Magal 2009 : La capitale se vide de son monde

La ville de Touba s’apprête à accueillir de nombreux fidèles marque le départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba Khadimoul Rassoul. La ville sainte va grouiller de monde venu boire à la source du savoir du fondateur de Touba, dont les millions de pèlerins entendent commémorer le départ en exil. Un voyage qui leur a été bénéfique et dont ils veulent savourer les bienfaits. Ainsi donc pendant une journée, Touba va vibrer au rythme des «khassaïdes», des réjouissances et d’actions de grâce. Contrairement à la capitale dakaroise qui va se vider, au fil des jours, de sa population.

Origines du mot «Magal»
Magal est un terme wolof qui signifie rendre hommage, célébrer, magnifier. Le Magal consiste donc en actions de grâce rendues au Seigneur. Dans la communauté mouride il existe différents magals mais la plus grandiose de toutes ces commémorations est assurément le Magal de Touba du 18 du mois lunaire de Safar, qui porte l'appellation de «Grand Magal de Touba». En recommandant aux musulmans de commémorer le Magal de Touba, Cheikh Ahmadou Bamba a voulu les convier à des actes de gratitude à l'égard de Allah qui, par la satisfaction de ses ambitions spirituelles, a permis le renouveau de l'Islam (notamment, au Sénégal, face à l'agression coloniale). Le Sénégal de la fin du 19e siècle était soumis à la colonisation française qui, entre autres, ambitionnait d'évangéliser la nouvelle colonie. Cheikh Ahmadou Bamba reçut alors d'Allah la mission de réhabilitation de l'Islam, non par la prise des armes mais par une action sur les consciences. Ce pacte que le Cheikh scella avec le Seigneur (le pacte de Darou Khoudoss) devait se traduire par une somme d'épreuves, de souffrances et de peines à endurer. La contrepartie de cette mission devait être la satisfaction de toutes ses ambitions en grades et en stations spirituelles auprès du Seigneur.
Les nombreuses épreuves inhérentes à son destin ne sauraient cependant atteindre Cheikh Ahmadou Bamba tant qu'il resterait à Touba qui est sous la protection de la toute-puissance divine. C'est ainsi que le Cheikh quitta Touba pour se fixer dans le Djolof MBacké Baary. C'est non loin de là, à Djéwal que le Cheikh rencontra l'autorité coloniale.

Les motivations d’une célébration
Le Cheikh fut arrêté et exilé pour ses convictions religieuses. Durant les sept années consécutives passées en exil (au Gabon), puis le quinquennat de sa déportation en Mauritanie, puis les cinq autres de résidence surveillée au Djoloff et durant toutes les années qu'il demeura à Diourbel quand revenait le jour anniversaire de son pacte avec Allah, le Cheikh endurait des épreuves de plus en plus vivaces. C'est seulement lors du séjour de Diourbel qu'un jour, alors qu'il attendait les mêmes épreuves et les mêmes souffrances avec la ferme intention de les endurer, que notre Seigneur lui prodigua son ordre, lui faisant savoir que les épreuves sont désormais terminées. Les dons prodigieux que le Seigneur lui accorda interpellent à son niveau une action de Grâce à rendre à Allah et aussi à Son Prophète. Il appela alors tout le monde, leur fit part de cela et leur dit : «Quant au Bienfait qu'Allah m'a accordé, ma seule et souveraine gratitude ne le couvre plus. Je demande à celui qui en a les moyens de s'associer à moi dans l'action de Grâce que je rends à mon Seigneur (Magal). Il m'a en ce jour exaucé au point que j'y ai obtenu la totalité des avantages que je sollicitais auprès de Lui.» Mais il se trouve que ce jour, où il avait obtenu tout ceci, coïncidait avec le jour de son départ en exil. Ce fut le 18ème Jour du mois lunaire de Safar. Au début, la communauté mouride ne se réunissait pas pour célébrer le Magal, mais chacun le faisait chez lui en immolant un mouton pour certains, en préparant des repas spéciaux etc... C'est Cheikh Mouhamadou Fadilou Mbacke qui a initié la célébration du Grand Magal de Touba telle que nous la connaissons aujourd'hui. Car il a demandé aux talibés de se rendre à Touba tous ensemble le jour du 18 Safar pour célébrer ce jour au lieu de le faire chacun de son côté.

