C’est à travers une lettre datée d’hier que des cadres supérieurs de la Sûreté ont tenu à expliquer les raisons qui ont occasionné les manifestations violentes organisées par les marchands ambulants à la suite de leur déguerpissement. Ils estiment que si le Sénégal a connu «ces faits gravissimes», c’est dû à «l’amateurisme » et «la précipitation » des autorités.
D’emblée, les cadres de la Sûreté nationale, signataires d’une lettre datée d’hier, ont tenu à «approuver entièrement la décision de l’Etat qui souhaite assainir l’occupation de l’espace public dans la capitale pour rendre celle-ci propre, vivable, civilisée, afin d’offrir aux populations un environnement propice à leur épanouissement». Dakar apparaît, à leurs yeux, comme une ville sale, désorganisée, malfamée, encombrée et stressante. «Toutes choses constituant des facteurs dirimant pour tout développement économique, social et culturel», écrivent-ils.
Toutefois, ils déplorent ce qu’ils appellent «l’amateurisme» et «la précipitation» dont ont fait montre les autorités dans l’exécution de ces opérations de déguerpissement. «Il apparaît nettement que les responsables en charge de l’application des directives du président de la République ont perçu dans celles-ci un oukase présidentiel qu’il fallait concrétiser immédiatement, dans l’urgence, sans au préalable en étudier les tenants et les aboutissants, notamment les conséquences dramatiques que cela pouvait engendrer». C’est malheureusement, font-ils remarquer, le drame de certains responsables qui, souvent, se font un devoir, pour faire plaisir au chef, d’exécuter les ordres reçus sans prendre les précautions nécessaires pour en cerner les différents contours. Le zèle, poursuivent-ils, peut toujours amener l’opinion à s’en prendre aux exécutants, mais aussi en dernier ressort au donneur d’ordres, comme c’est le cas avec les récentes opérations de déguerpissement où le président de la République apparaît comme le principal instigateur. «On l’a décrit sous les traits du méchant. Ce qui n’est point normal. Une chose évitable du reste», estiment-ils.
Les hommes de Léopold Diouf d’argumenter pour dire qu’avant l’entame des opérations de déguerpissement, il fallait déterminer des axes de réflexion et des schémas d’actions à partir d’une série de concertations entre les différents services impliqués. «Concertations qui seront ensuite élargies à tous les acteurs, notamment ceux devant subir la mesure. Ils sont de toutes les catégories (marchands ambulants, propriétaires de cantines régulièrement installés, mendiants, mécaniciens…)». Pour eux, l’aspect pluridisciplinaire et multidimensionnel n’a pas suffisamment été intégré dans la démarche. Et pourtant, font-ils remarquer, «cela aurait permis de favoriser une véritable coalition des intervenants dans le cadre d’une synergie de réflexion et d’actions qui aurait amoindri les dégâts collatéraux inhérents à ce genre d’opération». Selon ces cadres, «une communication bien élaborée aurait permis d’emporter l’adhésion d’une grande majorité de l’opinion publique qui serait aussi moins encline à critiquer spontanément de manière épidermique, parce que tout simplement ignorant la justesse et le bien-fondé des arguments de l’Etat». Pour que cette communication soit efficace, «la presse aurait dû être impliquée de manière active dans la réflexion». «Cela aurait évité qu’elle verse quelquefois dans des commentaires dont certaines font injustement apparaître l’Etat comme un Etat voyou sans états d’âme, sans considération ni égard envers les citoyens», écrivent ces cadres qui ajoutent pour le déplorer, que «déguerpissement n’est pas synonyme de destruction ou de détérioration abusive». «Même la guerre qui est la plus bestiale et la plus sauvage des activités auxquelles les hommes se livrent a des règles qui préservent la dignité humaine», terminent-ils.
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