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[Portrait] Mbène Faye, vendeuse de couscous : Une battante face à l’épreuve de la vie

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[Portrait] Mbène Faye, vendeuse de couscous : Une battante face à l’épreuve de la vie
Le ‘’Thiéré’’, ce couscous à base de mil est à l'honneur, en ce jour d’Achoura communément appelé fête de Tamkharite. Une occasion pour les vendeuses de couscous comme Mbène Faye, de faire de bonnes affaires. Veuve et mère de quatre enfants, le gagne-pain de cette femme, cheffe de famille repose dans le creux de sa calebasse. Tranche de vie d’une battante.

Sa journée débute lorsque celle des autres se termine. Le crépuscule est son aube. Elle, c’est Mbène Faye. Elle vit de la vente de couscous.  Malgré son âge relativement avancé (57 ans), Mbène Faye, elle est dans la pénombre pour faire tourner son petit commerce. Sa petite économie ô combien vitale pour elle. Originaire de Tattaguine, un village situé à quelques kilomètres de Fatick, « Mère Faye » a fidélisé des clients dans son coin de vente à la rue 11 à la Médina. Une notoriété née dans le creux de sa calebasse.

Taille élancée et de teint noir, vêtue d’une sobre robe rouge et noire ample qui lui laisse une liberté de mouvement. Elle est assise sur un banc devant un bol rempli de couscous. Elle a les qualités d’une commerçante. Mère Faye est souriante et accueillante. Ce trait de caractère est certainement déterminant dans la fidélisation des clients en plus de la qualité de sa marchandise.

 Autour d'elle, deux calebasses de couscous (thiéré, en wolof), à base de mil, tout chaud, des seaux contenant de la farine de mil, des sachets, tamis et pots permettant de vendre le couscous, servent de décor.

C’est depuis 1984 qu’elle a plongé sa main experte dans une calebasse de couscous. C’était dès le bas âge. Aujourd’hui, elle a décidé d’en faire son gagne-pain. « Ma grand-mère était vendeuse de couscous, ma mère aussi n’avait pas de complexe à le faire. Elles m’ont initié à ce métier depuis toute petite. Aujourd’hui, c’est avec une très grande fierté que je le fais », confesse-t-elle. Trente-neuf ans (39 ans) après, Mbène Faye est très bien connue dans son milieu. Beaucoup de ses clients n’hésitent pas à passer chez elle pour se procurer du couscous. Au crépuscule, elle rejoint son petit ‘’bureau’’, un petit étal devant une boutique qui a pignon sur une route très empruntée. Juste après son arrivée, le ballet de clients commence. Une fille d’environ quatre ans arrive avec une pièce de 500 francs à la main : « vends-moi du couscous », baragouine-t-elle. Mbène sourit à cette môme qu’elle a l’habitude de voir, avant de lui remettre un sachet rempli de couscous. C’est avec ce petit commerce qu’elle gère toute sa famille.

L’histoire de Mbène Faye est un récit glaçant. Comme toutes les personnes qui gardent une souffrance enfouie en elles, la vendeuse hésite avant de se livrer. Prenant confiance au fil de la discussion, Mère Faye accepte, enfin, d’ouvrir son roman. « J’ai toujours mené une vie dure depuis mon enfance. Parfois, je dis que la vie est cruelle. Il y a les uns et les autres et des fois je me dis que c’est injuste. J’ai connu la précarité depuis mon enfance et je continue toujours de vivre cette situation. La vie m’a toujours donné des coups, mais peu importe, je me suis toujours battue pour me relever. Mangi sant Yalla (Je rends grâce à Dieu) », se contente-t-elle de dire.

Veuve et mère de quatre enfants

Comme de nombreuses femmes, elle assure plusieurs charges, à savoir la dépense quotidienne de sa maison et la prise en charge de ses enfants. La vie ne lui en laisse pas le choix. « J’ai des enfants et je dois gérer leur scolarité. Ils ont perdu très tôt leur père et je ne peux compter sur personne pour leur prise en charge. Je m’occupe de mon foyer. C'est pourquoi je fais cette activité. Déjà, quand mon mari était vivant, je contribuais à la dépense quotidienne. J’ai toujours refusé de tendre la main. Je me bats bec et ongle pour subvenir aux besoins de ma famille depuis le décès de mon époux », confie-t-elle.

 Aussi modestes que soient ses revenus, elle arrive, tant bien que mal, à subvenir aux besoins basiques de sa famille. « Ce commerce me permet d’acheter les fournitures de mes enfants, de payer leur scolarité et de payer chaque année un mouton pour la Tabaski. Je suis convaincue qu’il n’y a pas de sot métier. Il suffit juste d'avoir confiance en soi et de la persévérance. Je vis avec mes quatre enfants dans une chambre que j’ai louée ici mais Alhamdoulilah, j’arrive toujours à arranger les choses », confie-t-elle avec tristesse.

Une activité au ralenti face au coût élevé de la vie

Ses recettes journalières fluctuent. Elle lui arrive de s’en sortir avec une marge bénéficiaire acceptable. « Je dépense tous les jours 10.000 FCFA pour l’achat du mil, du charbon et du paiement du meunier du coin, entre autres. Le soir, je me retrouve avec un bénéfice de 3.000 francs CFA. Jadis, je faisais des bénéfices pouvant atteindre 6.000 à 7.000 FCFA », confie-t-elle. « Mais aujourd'hui, mon commerce marche au ralenti », se désole mère Mbène qui justifie la baisse de ses revenus par le coût élevé de la vie.

