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MOHAMED JOSEPH HENRY SARR : « L’Aps est un bien public, elle n’appartient à personne»

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MOHAMED JOSEPH HENRY SARR : « L’Aps est un bien public, elle n’appartient à personne»
Jamais nomination n’a suscité autant de passions et de supputations. Mohamed Joseph Henri Sarre qui vient d’hériter du poste de Directeur général de l’Aps dit ne pas comprendre certaines attitudes. Dans cet entretien, l’homme revient sur son parcours avant d’asséner quelques vérités. «L’Aps est un bien public, elle n’appartient à personne», soutient-il comme pour couper court à certaines réflexions pouvant nuire à l’image de la boîte en particulier et de la Fonction publique en Général.

 Vous venez d’être porté à la tête de l’Agence de presse sénégalaise (Aps). Vous êtes inconnu du grand public et beaucoup de gens se posent des questions sur votre identité et votre cursus. Qui êtes-vous ?

Je conteste le fait que les gens ne me connaissent pas. Très récemment, j’ai travaillé dans le médium le plus fort, la télévision. J’ai présenté  pendant près d’un an une émission sur la 2stv qui s’appelle «Classe Economie » (NDLR*** : il s’agit de l’émission «  Classe Affaires). Par contre les jeunes journalistes peuvent ne pas me connaître.
Car depuis que je suis rentré dans mon pays, je n’ai jamais travaillé dans une rédaction, si ce n’est pour Youssou Ndour et Cheikh Tall Dioum dont j’ai été le directeur du marketing et de la stratégie du temps où Sader Diagne était le directeur général, et même sous le magistère de Jacqueline Fatima Bocoum.
Je suis surpris d’entendre que les gens ne me connaissent pas. Mais je les comprends, puisque nous ne fréquentons pas forcément les mêmes endroits. Je ne suis pas non plus dans les conférences de presse. C’est vrai que j’ai eu la chance. Et c’est vrai que c’est une chance d’être toujours dans le journalisme à des postes d’encadrement. J’ai par ailleurs donné des cours à l’Issic, donc forcément connu par quelqu’un comme Abdou Latif Coulibaly. Ce qui peut me gêner c’est qu’on fasse de ma popularité réelle ou pas un critère d’éligibilité à un poste. Je suis Sénégalais, je suis journaliste donc éligible à ce poste. Bref, le plus important pour moi se trouve ailleurs.
Les lignes directrices, les axes stratégiques sur lesquels on va essayer d’aller plus loin pour l’Aps  me paraissent plus importants que les débats périphériques autour de ma personne. Je peux le diriger aujourd’hui comme n’importe quel journaliste parmi nous. La question qu’on doit se poser est : qu’est-ce qu’on va en faire ?

Est-ce qu’il est facile de prendre le relais des mains de quelqu’un qui a fait une dizaine d’années à la tête de l’Aps ? Surtout lorsqu’il s’agit d’une icône de la presse.


Je le comprends. «Suma nekkee grand kom Koumé la bëg nekk» (Koumé est une référence pour moi, je souhaite lui ressembler à bien des égards). Qui peut prétendre aujourd’hui être en mesure de diriger l’Aps pendant une dizaine d’années ? Plus personne ne pourra le faire. C’est un record qui ne sera plus jamais battu. En tout cas, moi j’arrive à l’Aps en n’ayant aucune intention de le battre. Je suis un Sénégalais au service de mon pays, sans connotation politique. Si demain on me demande d’aller ailleurs pour servir mon pays, j’y vais. On m’a appris à me battre à l’école militaire de Saint-Louis où j’ai grandi. Je ne connais que ça.
Mamadou Koumé a fait des choses formidables à l’Aps. Si aujourd’hui, il y a une Aps à diriger, c’est parce qu’il était là pour en faire ce qu’elle est devenue. À son arrivée, m’a-t-on dit, l’Aps était une coquille vide. Il a sué sang et eau pour en faire quelque chose. Aujourd’hui, si je peux accéder à cette boîte, au-delà de Dieu et de son prophète, c’est parce qu’il a travaillé. Je lui rends hommage, parce que c’est ça qu’il mérite. Par contre la boîte a besoin de passer à autre chose.

Avec toutes les réalisations de votre prédécesseur n’est-il pas difficile d’aller plus loin dans le développement de la boîte?


En termes de management, il y a ce que l’on appelle le plafond de verre. C’est-à-dire que vous êtes tellement dans le quotidien, le routinier que les visions stratégiques que vous pouvez avoir trouvent leurs propres limites. Je comprends les réactions qui me parviennent. Mais vous conviendrez avec moi qu’entre vendredi et maintenant, je ne peux pas demander aux agents de l’Aps de tourner le dos à quelqu’un qui est presque un papa pour eux. Qui a tout fait avec eux et pour eux. C’est une situation que j’analyse froidement et que je comprends.
Mamadou Koumé n’est pas un problème. C’est un grand frère pour moi et il le restera éternellement. Pour moi c’est un faux débat. Il arriverait bien un moment où il devrait passer la main, peut-être pas à moi. Mais ce moment devrait arriver un jour ou l’autre. Mon parcours ne m’a pas conduit dans les rédactions, mais je n’en suis pas moins un journaliste.