Recommandations de Cheikh Ahmadou Bamba
Les recommandations de Cheikh Ahmadou Bamba pour ce jour du Magal étaient les suivantes: «strictement des réjouissances à l'honneur des gens et ce, de la poule au chameau, que chacun m'y accorde toute la mesure de ses possibilités». Action de grâce, Réjouissance, Culte. Ces trois symboles résument tout le sens du Magal. C'est en effet, ce que nous indiquait Cheikh Saliou MBacké (Ibn Cheikh Ahmadou Bamba), défunt guide religieux du mouridisme: «la commémoration doit être marquée par trois actes: la lecture du Saint Coran en nombre illimité et en faire don pieux au Prophète Mouhammad (PSL) et au Cheikh, faire des actes de grâce en offrant des repas, chacun suivant ses moyens, et des réjouissances purement spirituelles».
Le Magal de Touba, loin d'être une simple réjouissance (populaire et spirituelle), demeure un des moments forts pour mettre en oeuvre l'enseignement du Cheikh à travers la dévotion, le travail, la solidarité.
Ainsi, le jour du Magal, ce sont des millions de fidèles, provenant de divers horizons, qui se réunissent à Touba, animées d'une même ferveur religieuse.

«Ila Touba» oblige, Dakar se vide petit à petit de son monde
Occasion de grandes retrouvailles entre populations d’horizons divers, le Magal de Touba est l’un des grands moments où la capitale Dakaroise se «dépeuple». Aussi bien les mourides que les musulmans d’autres confessions religieuses, convergent vers la ville Sainte. Dakar va renouer, le temps d’un week end avec le calme monacal qui suit les jours de grandes fêtes.
Au garage qui jouxte la caserne «Malick Sy» et qui est communément appelé « Garage Pompier», l’heure est aux préparatifs pour acheminer les fidèles. Médoune Boye est chauffeur de minicar. Pour cet habitué des routes et des grands événements comme le Magal ou le Maouloud, «tout est fin prêt pour acheminer les clients» qui, il le sent, «seront très nombreux à répondre à l’appel comme à l’accoutumée». «Le prix du transport varie. Il va de 1500 fcfa ou plus, quand il y a vraiment rush». «Vu que c’est pour événement noble et de grande envergure comme le Magal et que nous sommes tous fervents disciples de Serigne Touba, da niou ci def xéweul» confie Médoune Thiam, un autre chauffeur. Du côté des «talibés» aussi, l’heure est aux grands préparatifs.
Au cœur de la banlieue, l’effervescence est à son comble. Trouvé en plein rangement, Ndèye Fatou Diop, résidant à Pikine Cité Sotiba explique : «comme le Magal est prévu pour le samedi, on s’apprête. Ma famille a l’habitude d’y aller trois à quatre jours avant le jour J. Et comme nous avons une grande maison là-bas, nous apportons tout le matériel qui nous sera nécessaire, lance t-elle en désignant du doigt, une pile d’ustensiles de cuisine allant de la marmite, aux cuillères sans oublier les légumes, le riz ainsi que les différents condiments nécessaire à un bon «berndé». «Nous sommes parés pour y aller dès demain (aujourd’hui, Ndlr)» conclut-elle. Au garage de Bountou Pikine, QG de plusieurs marchands ambulants, l’approche du grand Magal se fait sentir. Des petites radios aux grandes sonos, toutes, de concert distillent les «khassaides» chers à Cheikh Ahmadou Bamba. Livre de «khassaides» à la main, à califourchon sur un tabouret, Fallou Gallas, marchand ambulant de son état dit être sur le départ. «Je suis fin prêt pour rallier Touba mais j’attends le vendredi pour y aller. Pour l’heure, j’ai expédié ma famille pour qu’elle me précède. Je les rejoindrai vendredi, si Dieu me prête vie». Même rengaine du côté de son voisin. Khadim, qui porte fièrement le nom de son homonyme, confie: «moi, je suis célibataire à Dakar, c’est pourquoi, je profite des occasions comme le Magal pour rallier Touba afin d’y retrouver ma douce moitié mais aussi ma famille que je n’ai pas vu depuis la Tabaski. La vie est chère à Dakar et je ne peux me payer le luxe de la faire venir ici. Raison pour laquelle, j’économise pour sacrifier aux rituels du Magal afin que mes hôtes aussi ne manquent de rien car, j’y vais souvent avec des amis qui ne sont pas mourides mais qui aiment bien aller à Touba pour faire des «ziars» durant le Magal. Modou Fall embouchera la même trompette. «Point n'est besoin de rappeler que le Magal est l'événement nodal de la vie du mouride. Cela est tellement vrai que dans le subconscient des mourides, ce Magal est assimilé à un hôte tellement cher à leurs cœurs que, conformément à la tradition d'hospitalité si connue des Sénégalais, il faut l'accueillir, l'installer pour le traiter royalement et le raccompagner en grande pompe, une fois son séjour terminé. En clair, dans la réalité, le Magal dure trois jours. Le mot d'ordre est : l'hôte est roi. Moi, j’y vais avec toutes mes économies pour la fête soit belle et que mes hôtes n’aient pas à se plaindre» La journée du 14 promet donc d’être belle. C'est sûr que la barre sera placée très haute. Les mets servis seront encore plus délicieux et plus copieux, les chanteurs seront encore plus en forme. Vivement donc le 18 Safar!!!!