Elle ressent l’augmentation des prix de ses matières premières.

« Le kilogramme du mil est passé de 500 francs CFA à 1200 francs CFA. Le charbon a augmenté, la bonbonne de gaz également. C’est pour vous dire que tout est cher. Je vends l’équivalent de quatre kilos de mil par jour. Alors qu’auparavant je vendais 7 à 8 kg par jour », précise-t-elle.

Entre « Mère Faye » et sa clientèle, c'est la compréhension et la solidarité qui priment. Pour éviter que d’autres vendeuses de couscous ne lui prennent ses clients, elle use des ficelles pour les fidéliser. Elle accepte de leur faire du crédit, même si cela ne l’arrange pas. « J’essaie d’être solidaire et compréhensive car je sais que la vie est très dure. Je fais du crédit pour fidéliser mes clients avant que les autres ne me les prennent. Le prix du kg du mil a certes augmenté mais je ne vais pas me baser sur ça pour faire de la spéculation. Mon cœur ne me le permet pas », glisse-t-elle.

La Maison fait crédit

Mme Diouf, une fidèle cliente de la vendeuse, venue passer sa commande de « Thiéré » pour le dîner confirme. « Mère Faye prépare bien le couscous. En plus, elle n’est pas comme les autres vendeuses qui passent leur temps à faire de la spéculation sur leur produit. Avec seulement 100 francs, tu as un sachet rempli de couscous contrairement aux autres vendeurs. Elle fait aussi du social. Elle donne gracieusement du couscous à des enfants de la rue tous les soirs », témoigne la dame.

A ce sujet, mère Faye déclare que toute bonne action ne se perd jamais. « Je suis une femme et j’ai du mal à regarder ces petits enfants mourir de faim. Ma conviction est qu’une personne doit faire du bien, qu’elle soit riche ou pauvre. C’est ce qui justifie mon geste vis-à-vis de ces enfants de la rue », explique-t-elle.

Prêcher par l’exemple

 Mère Faye a inculqué cet art culinaire à sa progéniture, en l'occurrence ses deux filles Khary et Awa qui poursuivent encore leurs études. « J’ai initié mes deux filles Khary et Awa à ce métier. J’essaie de leur montrer qu’il faut toujours se battre, de ne jamais baisser les bras parce que tant qu’il y a la vie, il y a de l’espoir. En les apprenant ce métier, je les prépare aux épreuves de la vie pour que demain, je ne le souhaite pas, mais si elles passent à côté de leurs études, au moins qu’elles puissent exercer ce métier pour gagner leur vie », explique-t-elle.

Si d’aucuns perçoivent la pauvreté comme une fatalité, Mbène ne la perçoit pas sous cet angle. « La pauvreté n’est pas une fatalité, déclare-t-elle. Il suffit d’être méthodique pour que tout marche. Je suis contre la facilité. C’est pourquoi j’ai initié mes filles à ce commerce. Quant aux garçons, l’un est apprenti mécanicien et l’autre vient d’être reçu aux examens du BFEM ».

Achoura, la fête des bonnes affaires

En cette fête d’Achoura (Tamkharite), Mère Faye se réjouit de voir son chiffre d'affaires qui a connu une nette hausse. Son savoir-faire, lui a permis de gagner la confiance des clients et de décrocher 10 commandes de couscous. « J'ai, à peu près, 10 commandes et je remercie mes fidèles clients qui, à chaque année, viennent commander du couscous chez moi. Dieu merci, ça va rapporter un peu de sous », affirme-t-elle en souriant. 

Venu passer sa commande pour la Tamkharite, Boubacar Diop, voisin de Mère Faye témoigne : « Depuis que je suis dans ce quartier, c’est Mère Faye qui me vend du couscous parce que son couscous est spécial et bien cuit avec un goût extraordinaire. Sa propreté et sa gentillesse ont fini de séduire ma femme. C’est pourquoi chaque Tamkharite, elle me demande de venir passer la commande de couscous auprès d’elle ».

Très dynamique à son âge, Mère Faye, décrite comme une personne courageuse, battante a des journées immuables : se lever tous les jours à 4h du matin pour balayer la mosquée qui se trouve juste à côté de chez-elle avant de nettoyer la devanture de sa maison et celle de ses voisins. Un témoignage unanime de ses voisins. A l’endroit des femmes, elle dira : « je leur demande de croire en elles car la plus grande force d’une femme réside dans sa détermination et sa capacité à surmonter les obstacles de la vie ». 

Elle mène le combat de la vie pour la dignité.

   


3 Commentaires

  1. Auteur

    Machallah

    En Juillet, 2023 (13:27 PM)
    bravo! maman faye.
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  2. Auteur

    Amoureux De Sa Patrie!

    En Juillet, 2023 (13:43 PM)
    Histoire tres Touchante et qui demontre encore une fois qu'il y'a Vraiment des Gens "de Valeur" et qui Meritent Tout un Soutien de Personne Honnete. Pourquoi ne pas Creer une Collection de Cagnote pour une Femme Si Courageuse et Si Meritante?

    Comment est-ce qu'on peut l'Aider 'par la Grace de Dieu"?
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    Auteur

    En Juillet, 2023 (16:40 PM)
    Le kouskous est un plat de l'Afrique de l'Ouest.  Il faut rétablir la Vérité.
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