Quels sont aujourd’hui les grands axes du challenge que vous devez relever ?

L’Aps est une maison très respectée dans l’ensemble de l’Afrique subsaharienne. Il y a des problématiques simples auxquelles elle doit faire face. Aujourd’hui, vous voyez très bien la somme d’informations qui provient du net. En termes de sites d’information, concédez-moi que l’Aps qui produit de l’information est moins visitée et moins lue que Seneweb. Qui relaie l’information, même si celui-ci en produit. C’est un paradoxe. Est-ce que l’Aps a l’attractivité dont elle a besoin pour être performante commercialement face aux autres sites ? Sur le site de l’Aps, vous ne trouverez pas cinq bandeaux publicitaires. Sur seneweb par exemple, la vente d’espaces publicitaires, la vente de bandeaux est un centre de profit incontournable dans le modèle économique de ce site. Il y a un problème. C’est l’aspect technique. Dans le site de l’Aps, il y a un problème d’attractivité, il y a un problème de modèle économique viable. Seneweb n’existe que par et pour les espaces publicitaires commercialisés autour de l’information délivrée gratuitement au grand public et aux professionnels. Est-ce que l’Aps peut continuer à fonctionner sur le modèle économique complètement axé sur du «business to business» ? Non ! Il faut qu’on soit beaucoup plus inventif pour aller vers un modèle économique où l’Aps produit de l’information et la vend à d’autres entreprises de presse et à des institutions. Mais l’Aps doit aussi être capable de produire de l’information à vendre aux consommateurs. Donc aller du «business to business» vers du «business to C», c’est-à-dire du «business to consumer». L’Aps va produire des informations assez profilées pour une catégorie particulière de gens. Est-ce qu’on ne doit pas signer un partenariat avec une société de téléphonie comme la Sonatel pour mettre en ligne des revues de presse que les décideurs de ce pays reçoivent chaque matin sur leurs téléphones portables ? Je pense que c’est vers ces choses-là qu’il faut aller. On n’a pas besoin de réinventer la roue. Quand on fait la comparaison entre le site de l’Aps et les sites de l’Afp, de Reuters, de Ap… on se rend compte qu’il y a une différence fondamentale. Au-delà du fil info, il y a de la vidéo. Quand la Rts, qui est une société nationale, finit de traiter ses reportages, les images finissent dans des poubelles ou dans les services d’archivage. Il y a des ponts et des partenariats à mettre en place entre les sociétés nationales. Ce qui peut nous permettre de traiter les images sous d’autres angles et de les livrer au grand public. C’est vers ces choses-là qu’il faut aller. Car le modèle économique de l’Aps, aujourd’hui basé essentiellement sur la subvention de l’État et pas sur la  performance commerciale, doit être remis en cause. C’est mon point de vue et je l’assume. On ne peut pas toujours être sous perfusion permanente de l’État. En tant que journaliste, cela me pose problème. Car il peut se poser une question de liberté dans le traitement de l’information.

Pourquoi votre nomination pose-t-elle problème à certains?

Je ne vois pas en quoi ma nomination à la tête de l’Aps pose problème.

En réalité, c’est votre proximité avec certaines autorités de ce pays qui dérange quelque part.

Qui voulez-vous que les autorités de ce pays nomment sinon ce ne sont pas des compétences avérées, des gens qu’elles connaissent, qui leur sont proches ? Je ne rejetterais aucune des amitiés que j’ai. C’est un choix que je fais et j’assume. Le fait d’être un proche de Moustapha Guirassy, d’avoir travaillé à la primature et au ministère des Affaires maritimes pendant plusieurs années fait partie de mon parcours. Cela ne m’empêche pas d’être un journaliste et cela ne peut pas être remis en cause. Dites-moi dans quel pays au monde on nomme des directeurs généraux qui ne sont pas proches du pouvoir. Le directeur général de la Rts n’est-il pas proche du pouvoir ? Le directeur de l’Artp n’est-il pas proche du pouvoir ? Pourquoi ce qui ne pose pas problème pour eux devrait l’être moi ?

Pourquoi alors tout ce bruit autour de cette nomination ?

Parce que Mamadou Koumé constitue une particularité. Ceux qu’il a dirigés pendant tout ce temps pensent que c’est le père qui s’en va. C’est humain, et je le comprends. Je peux tout accepter sauf que l’on remette en cause mon intégrité morale. Il y a un nom de famille que je porte. Il faut que les gens se respectent.Je préfère être dans mon coin plutôt que de me laisser divertir dans des polémiques sans issue. Si quelqu’un d’autre était nommé à ma place pour remplacer Koumé, il aurait rencontré les mêmes difficultés. Il paraît que le président Senghor demandait qu’aucun directeur général ne reste à un même poste pendant dix ans. Car celui qui succède à quelqu’un qui fait dix ans quelque part perd une année dans des polémiques inutiles à reprendre son personnel nostalgique de l’ancienne époque. L’Aps est un bien public, il n’appartient à personne, encore moins à moi. Les gens doivent reprendre leurs esprits et comprendre que le pays nous appartient



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