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Joseph NDIAYE, 'je suis en train de vivoter'

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Joseph NDIAYE, 'je suis en train de vivoter'
Son histoire est intimement liée à celle de la Maison des esclaves de Gorée. Aujourd'hui, le Conservateur de ce «sanctuaire africain» semble être déçu par certaines autorités. Boubacar Joseph Ndiaye a mal et éprouve des difficultés à cacher sa souffrance. Et il est même amené à faire de réels aveux : «Je souffre beaucoup et je suis inquiet pour ma famille». Ce cri du cœur serait-il le sens qu'il faut donner à sa décision de se «livrer» à la presse, à ses compatriotes africains ?

Boubacar Joseph NDIAYE : C'est en somme une lettre que j'adresse ouvertement au chef de l'Etat pour attirer son aimable attention sur ma situation actuelle. Et pour le remercier encore d'avoir décidé mon acheminement sur Paris lors d'une grande maladie qui a nécessité une opération à cœur ouvert. Cela fait deux ans maintenant. Je sais que le chef de l'Etat s'intéresse beaucoup à Joseph Ndiaye et je lui en suis reconnaissant. Je l'en remercie au nom de ma famille et du peuple sénégalais. Le chef de l'Etat m'a par ailleurs accordé quatre audiences que j'avais moi-même sollicitées. Et c'était pour lui parler de ma situation administrative et, encore une fois, attirer son attention sur ma situation sociale. Malgré ses directives, malgré tout ce qu'il a dit à l'endroit de mes supérieurs hiérarchiques, rien n'a été fait. Je suis toujours sur le même terrain. Rien n'a bougé depuis plus de vingt ans.

Walfadjri : Qu'attendez-vous exactement des autorités ?

Boubacar Joseph NDIAYE : C'est l'amélioration de ma situation sociale. Autrement dit, qu'elles fassent que j'aie un contrat qui me permettrait de vivre comme les autres fonctionnaires parce qu'ils ne font pas plus que moi.

Walfadjri : Le contrat qui vous lie à l'Etat du Sénégal est donc tacite...

Boubacar Joseph NDIAYE : Oui, nous pouvons dire qu'il est tacite. Mais depuis plus de vingt ans, absolument rien n'a changé. Et j'ai horreur de raconter ma vie à qui venant. Non seulement cela ne me fait pas honneur, mais cela ne fait pas honneur à mon pays. C'est pourquoi, à chaque fois que l'on m'interpelle à l'étranger pour me demander si ça va, je dis oui ça va très bien. Et j'ai reçu toutes les décorations étrangères possibles. La dernière, c'est un titre de Docteur honoris causa que j'ai reçu à Paris en même temps que Mandela, il y a un an. Et cette distinction, je ne l'ai pas reçue main à main. Je l'ai reçue à l'issue de mon hospitalisation à Paris. Figurez-vous que je suis tombé en syncope à l'instant où je devais recevoir le titre. Et c'est parce que justement j'avais, bien avant de rentrer dans la salle, des idées noires. Intérieurement, je me disais que j'ai eu les plus grandes décorations de mon pays, de par le monde mais je vis encore en dessous de mon milieu social. Ce n'est pas normal. A la suite de ce malaise, j'ai été transféré à l'hôpital du Nord (à Paris) où j'ai séjourné pendant deux semaines. Et à mon retour sur Dakar, il m'est arrivé un jour de tomber pour faire deux heures dans le coma. Certains croyaient même que c'en était fini pour moi. J'ai été affaibli à force de penser à ma famille, à tous ceux que je laisserai derrière moi, malgré tout ce que j'ai fait non seulement pour mon pays, mais aussi pour l'Afrique. Il est vrai que j'ai reçu tous les honneurs du monde, mais on ne nourrit pas sa famille avec des citations. C'est pourquoi, j'attire l'attention du chef de l'Etat sur ma situation. Il m'a assuré s'en occuper, mais cela n'a pas suffi. Alors que j'ai honte que l'extérieur m'entende et j'aurais voulu que cela se passe en famille...

Walfadjri : C'est donc dans ce sens que s'inscrivait le gala qui a été organisé en avril 2004 à votre honneur...

Boubacar Joseph NDIAYE : Oui, parce que le promoteur, Ndiawar Touré, savait la situation sociale dans laquelle je me trouvais. Cela m'avait beaucoup aidé.

Walfadjri : La gestion de la maison des esclaves relève du ministère de la Culture. Comment les autorités dudit département appréhendent votre cas ?

Boubacar Joseph NDIAYE : Quand j'ai été reçu par le ministre de la Culture, Mame Birame Diouf, avec qui j'ai eu à travailler par le passé au niveau du ministère, il m'avait assuré avoir pris bonne note de mes attentes. Mais depuis lors, rien n'a suivi. Et cela fera bientôt un an.

Walfadjri : Si Joseph Ndiaye se retrouve aujourd'hui encore dans cette situation, qu'en sera-t-il de son successeur ?

Boubacar Joseph NDIAYE : La question est pertinente parce que nous dépendons du ministère de la Culture. A propos des critères pour le recrutement au poste de Conservateur de la Maison des esclaves, on cite, entre autres, le fait d'avoir le niveau du Baccalauréat, mais également la nécessité d'avoir une solide base en histoire. Au début, quand je décidais de m'occuper de la Maison des esclaves, des autorités de l'époque n'étaient pas très enthousiastes à l'idée. Je pense notamment à feu Jean Collin parce qu'il était Européen... Mais j'ai pu bénéficier du soutien des populations de l'île de Gorée pour être désigné Conservateur de la Maison des esclaves. En plus d'avoir vécu avec trois générations, j'ai pu suivre des stages en Europe. Et avec ces différentes expériences, j'ai toujours bénévolement servi mon pays. Depuis lors, je suis resté fidèle à ce sanctuaire. Je suis en train de vivoter. Il y a des hauts et des bas, mais je pense qu'il y a plus de bas que de hauts.



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