Ismaël LO : 'A chaque musicien sa façon de faire la politique '

Le meurtre du président du Conseil régional de Ziguinchor est un acte ‘lâche’. Pour le musicien, Ismaël Lô, qui fait cette déclaration, ces criminels doivent être punis. Dans cette partie de l'entretien à bâtons rompus, que nous avons eu avec lui, l'interprète de l'album Sénégal parle de la crise en Casamance. Ismaël Lô analyse, également, l'actualité au Sénégal, le phénomène de la piraterie, entre autres.

Les artistes et la crise casamançaise

Tout d'abord, je présente mes condoléances au peuple sénégalais. Parce que l'assassinat d'El Hadj Omar Lamine Badji est quelque chose d'atroce, de lâche. On ne peut pas le classer dans un contexte purement politique. C'est quelque chose qui nous attriste tous. Mais je pense que si c'est politique, ils n'ont qu'à laisser leurs intérêts de côté et œuvrer pour l'intérêt du Sénégal. Et si ce sont des séparatistes qui veulent que la paix ne s'installe pas en Casamance, je pense qu'ils seront démantelés.

J'apprécie la décision du président Wade qui offre une somme colossale pour pouvoir retrouver les assassins et les livrer à la justice. Nous autres musiciens avons toujours œuvré pour la paix en Casamance. Nous avons eu à donner des concerts dans cette partie du pays pour nous rapprocher des populations. Parce que j'ai vécu en Casamance pendant deux ans avec le Super Diamono. C'est en quelque sorte ma ville aussi. Nous allons continuer à faire passer des messages. Nous ne pouvons que sensibiliser toutes ces personnes à travers nos chansons.

Aujourd'hui, il y a des personnes qui circulent librement, qui disent qu'il n'y a plus rien en Casamance. Mais s'il y a des événements comme celui relatif à l'assassinat d'El Hadj Omar Lamine Badji, cela fait peur. Il faut que l'on refuse d'être intimidé par ces individus. Je prie le ciel pour que l'on retrouve ces criminels.

Les musiciens et la politique

chacun a sa manière de voir les choses. Si Alioune Mbaye Nder s'est engagé politiquement, c'est parce qu'il a senti la nécessité de le faire. Il en est de même de l'initiative de Youssou Ndour. A mon avis, tout un chacun a sa façon de mener sa campagne, même si on n'est pas politicien. J'ai une chanson qui est dans mon nouvel album Sénégal, qui s'appelle Manko, écrit depuis longtemps mais qui vient de sortir dans ce dernier album en 2006. Cette chanson arrive à son heure. Je pense que quoi qu'on puisse faire ou dire, il faut que les hommes politiques, quels que soient les leaders, œuvrent pour l'intérêt du Sénégal.

J'ai souvent constaté que les artistes et autres groupes de ce genre soutiennent chaque fois le parti au pouvoir. Parce que c'est souvent avec le pouvoir qu'on a plus de possibilités. Il y a certes des gens qui s'opposent aux tenants du pouvoir, mais ce sont des gens que l'on voit rarement. En ce qui me concerne, je suis de nature apolitique. Mon parti politique, c'est la musique. Et ma préoccupation demeure l'intérêt du Sénégal. C'est cela l'intérêt du peuple.

Audience de la communauté artistique avec le chef de l'Etat

Le porte-parole de la rencontre était Omar Pène. Nous avons décrit nos maux qui tournent autour de la piraterie, de la fiscalité qui nous éprouvent depuis des années. Tels sont les problèmes fondamentaux des musiciens. Chacun des autres corps de la communauté culturelle a parlé de ces maux. Le président Wade a promis d'aider les acteurs. Mais il a ajouté qu'il ne pourra pas aider tout le monde. Il le fera par rapport aux moyens dont il dispose. En outre, cette rencontre, qui était décontractée, m'a permis de voir quelques membres de la communauté culturelle. J'en étais fier.

Lutte contre la piraterie

J'ai participé au spot pour sensibiliser les populations sur le fléau de la piraterie. C'est aujourd'hui difficile, c'est atroce. Aujourd'hui, la piraterie, c'est investir des millions et voir un bonhomme assis en face de vous prendre ces millions-là en faire ce qu'il veut sans pour autant que tu ne puisses réagir. Tu ne peux rien contre lui. C'est aussi simple que cela. Je pense que ce sont des voleurs. Il y a des gens qui ne comprennent pas la portée de la piraterie. Et les pirates vendent nos cassettes sous nos yeux.

Tenez, un jour, je sortais de chez moi un peu après 8 heures, je me suis retrouvé face à deux vendeurs de cassettes piratées. Couchés devant ma maison, ils m'ont proposé d'acheter ‘leurs cassettes’. Et je leur ai demandé s'ils savaient ce qu'ils vendaient. Et quand ils se sont rendus compte que leur potentiel acheteur n'était autre que Ismaël Lô, ils ont avoué qu'ils n'avaient que des cassettes piratées. Je les ai laissé partir. Car, je ne pouvais pas prendre toutes ces cassettes et les détruire. Parce que ce n'est pas à moi de faire la loi. Certains comprennent l'ampleur de la piraterie. Et d'autres ne le comprennent pas. Peut-être c'est un moyen pour eux de gagner leur vie. Car ils achètent ces cassettes quelque part, parce que ce ne sont pas eux qui les fabriquent. Il faut essayer de démanteler le réseau qui les alimente.

Toutefois, je salue l'idée des autorités de créer une brigade spéciale pour lutter contre la piraterie. C'est déjà un grand pas. Signalons que la piraterie ne s'arrête pas uniquement au niveau de la musique, même s'il faut noter que le marché du disque est tombé presque à 40 %, à cause du téléchargement sur Internet.