L'Etat du Sénégal en 2022 avait décidé d'harmoniser la lutte contre l'émigration irrégulière à travers l'élaboration d'une Stratégie nationale de lutte impliquant l'ensemble des acteurs évoluant dans ce domaine. La validation de cette stratégie, prévue ce jeudi 27 juillet, coïncide avec une reprise du phénomène dont les causes ont été étudiées par les experts du Comité interministériel de lutte contre l'émigration clandestine (Cilec). Répondant aux questions de Seneweb, le chef de la division communication du Cilec entrouvre quelques conclusions de ces experts tout en donnant les principaux axes de la stratégie nationale de lutte contre l'émigration irrégulière.
Une trentaine de morts ont été enregistrées en l’espace de quelques semaines au Sénégal à cause de l’émigration irrégulière. Peut-on parler de recrudescence du phénomène ?
L’évidence est là, il y a un regain d’activité de départs de pirogues pour l’émigration irrégulière. C’est l’occasion de rendre un vibrant hommage à nos vaillantes forces de défense et de sécurité (Police nationale, Gendarmerie nationale, Marine nationale et Armée). Toutefois, d’après le rapport annuel du CILEC, transmis aux autorités pour le compte de l’année 2022, c’est une situation que le Sénégal expérimente depuis quelques années à cette même période de l’année au regard d’une climatologie plus clémente et donc de conditions de voyage plus favorables comme corroboré par les différentes statistiques. Je précise encore une fois que les migrants interceptés sont de diverses nationalités subsahariennes.
L’Onu, outre les problèmes d’économie, avaient prévenu que le phénomène allait s’amplifier à cause du climat. Doit-on pour autant rester fataliste ?
Fataliste, certainement pas mais il y a de quoi s’alarmer et analyser froidement ce qui se passe. Scientifiquement, il est prouvé que le réchauffement climatique a des incidences sur les modes de vie des populations et j’en veux pour preuve l’année de la « grande sécheresse » laquelle a été également l’année du plus fort taux d’exode rural donc vous voyez que le phénomène des migrations des populations remonte dans le temps et l’histoire de notre pays. Nous pouvons et devons infléchir la courbe, oui je suis convaincu que l’on peut faire estomper ces vagues et les endiguer.
Avez-vous une cartographie et une sociologie pour identifier d’où viennent les candidats à l’émigration ?
Durant le processus d’élaboration de la stratégie nationale de lutte contre la migration irrégulière, nos prospections nous ont permis de cerner les causes profondes de la migration, d’en identifier les différents acteurs et de pouvoir établir une cartographie des zones de départ. Tout ceci est bien compilé dans la SNLMI et c’est ce qui la rend SMART. Cependant, rien n'est figé et les sociologues vous le diront, il y a des aspects ou facettes de l’homme qu’on ne saurait cerner.
Comment expliquer le fait que des rescapés reprennent quelques fois l’aventure tout en ayant conscience des risques encourus?
Cela confirme mes derniers propos toutefois en réflexion avec des praticiens, des acteurs confirmés dans le domaine sous l’impulsion de l’OIM, nous avons décelé des facteurs sociaux, économiques, culturels et personnels. Parmi ces facteurs, il est revenu à maints égards celui lié à la pression sociale de la société sur les jeunes : Kholal diw dé tekina, dom ju gor dafay am jom.
L’autre tandem est la désinformation du jeune tant par les réseaux sociaux, « les jeunes arrivés à l’eldorado ». Il nous faut agir sur ces leviers pour déconstruire dans la mentalité collective et celle des jeunes
Quelles sont les grandes lignes de la stratégie nationale de lutte contre la migration irrégulière qui est lancée ce jeudi?
Le document stratégie tourne autour de cinq (axes) à savoir (i) la prévention, (ii) la gestion des frontières, (iii) la répression, (iv) les mesures d’appui et de protection des migrants, (v) le retour et la réinsertion.
La stratégie de lutte contre la migration irrégulière (SNLMI) couvre une période de dix ans 2023-2033 et son Plan d’actions opérationnel est établi pour 2 ans, 2023-2025.
Au vu des indicateurs susmentionnés, du cadre juridique et institutionnel d’encadrement de l’activité migratoire on peut être fondé à dire que le Sénégal est sur une bonne trajectoire pour l’atteinte de l’objectif d’une gouvernance migratoire étant entendu que des jalons restent à être posés surtout dans le domaine de la prise en compte de la dimension migration dans les politiques publiques de l’Etat et des collectivités locales.
Avec la validation politique de cette stratégie et son adoption en vue de son intégration dans la planification des politiques publiques, l’on peut affirmer que la prise en compte de la question migratoire est entrée définitivement dans une ère nouvelle et active pouvant laisser espérer à un endiguement de phénomène de la migration irrégulière au Sénégal.
4 Commentaires
Matar
En Juillet, 2023 (10:03 AM)Massogui
En Juillet, 2023 (10:27 AM)Participer à la Discussion