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ME ALY FALL, AVOCAT DEFENSEUR DE HISSENE HABRE : « C’est un scandale ! »

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ME ALY FALL, AVOCAT DEFENSEUR DE HISSENE HABRE : « C’est un scandale ! »
Me Aly Fall, avocat associé à la « Société civile professionnelle d’avocats Wane et Fall » (Scpa), est l’un des défenseurs sénégalais de l’ancien président tchadien, Hissène Habré. Il assure avec d’autres confrères, notamment Me Doudou Ndoye, El Hadji Diouf et Me Lô, tous du barreau de Dakar, les intérêts de l’ex-chef d’Etat en exil au Sénégal depuis 20 ans maintenant. Alors que le gouvernement sénégalais déclare par les voix les plus autorisées que le procès de son hôte se déroulera et qu’il sera juste et équitable, l’avocat en doute. Il trouve même dans l’entretien qu’il a bien voulu accorder à Sud Quotidien, que « l’Etat perd son indépendance et son impartialité pour assurer un procès juste et équitable » en collaborant avec les Ong qui sont parties civiles. « C’est un scandale » en perspective, dira-t-il, parlant de la propension de l’Etat du Sénégal à réviser l’article 9 de la Constitution. L’un des avocats de l’ex-Premier ministre sénégalais, Idrissa Seck n’est pas en terrain inconnu. Il s’agit pour lui d’un simple procès « éminemment politique », dit-il comme ce fut le cas avec Idrissa Seck. 

Le Sénégal continue d’afficher sa volonté de faire juger Hisséne Habré. Qu’en est-il d’abord de cette affaire ? Que pensez-vous en outre Maître, de la position des autorités sénégalaises sur la question ?

L’affaire Hisséne Habré a débuté en 2000. Elle dure encore, huit ans plus tard. Nous sommes en 2008. On peut avoir plusieurs appréciations de cette affaire. D’abord au plan politique : il s’agit du droit d’asile accordé par le Sénégal à un ancien chef d’Etat. Ce droit d’asile est en parfaite conformité avec nos coutumes et notre tradition d’hospitalité et de téranga. C’est un droit sacré, profondément enraciné dans nos us et auquel nous Sénégalais, nous tenons comme à la prunelle de nos yeux. D’autant plus facilement que ce droit est assorti d’une obligation et d’un devoir. Obligation pour l’hôte de s’abstenir d’activités politiques. Devoir pour le Sénégal de lui assurer protection. Tout le monde est témoin que Monsieur Hissène Habré a rempli son obligation de réserve depuis qu’il a été accueilli chez nous. Question : pourquoi le Sénégal veut-il faillir, lui à ses devoirs ?

Peut-être parce que les pressions internationales sont passées par-là ?

Si c’est le cas que faisons nous de notre souveraineté ? Prenons l’exemple de la France où des Ong ont déposé plusieurs plaintes contre d’anciens chefs d’Etat bénéficiant sur son sol du droit d’asile. On peut citer pour exemple Duvalier d’Haïti, Ratisraka de Madagascar, Sassou Ngesso du Congo avant qu’il ne retourne aux affaires…Toutes ces plaintes ont été classées sans suite au nom du droit accordé et ce n’est pas parce que Mitterand l’aura accordé que Chirac le remettra en cause. Il s’agit d’un engagement donné au nom de l’Etat français qui repose sur des conventions internationales et des principes et valeurs fondamentaux qui régissent les nations démocratiques. D’ailleurs, même le Zimbabwe et l’Afrique du Sud, pour ce qui est du cas de Mengistu, ont adopté la même position que la France. Il s’y ajoute qu’en ce qui concerne le cas Hissène Habré, une fois que la plus haute juridiction sénégalaise avait estimé que les tribunaux sénégalais étaient incompétents cette affaire aurait dû s’en arrêter là.

On note cependant que cela n’a pas été le cas pour le Sénégal qui accepte de faire juger son hôte. Il a même tenté d’expédier l’affaire à l’Union africaine avant que l’organisation africaine ne la lui retourne comme une patate trop chaude. Mais quels sont les fondements juridiques de toute cette valse ?

