marché qu’avec ce qu’on a dans le panier », n’est-ce-pas ?

COMMENTAIRE : Com d’hab, avaler la pilule et la boucler !

Douze francs dans le panier de la brave ménagère Sénégalaise, pour une misérable boîte de sucre « brun », ce n’est incontestablement pas la mer à boire ! Allons donc, comme d’habitude, prenons un peu de « khessaw », avalons la pilule et bouclons-la. Seulement, même si on n’a jamais été les premiers de la classe en maths, 12 francs, multipliés par 12 millions de kilogrammes, qui constituent la consommation annuelle du Sénégal en sucre, ça va chercher dans le milliard 400 millions. C’est désormais le « petit » bénéfice que va s’offrir la compagnie sucrière sénégalaise (Css). Sans avoir l’air d’y toucher, les commerçants disent, de toutes façons, ne presque rien gagner du sucre. A d’autres ! Les pauvres ménagères râlent, mais se résignent déjà à l’inévitable. Comme d’habitude, les associations de consommateurs montent sur leurs chevaux, mais ne vont pas trottiner plus loin que le commissariat le plus proche de leur domicile. C’est cela le Sénégal. Au fait, qui disait que nous sommes des mollassons ?

REACTIONS...

« La compagnie sucrière sénégalaise a prétexté la hausse des produits pétroliers pour justifier cette nouvelle augmentation, elle raconte des histoires », s’offusque d’entrée Moustapha Lô, président de l’Unacois Def. La preuve, argue-t-il, il y a quelques mois, nous n’étions pas dans cette situation, pourtant, les consommateurs n’en ont jamais profité. Et le syndicaliste de se lancer dans un rappel historique : « en 1972, le gouvernement sénégalais a signé une convention avec la compagnie sucrière sénégalaise. Dans le journal officiel, il est explicitement dit que le gouvernement s’engage à accorder le monopole du sucre à la Css pendant 5 ans, à condition qu’il n’y ait pas de pénurie. En échange, la compagnie ne paie que le franc symbolique pour les terres et l’eau. A l’époque, les 3 millions de sénégalais n’avaient besoin que de 55.000 tonnes de sucre par an. Au bout de 34 ans, nous en sommes à 120.000 tonnes par an et la Css ne remplie pas sa part du contrat, pourtant, on lui laisse le monopole. La Mauritanie et la Gambie ne sont pas dans ce cas. S’ils se permettent d’augmenter, c’est qu’il sont seuls à produire du sucre. Ce qu’il faut, c’est libéraliser le secteur, mais bien entendu avec une protection tarifaire ».

L’Union nationale des consommateurs du Sénégal (Uncs), par la voix de son président, Jean Pierre Dieng, n’y va pas par quatre chemins et appelle à la mobilisation générale et à la descente dans les rues. Pour dire à quel point la pilule est dure à avaler, M.Dieng fait un bref calcul : « Il faut multiplier par 120 millions le kilogramme de sucre par 12 francs pour avoir une idée du bénéfice que la Css se fait avec cette hausse ». Les responsables de la Css, qui sont de fins psychologues, selon M. Dieng, « savent que les sénégalais ne vont rien dire. Avant d’augmenter, ils ne leur demandent même pas leur avis. Si nous laissons passer cette hausse du sucre sans réagir, il faut qu’on s’attende à toutes les augmentations possibles et imaginables. « Députés, syndicalistes et tous les citoyens, doivent unir leurs forces pour se battre contre cette augmentation. Sinon, c’est fini, c’est la mort pour tous les Sénégalais ! ».



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