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Mody Gadiaga, professeur de Droit pénal à l'Ucad « Des menaces de mort constituent une infraction pénale »

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Mody Gadiaga, professeur de Droit pénal à l'Ucad « Des menaces de mort constituent une infraction pénale »

Le procureur de la République, Ousmane Diagne, avait déclaré, lundi 26 août dernier, ne pas être en mesure d’entendre le chef de Cabinet du ministre Farba Senghor, Assane Bâ, au motif que l’auteur principal des agressions perpétrées contre les journaux L’As et 24 Heures Chrono n’est pas susceptible de l’être. Pour le professeur de Droit pénal, Mody Gadiaga, rien que pour avoir proféré des menaces de mort, M. Bâ a commis une infraction pénale et devrait être poursuivi. Le juriste est revenu, également, sur d’autres questions, comme l’incompétence du procureur pour entendre un ministre.

Dans quel cas un ministre peut-il être poursuivi ?
Alors, le procureur de la République peut, en fait, convoquer n’importe quel citoyen en qualité de témoin. Toutefois, lorsqu’il choisit un membre du gouvernement, celui-ci ne peut déférer à la convocation que sur autorisation du président de la République. Donc, c’est le ministre, en vérité, qui a besoin de l’autorisation du président de la République, pour être entendu seulement en qualité de témoin.
 Le procureur lui-même ne peut saisir le président de la République ?
Non ! Il n’a pas à le saisir. S’il veut entendre une personne, il la convoque. S’il s’agit d’un membre du gouvernement, dans ce cas, il appartiendra au président de la République d’autoriser le membre du gouvernement à déférer à la convocation du procureur.
 C’est quand même étonnant non ? Même pour entendre un ministre, il faut l’aval du chef de l’Etat ?
Oui, pour l’entendre, il le faut. C’est la loi qui est ainsi faite. S’il s’agit de le poursuivre, là, il faut une résolution de mise en accusation par le Parlement.
Justement, c’était le cas pour les auditions des ministres Abdoulaye Diop et Hadjibou Soumaré dans l’affaire des Chantiers de Thiès. C’est ce qu’il faut aussi pour cette affaire 24 Heures Chrono et L’As, si la responsabilité de Farba Senghor est établie ?
Oui, mais ils (Abdoulaye Diop et Hadjibou Soumaré) ont été entendus en qualité de témoins. Ils ont demandé l’autorisation du président de la République.
Et dans cette affaire-là, le ministre Farba Senghor ne peut pas être entendu en la même qualité ?
Il peut être convoqué par le procureur pour être entendu en qualité de témoin, mais il faut, encore une fois, l’autorisation du président de la République pour être effectivement entendu. Le procureur de la République n’a pas les moyens de contraindre en cette matière.
Dans l’esprit de ces dispositions, pourquoi autant de pouvoirs au président de la République rien que pour une audition d’un ministre de la République ?
Non, disons que les ministres font partie du pouvoir exécutif. En tant que tels, ils bénéficient de certains privilèges. C’est dans ce sens-là qu’il faut le comprendre.
Quels sont les agents de l’Etat qui bénéficient de ce privilège de juridiction ?
Il y a d’abord le pouvoir exécutif qui bénéficie du privilège d’immunité. Un président de la République, par exemple, n’est pénalement responsable qu’en cas de haute trahison. Toutefois, pour d’autres infractions, il est pénalement irresponsable. Et, les membres du gouvernement, même s’ils sont pénalement responsables, ne peuvent être poursuivis que devant la Haute Cour de Justice et après le vote d’une résolution de mise en accusation qui requiert, d’ailleurs, les 2/3 du Parlement. Et puis, les députés eux-mêmes, en tant que membres du pouvoir législatif, ont aussi des privilèges, parce que, pendant les sessions, on ne peut pas les poursuivre même s’ils ont commis une infraction pénale. Il y a aussi les membres du pouvoir judiciaire qui, également, bénéficient d’un certain privilège. De toutes les façons, les trois pouvoirs constitutionnels bénéficient chacun de privilèges d’immunité.
Beaucoup estiment que c’est une contradiction, puisque la députée Aïda Mbodji a été entendue, il y a quelques jours, par les autorités de la police judiciaire dans une affaire l’opposant à Week-end Magazine. Qu’y a-t-il à dire ?
Si c’est elle qui est allée porter plainte, il n’y a pas de problème.
Oui, c’est bien le cas.