Bonne question assurément. En effet, sur quelle base juridique, quel est le fondement juridique de la saisine de l’Union africaine ? Il n’y en a aucun. C’est là une curiosité juridique ! Tous les arguments avancés sont d’ordre politique comme ce fut le cas lors de l’affaire Idrissa Seck du nom de l’ex-Premier ministre sénégalais dans ce qu’il est convenu d’appeler désormais les chantiers de Thiès-2004. Dès lors que nous parlons politique, nous quittons le terrain du droit. Donc l’affaire Hissène est une affaire politique. Et sur ce terrain-là, c’est la loi du plus fort qui s’impose. En l’espèce un Etat du Sénégal qui veut faire ce qu’il veut ou ce qu’on lui a intimé de faire au mépris de tout. De notre tradition de Téranga, de ses propres lois, de l’autorité de la chose jugée, en réactivant politiquement un dossier juridiquement clos. N’avons-nous pas aussi donné notre parole au demandeur d’asile d’il y a maintenant plus de 20 ans dans notre pays ? Les Sénégalais s’interrogent et ne comprennent pas ce qui fait courir leur Etat dans cette affaire ? Car le peuple sénégalais n’est en rien concerné, tandis que le gouvernement tchadien n’a rien demandé. Alors pour le compte de qui, prépare-ton ce procès ? D’autant plus pertinente cette interrogation que les faits remontent à plus de 20 ans dans un pays ravagé par la guerre civile et victime de plusieurs agressions extérieures dont et pas des moindres, celle de la Libye qui, avec son corps expéditionnaire de plus 10.000 hommes avait occupé à certains moments plus de 60% du territoire tchadien y compris la capitale Ndjamena. Ces envahisseurs n’ont-ils pas commis des crimes ? Qui les juge ? Et où ?

Le gouvernement du Sénégal assure d’un procès juste et équitable. En a-t-il les moyens ?

Il faut avant tout dénoncer ce qui est proprement un scandale dans cette affaire, qui veut que l’on donne le sentiment qu’on en est déjà à l’ultime phase d’un procès : le jugement. Un procès c’est quand même un processus en trois temps : les poursuites, l’instruction et le jugement. S’il appartient au Parquet sur la base d’éléments constitutifs d’infraction le droit de poursuivre, il revient à un juge d’instruction d’instruire à charge ou à décharge pour la manifestation de la vérité. Il lui loisible si les éléments à décharge priment d’ordonner purement et simplement un non-lieu. Donc pas de jugement. Et dans le cas de Hissène Habré quels sont les éléments constitutifs de l’infraction ? Qui le prouve ? Tout cela n’est pas trop sérieux pour des faits qui remontent à plus de 20 ans.

Il s’agit simplement d’un procès politique. Vouloir juger un ancien chef d’Etat dans ces conditions est un acte éminemment politique. Pourquoi lui et pas un autre ? Un procès juste et équitable, il ne suffit pas de le déclamer. Les chemins qui nous mènent vers ce procès semblent jonchés de choses inqualifiables et inacceptables. Plantons le décor : vous avez des Ong, financées par qui ? Nul ne sait ?, Qui veulent coûte que coûte arriver à faire juger Hissène Habré en foulant aux pieds toutes les lois et principes juridiques qu’elles sont censées promouvoir et défendre. Que font-elles ? Elles présentent au gouvernement une liste de lois à modifier, d’autres à prendre pour que ce procès puisse avoir lieu. Elles se rendent au Tchad et disent aux autorités tchadiennes, il faut lever l’immunité de l’ancien président Hissène Habré. Sitôt dit, sitôt promis et tant pis si la procédure et les lois du Tchad sont violées. Au Sénégal, leurs dernières exigences étaient que l’on révise la Constitution de manière à revenir sur le principe de non-rétroactivité des lois pénales. Du jamais vu ! On veut instaurer une loi d’exception et ceci en parfaite violation des principes généraux du droit et des conventions internationales qui régissent les nations démocratiques. Juridiction d’exception, loi d’exception ! On va-t-on ? On veut revenir sur le principe de la légalité des délits et des peines. Ceci n’est pas acceptable. Revenir sur ce principe est une catastrophe en droit pénal en ce qu’il constitue un incontestable recul et une réelle insécurité judiciaire pour tous les citoyens. Voter un tel texte équivaudrait à rendre définitivement insoluble judiciairement parlant, le cas de la Casamance, car n’importe qui pourrait engager une action devant les tribunaux pour des faits remontant à plus de 25 ans et qu’aucun texte n’avait alors qualifié de criminels. On m’apprend que la commission des Lois de l’Assemblée nationale a rejeté en première lecture les modifications introduites dans ce sens. C’est tant mieux.

