COUP DE GUEULE DE MOUHAMED NDIAYE, SEUL BOXEUR PRO DU PAYS « Si le Sénégal continue à me snober, j’irai voir ailleurs »

«Ceux qu’on chante leurs louages ne m’arrivent pas à la cheville.» L’uppercut du seul boxeur professionnel du Sénégal est adressé aux autorités fédérales et étatiques. Mouhamed Ndiaye dénonce le dilatoire dont il fait l’objet.

Présentation

«Mouhamed Ndiaye, 36 ans, plus connu sous le sobriquet de Khadim. Je suis quelqu’un de calme, discret. Cela ne pouvait pas être autrement, parce que c’est l’éducation qu’on m’a inculquée et que je cultive en moi.» Défaut ? «Celui qui veut me mettre hors de moi n’a qu’à me crier dessus ou me gifler. Je peux tout pardonner sauf cela. Je n’arrive pas à savoir pourquoi, mais depuis le bas âge, je n’arrive pas à tolérer une gifle.»

Ses débuts en amateur

«J’étais soudeur, mais la boxe a toujours été une passion pour moi et je n’ai pas hésité à pratiquer cette discipline qui m’a donné beaucoup de satisfaction. Lors de ma première sortie continentale, en 1991, j’ai été déclaré meilleur boxeur africain. Depuis, j’enchaîne les victoires. Les titres sont tellement nombreux que je ne peux pas dire combien j’en ai gagnés. Je suis indéboulonnable en zone 2, au championnat d’Afrique j’ai gravi les marches jusqu’à atteindre le sommet. J’ai remporté le tournoi de Paris, ainsi que celui d’Europe-Afrique-Usa en 1998. Depuis, les Français me font la cour. J’ai été amateur, puis international. J’ai remporté plusieurs titres, médailles de bronze, médailles d’argent et médailles d’or. J’ai fait mes preuves. Je suis actuellement le seul boxeur professionnel du Sénégal. Cela, à la suite d’une décision de la Fédération mondiale de boxe. Elle m’a saisi pour me demander d’évoluer, désormais, en série A, parce que je n’ai plus d’adversaire chez les amateurs. J’ai fait le vide au tour de moi. En Afrique, je n’ai plus rien à prouver.» La boxe fait-elle nourrir son homme ?

«J’ai porté très haut le flambeau de mon pays en le rehaussant au classement africain, mais en retour, je n’ai pas senti le soutien de ma Nation. Je suis laissé à moi-même, au moment où j’ambitionne de titiller les meilleurs boxeurs du monde. Le Sénégal ne fait aucun investissement sur ses ressources humaines, ce sont toujours les Européens qui prennent les meilleurs boxeurs pour leur mettre sur la scène internationale et en tirer profit. Le Sénégal se contente juste de faire de la récupération. Les gens qu’on chante le mérite ont une double nationalité, ils sont Italiens ou Français. J’ai cette opportunité, plusieurs pays européens m’ont tendu la perche et continuent à le faire. Seulement, j’ai opté pour mon pays et je suis au regret de constater que le Sénégal ne veut pas faire un pari sur son fils. Je n’ai jamais été soutenu.»

A quand la prochaine sortie ?

«Les autorités ont du mal à me trouver un combat. On m’avait promis un, en Guinée, mais le combat n’a pas pu avoir lieu à cause du décès du Président guinéen. Au Mali, mon adversaire trouve toujours le prétexte de reporter l’échéance. J’ai dit aux autorités de me trouver d’autres adversaires, pourquoi pas en chercher du côté des pays anglophones, mais rien n’a été fait. Le ministre des Sports avait donné des instructions pour qu’on me trouve un adversaire. Une décision que j’avais saluée parce que seul un combat au Sénégal pourra me permettre d’avoir un bon classement au plan international. Malheureusement, la rencontre que je devais avoir avec le ministre des Sports pour qu’on puisse discuter de la faisabilité de ce combat n’a jusqu'à présent pas eu lieu. Le ministre a montré sa bonne volonté, j’ai comme l’impression que c’est la Fédération qui traîne les pieds en faisant une fixation sur le boxeur malien qui, apparemment, ne veut pas de ce combat. Les gens ne veulent pas que je progresse.»

L’exil

«Nombreux sont les pays européens qui n’attendent que mon Oui pour m’accorder la nationalité afin que je puisse combattre pour eux. Mon ami et frère, le boxeur Souleymane Mbaye, m’en veut énormément parce que j’ai refusé d’aller combattre pour la France. Je comprends son amertume parce que, pour lui, c’est un talent qu’on est en train de sacrifier. Après le tournoi de Mouhamed VI, le président de la Fédération égyptienne de boxe m’a fait une proposition alléchante que j’ai refusée. Je ne veux pas qu’on chante pour moi un hymne autre que celui du Sénégal. Cependant, si mon pays ne veut pas de moi, je serais dans l’obligation de partir. Si l’on continue à me snober, j’irai voir ailleurs. Ce ne sont pas les destinations qui manquent. Tout ce que je demande, c’est qu’on me donne l’opportunité de défendre les couleurs de mon pays. Rien d’autre ne me fait courir. Je suis prêt à combattre gratuitement.»

Le paradoxe

«Aujourd’hui, les autorités ont lancé «les vendredis ring show» pour, disent-ils, relancer cette discipline au Sénégal. Mais la voie la plus indiquée, c’est d’organiser un combat international qui sera source de motivation pour tous les jeunes qui aspirent à devenir champion du monde de boxe. Souleymane Mbaye est prêt à trouver un adversaire et lui payer afin que je puisse combattre, il demande que la Fédération puisse me mettre dans de bonnes conditions. Le reste, il s’en occupe. La Fédé avait demandé un délai de 15 jours, mais ils n’ont rien fait. Je ne sais pas pourquoi les gens n’ont aucune considération pour moi, alors que ceux qu’on chante des louages au plan international ne m’arrivent pas à la cheville. Mes qualités sont mondialement connues, seul le Sénégal en fait fi. Peut-être, les autorités sénégalaises attendent que j’aie une nationalité européenne pour qu’ils me traitent avec tous les honneurs comme elles l’ont fait avec Mouhamed Ndiaye, Aly. Il était avec moi, il a fallu que ses parents lui trouvent un visa pour qu’il sorte du pays tenter sa chance en Italie. Souleymane Mbaye a plus de notoriété qu’Aly dans le monde, il est champion du monde, mais les gens parlent plus de Aly.»

Rapports avec les lutteurs

«J’ai beaucoup d’amis dans le monde de la lutte, Yekini en fait partie. On se connaissait depuis longtemps, mais c’est Souleymane Mbaye qui a raffermi nos relations. Le lutteur qui m’est le plus proche, c’est Zoss. Je suis son entraîneur, sur sa demande. Il ne fait rien sans m’informer au préalable. A part lui, il y a d’autres qui sollicitent mes services pour se perfectionner en boxe. Je peux en citer Eumeu Sène qui m’a beaucoup sollicité pour son dernier combat. Par principe, je n’ai pas donne suite à sa demande. Je suis entraîneur d’un lutteur qui a un frère exerçant le même métier. Les relations que j’ai avec ces derniers et les lutteurs des Parcelles Assainies ne me permettent pas d’aller dans une autre écurie, ne serait-ce que pour des piges.»