Donc, elle n’est pas mise en cause. Il est tout à fait normal qu’elle puisse porter plainte. Là, ce n’est pas en qualité de mise en cause. Ce rapprochement ne me paraît pas bon, puisqu’ici, c’est une plainte dirigée non pas contre la députée, mais déposée par elle-même. Elle est, dans ce cas, la victime. Mais, si elle était mise en cause pendant une session de l’Assemblée, elle ne peut être poursuivie et inquiétée que sur autorisation du Parlement.
 Qu’un ministre ne doit être entendu sans l’aval du président de la République, n’y a-t-il pas des pouvoirs de trop pour ce dernier ?
N’oubliez pas qu’il est aussi président du Conseil supérieur de la magistrature. C’est vrai qu’il y a une disposition prévue dans la Constitution, c’est-à-dire la séparation des pouvoirs entre l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire. Mais, c’est l’Exécutif qui est très souvent chargé de l’exécution des décisions de justice. Maintenant, c’est normal que le président de la République ait autant de pouvoirs.
Le procureur peut-il saisir le ministre de la Justice qui va, à son tour, saisir le chef de l’Etat ?
Le procureur de la République ne saisit pas le ministre de la Justice, sauf pour donner des conditions à tenir. Pour le parquet, il y a quand même un rapport hiérarchique. Et les membres du parquet sont tenus d’observer des instructions écrites reçues de la hiérarchie. Si, donc, le ministre  de la Justice veut qu’il n’y ait pas de poursuites et qu’il donne l’instruction écrite à ce sujet, le procureur ne peut pas le faire. S’il n’a pas reçu d’instructions contraires, il peut demander à entendre le ministre en qualité de témoin.
On dit du procureur qu’il est le maître des poursuites, alors qu’il est incompétent pour entendre un minis-tre. N’y a-t-il pas nécessité de revoir les textes ?
Revoir les textes, c’est une question qui ne relève pas tout à fait du droit, parce que le ministre, en tant que membre du gouvernement, est pénalement responsable de ces actes, c’est vrai, qualifiés de crimes ou de délits, mais ne peut être jugé que par la Haute Cour de justice.
A la question du pourquoi ne pas entendre le chef de Cabinet du ministre Farba Senghor pour avoir rédigé et signé les menaces de mort contre 24 Heures Chrono et L’As, entre autres, le procureur de la République avait répondu ceci : «On ne peut entendre quelqu’un qui ne peut être inculpé qu’à titre de complice, alors que l’auteur principal n’est pas susceptible de l’être.» Partagez-vous son avis ?
Oh ! Cela n’est pas très évident. Le complice est puni comme l’auteur principal. Donc, pour qu’il y ait complicité, il faut un auteur principal. Je n’ai pas lu le communiqué du chef de Cabinet du ministre. Mais, s’il a proféré des menaces de mort, ces menaces de mort en elles-mêmes constituent une infraction pénale. Donc, il devrait être poursuivi pour ces menaces de mort-là. Maintenant, pour qu’il y ait complicité, d’abord, il faut qu’il y ait un fait principal de l’agression dont ont été victimes 24 Heures Chrono et L’As. Ça, c’est le fait principal punissable. Maintenant, il faut vraiment qu’il ait eu un acte de complicité soit par l’aide de moyens, soit par assistance. Cet acte de complicité ne peut pas résulter de la lettre de menaces de mort. Il faut qu’il y ait un acte séparé de complicité qui réside soit dans la fourniture de moyens, des armes, par assistance, ayant facilité l’action de l’auteur principal de l’agression, de l’instigation ou de l’instruction.
Les nervis interpellés aussi ne sont que des complices ?
S’ils n’ont pas directement ou personnellement participé à la commission de l’infraction, ils ne peuvent éventuellement être qualifiés que de complices. Maintenant, les personnes qui sont derrière pour tirer des ficelles, qui ont participé à la commission de l’infraction ne sont juridiquement que des complices.
Si comme on dit, dans une enquête, que toutes les pistes sont à explorer, pourquoi le procureur ne peut pas entendre le chef de cabinet ?
Mais, il est bien possible de l’entendre. Toutes les pistes sont à explorer. Ce que je veux dire, c’est que, dans l’hypothèse où un membre du gouvernement est passible devant la Haute Cour de Justice, son complice ne sera passible devant cette Cour que dans le cas d’un complot contre la sûreté de l’Etat. C’est dans le cas où c’est le membre du gouvernement qui est l’auteur principal. En dehors de cette hypothèse, le membre du gouvernement sera poursuivi devant la Haute cour de justice, alors que le complice le sera devant les juridictions ordinaires et suivant les procédures ordinaires. De toutes les façons, le commanditaire est juridiquement un complice par instigation.



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