Que dire maintenant de cette collaboration entre l’Etat du Sénégal et les Ong dans cette affaire ? Sinon qu’elle porte atteinte à sa crédibilité car il ne faut pas perdre de vue que ces Ong sont parties civiles dans cette affaire. En travaillant avec elles pour modifier le droit pénal sénégalais, l’Etat perd son « indépendance » et son impartialité pour assurer un procès juste et équitable. Ajoutons qu’à ce jour, aucun avocat de Hissène Habré n’a pu rencontrer une seule autorité du ministère de la Justice.

Que pensez vous du soutien déclaré des autorités du Tchad aux plaignants ?

C’est vrai au mois de décembre dernier, précisément le 14 décembre 2007, le Premier ministre de Monsieur Idriss Deby a déclaré le plus officiellement du monde que son gouvernement allait tout mettre en œuvre pour soutenir les parties plaignantes. Cette prise de position, si elle se concrétisait, depuis beaucoup d’eaux ont coulé en effet sous les ponts, on annonce la rébellion aux portes de Ndjamena, poserait problème. Faut-il rappeler en effet, que le Tchad est le lieu où devront se rendre les magistrats enquêteurs sénégalais ? Nous avons un régime qui a déclaré officiellement son hostilité à Monsieur Hissène Habré en plus de l’avoir évincé du pouvoir par un coup d’Etat. Comment alors les enquêteurs sénégalais pourront-ils faire librement leur travail sur des faits remontant à plus de vingt ans dans un pays où ils ne maîtrisent pas les langues, ni les faits politiques complexes et surtout entendre toutes les personnes souhaitées ? Nous avons contacté des confrères tchadiens pour se joindre à nous, leur participation était très importante pour nous. Savez-vous quelle a été leur réponse ? « Nous ne pouvons livrer nos familles à la répression d’Idriss Deby ». La protection du Sénégal, personne n’y croit. Le cas Hissène Habré parle de lui-même. Il est simplement désolant de constater que la parole du Sénégal n’a plus de valeur. Les mêmes réponses nous ont été servies par différents autres acteurs politiques, officiers et personnels des services de sécurité tchadiens.

La question de la sécurité n’existe-elle pas aussi en ce qui concerne le transport des témoins du Tchad ou d’ailleurs à Dakar si d’aventure le procès se tenait ?

Les autorités sénégalaises qui se targuent de vouloir organiser ce procès doivent se pénétrer du fait qu’il leur revient de transporter et d’assurer la sécurité des personnes, de témoins pouvant apporter des éléments pouvant disculper Hissène Habré avant, pendant et même après le procès. Exactement dans les mêmes conditions que pour la partie adverse. Cela fait partie de ses obligations. On a tendance à l’oublier. Avec l’hostilité manifeste du régime de Deby, on peut s’en inquiéter.

Ce n’est donc pas pour demain un procès juste et équitable de Habré au Sénégal ?

À ce stade de préparation et d’information, on peut dire qu’on est bien loin d’un procès juste et équitable. Je vous invite à lire l’article 6 de la convention européenne des Droits de l’Homme et vous relèverez toutes les violations à la notion de procès juste et équitable, notamment le principe de non-rétroactivité des lois pénales sur lequel repose tout le droit pénal des nations démocratiques. N’oublions pas que dans un procès pénal, une personne joue sa liberté, sa vie, son honneur, cela veut dire que les gens doivent mesurer pleinement la portée des actes qu’ils posent surtout dans une affaire où les intérêts politico-financiers importants sont en jeu. Le Sénégal n’a rien à gagner. Il a tout à perdre à prêter le flanc à des règlements de comptes politiques.

EXERGUES

1/ Le droit d’asile est en parfaite conformité avec nos coutumes et notre tradition d’hospitalité et de téranga

2/ Les Sénégalais s’interrogent et ne comprennent pas ce qui fait courir leur Etat dans cette affaire ? Car le peuple sénégalais n’est en rien concerné, tandis que le gouvernement tchadien n’a rien demandé.

3/ Voter un tel texte équivaudrait à rendre définitivement insoluble judiciairement parlant, le cas de la Casamance, car n’importe qui pourrait engager une action devant les tribunaux pour des faits remontant à plus de 25 ans et qu’aucun texte n’avait alors qualifié de criminels.

4/ On veut revenir sur le principe de la légalité des délits et des peines. Ceci n’est pas acceptable. Revenir sur ce principe est une catastrophe en droit pénal en ce qu’il constitue un incontestable recul et une réelle insécurité judiciaire pour tous les citoyens.



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