MOHAMADOU MBODJ APPORTE LA RÉPLIQUE AU PRÉSIDENT : « Peut-être qu'avec l'âge, Wade a oublié tout ce que la société civile a fait»

Les attaques du président Wade, à travers les colonnes de l'hebdomadaire français «Marianne», contre la société civile dont il assimile les acteurs à des politiciens qui ne s'assument pas, en ont irrité plus d'un membre. L'historienne Penda Mbow et Mouhamadou Mbodj du Forum civil ne se prennent pas la tête. Ce dernier qui rappelle à Wade son passé pense qu'il a peut-être avec l'âge oublié tout ce que la société civile a fait. 

La société civile sénégalaise n'a pas tardé à apporter la réplique au président Wade après ses propos lors de l'interview qu'il a accordée à l'hebdomadaire français «Marianne» : «Il n'y a pas de société civile au Sénégal, juste des politiciens qui avancent masqués car ils n'osent pas prendre leurs responsabilités». Selon le coordonnateur du Forum civil, «Wade parle peut-être à d'autres qu'il confond à la société civile, parce que lui-même a fait appel à la société civile lors de son discours à la nation». Donc, s'interroge Mouhamadou Mbodj, qu'est-ce qui a changé entre-temps ? La réalité, souligne M. Mbodj, c'est que la société civile s'est fortement impliquée dans les Assises et depuis lors, il y a une certaine lecture du pouvoir. Soulignant que la société civile, c'est un espace d'action portée par les citoyens individuellement ou collectivement, indépendamment de l'Etat, M. Mbodj rappelle que son rôle est d'influencer les politiques publiques dans le sens de l'intérêt général des membres d'associations de cette société civile...

Partant de cette définition, M. Mbodj explique qu'il serait plus pertinent de poser la question de l'existence ou non de la société civile aux populations, à l'Usaid et aux universitaires. Pour mieux expliciter l'impertinence de la déclaration de Me Wade, Il donne des exemples sur le travail abattu par des membres de la société civile, à l'instar du Congad qui ne cesse d'offrir ses services, de la Raddho avec sa médiation en Mauritanie qui lui a valu d'être félicitée par Wade lui-même. Non sans oublier les confréries et la Caritas qui sont des bons modèles de société civile. «Alors comment peut-on dire que tous ces gens sont des politiciens ?», s'étonne M. Mbodj qui rappelle à Me Wade tout ce que ces acteurs non étatiques ont fait pour lui. «En 1998, il avait menacé d'installer la guerre civile si on allait aux élections avec les cartes d'électeur israéliennes. Face au refus de Lionel Jospin de répondre favorablement à la demande de médiation qu'il souhaitait, la société civile, à l'époque, a créé une plate-forme que Wade et Diouf ont acceptée», indique M. Mbodj qui poursuit : «il nous avait demandé que l'on contrôle le fichier et que l'on puisse tirer les listes, non sans manquer de dénoncer les radiations abusives. Je rappelle que nous avions financé les demandes sur l'audit du fichier, de concert avec le président Diouf qui a pris 100 millions sur les fonds politiques. Mieux, le cabinet qui a fait l'audit, c'est nous qui l'avons payé». L'autre fait important mené par la société civile, à l'époque, c'est d'avoir réussi à faire engager Diouf à respecter les résultats des urnes s'il perdait les élections». Tout ça pour dire que la société civile est indépendante, elle ne saurait s'aligner derrière un État ou derrière l'opposition». Mais Mohamed Mbodj ne se prend pas trop la tête, car il pense que «peut-être avec l'âge, Wade a oublié ce que la société civile a fait». Mais il dit être disposé à montrer les lettres de félicitations que le président lui-même leur a envoyées.

Jacques Ngor SARR 

Selon Penda Mbow, «les médias français cherchent à le ridiculiser, mais Wade ne se rend pas compte»,  

L'historienne Penda Mbow n'a pas mis de gants pour apporter la réplique au chef de l'État. «Wade ne peut pas nous discréditer. Les médias français cherchent à le ridiculiser, mais il ne se rend pas compte, c'est vraiment dommage». En convoquant l'Histoire, elle déclare qu'en 1996, «il nous a demandé de mouiller le maillot et nous avons contribué à créer un espace démocratique. À chaque fois que Wade était embastillé, la société civile a mené le lobbying, elle n'a pas été en reste. Personne ne peut regarder son pays régresser», fait remarquer l'historienne. Pour elle, «Il faut se battre contre la transformation de la République, contre la monarchie. On ne peut pas se laisser faire. Nous défendons les Institutions, la République contre la gabegie».