Jadis propre aux moins nantis, la friperie s’est quelque peu libérée de nos jours. Ces produits peu onéreux tendent aujourd’hui à s’imposer dans les habitudes vestimentaires. En effet, il n’est pas surprenant de croiser dans la rue une jeune fille bien mise dans un ensemble griffé, portant au bras un sac de grande marque avec une paire de chaussures haut de gamme, glané dans des bacs de fortune. Même les slips, soutiens, maillots de bain, nuisettes et autres que l’on ne trouvait que dans des magasins huppés sont disponibles dans ces marchés à ciel ouvert qui pullulent dans les recoins de Dakar. Au grand bonheur de la gent féminine qui se les arrache à force de fouille et de patience. Seulement ces vieilles nippes sales et parfois souillées sont à l’origine de beaucoup de maladies infectieuses chez la femme. Ce, du contact de leurs parties intimes avec ces sous-vêtements flétries...
«Fëg jaay», ce vocable qui renvoie aux fripes est bien connu sous nos tropiques, pour être l’apanage des Sénégalais en grand nombre. Alors qu’elle était d’antan réservée aux plus démunis, elle fait aujourd’hui l’affaire de tous. Mais surtout de toutes… En effet, la friperie a séduit le genre féminin qui se rue en masse vers les marchés de seconde main pour fouiller, choisir et marchander des articles qu’elles y trouvent. Une véritable chasse au trésor. Parmi ces trésors, les dessous, lingeries, maillots de bains sont les plus prisés. Les marchés hebdomadaires dans différents quartiers de Dakar et un peu partout dans la banlieue, telle la caverne d’Ali Baba, en disposent de larges variétés et gammes, pour tous les âges et toutes les bourses. On peut trouver de très belles pièces à force de fouille et de patience. La friperie n’est plus taboue. Elle est plutôt dans l’air du temps.
Des garde-robes complètes
Un petit tour au marché Colobane - en pleine ébullition - où acheteurs, vendeurs et visiteurs se confondent. Véritable point d’attraction des receleurs, il est, par excellence, l’endroit privilégié pour la vente de la friperie. On y trouve des vêtements de tout genre, pour adultes comme pour enfants. En somme, tout ce qui constitue une garde-robe complète: chaussures, pantalons, robes, jupes, chemises, tee-shirts, ceintures, chaussettes, dessous de vêtements etc… Pour la plupart, issus des soldes des magasins européens. Les jeunes filles, en clientes assidues, y font leurs emplettes et y trouvent aussi leurs comptes. Faudrait tout de même préciser que les friperies n’ont rien à envier aux plus grandes boutiques de la place. Aussi, il n’est pas étonnant de voir une donzelle sapée de la tête au pied de fripes. Et ceci à de vils prix. Ainsi, elles n’hésitent pas à courber l’échine pour trier pendant des heures des vêtements. C’est le cas de Fatou Bâ, une femme de ménage et non moins adepte de la seconde main. «Je prends mon temps pour trouver quelque chose de bien. C’est certes difficile, mais cela vaut le coût, car je trouve de belles choses, pas chères et surtout de qualité».
Les commerçants se frottent les mains
Même rengaine pour cette dame, la quarantaine sonnée, secrétaire de direction, surprise en pleine fouille devant un étalage de dessous. Toutefois, ses préoccupations sont d’un tout autre ordre. «Dans les marchés de fripes, on trouve de la lingerie non seulement de qualité, mais rare. Tu peux faire toutes les boutiques de Dakar, tu n’en trouveras pas pareil. C’est l’idéal pour nous les femmes mariées qui sommes préoccupées par le désir de plaire à nos maris». La friperie est, pour beaucoup de personnes, un lieu où les prix sont au rabais, mais c’est également le reflet de la mode. Selon Maguy, une jeune ressortissante de la Côte d’Ivoire, il y a un large choix des dernières tendances. «Avec l’été qui approche à grands pas, on peut y marauder les maillots de bains dernier cri et faire des ravages dans les plages», souligne-t-elle. C’est d’ailleurs ce que la majeure partie des vendeurs de lingeries, maillots et autres nous ont confirmé. «Nos plus grandes clientes sont des demoiselles. Elles se les arrachent comme des petits pains. Il peut même arriver que certaines de nos clientes nous laissent leurs numéros pour que quand il y a de nouveaux arrivages, qu’on les prévienne». Comme qui dirait que la friperie marche fort. Mais ces femmes sont-elles conscientes qu’elles s’exposent à des risques probables d’infections?
Les fripes, un nid de germes pathogènes
Selon le docteur Albert Manga, gynécologue accoucheur, «les fripes - si elles ne sont pas lavées avec de la lessive et de l’eau chaude de préférence, si possible exposer aux rayons du soleil et repasser ensuite - présentent des risques d’infections. En plus d’être des dessous de seconde main, elles sont exposées à terre, ainsi la poussière et les germes pathogènes (microbes) peuvent facilement s’y greffer. Et le simple contact du linge sale avec les parties intimes peut engendrer des infections généralement appelées candidoses ou champignons. Ces derniers fragilisent l’appareil génital et, pire, ils sont le nid d’autres germes sources de maladies».
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