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Lutte - Yakhya Diop fête ses dix ans dans l’arène : Yekini se raconte…«J’ai galéré pendant deux ans sans le sou»

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Lutte - Yakhya Diop fête ses dix ans dans l’arène : Yekini se raconte…«J’ai galéré pendant deux ans sans le sou»
CONFIDENCES - «Pendant deux ans, j’avais du mal à payer mon loyer et aider ma famille»

Dix ans de lutte avec frappe et cinq ans de mbapattes, c’est beaucoup dans une carrière et ça se fête. Entre anecdotes, bons et mauvais souvenirs, ses combats les plus difficiles, Yakhya Diop «Yékini», qui a eu 34 ans ce 28 février, revient, avec des confidences croustillantes, sur les moments forts de son riche parcours, couronnés par une série exceptionnelle de 15 victoires et un nul. Balancements de bras avec le «Roi des arènes».

Yékini, vous fêtez vos dix ans de présence dans l’arène ce samedi. Où en êtes-vous avec les préparatifs ?

Tout est fin prêt pour que la fête soit belle. C’est prévu pour le 1er mars (aujourd’hui) au stade Iba Mar Diop. Vous avez vu ces gens-là qui sont chez moi. Ils font partie des présidents des fans clubs. Ils sont là pour les derniers détails. On prévoit au moins une cinquantaine de combats, parce qu’au total, on annonce la participation d’une centaine de lutteurs. C’est vrai que le stade ne peut pas contenir beaucoup de monde. On pense quand même que la fête sera belle. On fait appel à tout le monde. Ce n’est pas une fête seulement pour Yékini. C’est une fête pour tout le Sénégal, pour ceux-là qui aiment la lutte. On espère voir tout le monde. Ce n’est pas facile d’organiser un tel événement. Mais, par la grâce de Dieu, on a pu mobiliser les fonds qu’il fallait.

Pourquoi un gala de lutte pour vos dix ans de présence dans l’arène ?

C’est une idée qu’on a mûrie à la fin de la saison dernière. On s’est dit qu’on avait passé dix ans dans l’arène. Il fallait au moins marquer cette date par l’organisation d’une grande fête. C’est ainsi qu’avec mon staff, on a pensé organiser un grand gala de lutte. En premier lieu, on avait pensé organiser un gala de lutte avec et sans frappe. Et cela, en deux journées. Mais, il s’est trouvé que le calendrier de la saison ne nous permettrait pas d’avoir deux journées. Il se trouve aussi que je veux lutter durant la saison. C’est ainsi qu’on a pensé organiser, en une journée, un gala de lutte sans frappe avec un cachet de deux millions de francs Cfa. C’est une manière d’encourager et de venir en aide aux jeunes lutteurs qui sont dans l’arène. Ces derniers n’ont pas souvent la chance d’avoir de gros cachets. C’est aussi une manière de faire plaisir aux amateurs de lutte en général. Il se trouve aussi que c’est par là que je suis passé. Donc, si je suis devenu ce que je suis aujourd’hui, c’est en grande partie grâce à la lutte sans frappe. Je ne peux que lui rendre la monnaie.

Dix ans de présence dans l’arène. C’est beaucoup. Pouvez-vous nous faire un petit résumé de ce beau parcours ?

En fait, j’ai fait quinze ans dans la lutte, dont cinq dans les mbapattes (Tournois de lutte sans frappe) un peu partout à travers le pays. Mon premier combat dans l’arène, c’était le 10 août 1997 contre Kadd Gui. Un combat difficile. J’avais la chance d’être connu avant de me lancer dans la lutte avec frappe. Beaucoup ne voulait pas m’affronter. D’ailleurs, contre Kadd Gui, c’était un grand combat. Je ne suis pas passé par les petits combats. Les gens commençaient à me connaître. Par la grâce de Dieu, j’ai remporté mon combat contre Kadd Gui. Et là, c’était le début d’une belle aventure. Ensuite, il y a eu Pouye 2, Pape Cissé, Mor Nguer, Mohamed Aly. Après ces différents succès, j’ai commencé à avoir des difficultés, parce que je n’avais plus d’adversaires (rire). Il a fallu attendre longtemps avant que Bombardier n’accepte de m’affronter pour notre premier combat. Quand je l’ai battu, j’ai connu encore les mêmes problèmes. Les lutteurs ne voulaient vraiment pas m’affronter. Une période très difficile pour moi. En fait, j’étais coincé, car je ne pouvais plus retourner vers les mbapattes, et pour la lutte avec frappe, je n’avais pas d’adversaires. Ce n’était vraiment pas facile.

Est-ce les moments les plus difficiles dans votre carrière ?

Ah c’est sûr que c’était vraiment difficile ! Il se trouve que je n’avais pas les moyens de subvenir convenablement à mes besoins. Il y a la location qu’il faut payer, la bouffe, les entraînements, la famille à Joal… Si tu n’as pas de combats, la situation devient difficile. Sur toute la saison, des fois, je n’avais qu’un seul combat. Et à l’époque, les cachets pour les lutteurs que nous étions, n’étaient pas élevés. Et des fois, c’est à la fin de la saison que tu as un combat. J’ai vécu ces moments durant deux saisons. C’est à peine si le cachet te permettrait de payer la location et d’en envoyer une partie à la famille. Après, c’est fini. C’était des moments pénibles. C’était vraiment la période de l’apprentissage.

Comment parveniez-vous à gérer une telle situation ?

Difficilement ! Je ne vais pas citer de noms pour ne pas les mettre mal à l’aise, mais, il y a eu des gens qui m’ont beaucoup aidé durant ces moments-là. Ils avaient les moyens et après avoir analysé la situation, ils m’ont proposés un salaire. Chaque fin du mois, ils me versaient entre 100 et 150 000 francs Cfa pour mes dépenses. Cela m’a permis de régler beaucoup de choses. Je parvenais à payer la location. J’envoyais de l’argent à la famille à Joal et je continuais mes entraînements.

Quel a été le combat le plus difficile dans votre carrière ?

Je dirai sans hésiter, mon combat contre Pouye 2. En fait, à l’époque, Pouye 2 était un grand bagarreur. Tout le monde le craignait pour ses coups de poings. Et moi, je venais d’arriver dans le cercle de la lutte avec frappe. Et c’était mon deuxième combat avec frappe. Je ne pouvais même pas parer ou donner un coup de poing, et je me retrouve face à la terreur de l’arène, à l’époque. Il avait une gauche explosive. D’ailleurs, les gens disaient que je voulais me suicider. Durant toute la préparation, j’avais ça dans la tête. Psychologiquement, je ne tenais plus. Il y avait une telle pression qui était sur mes épaules que j’ai failli devenir fou (rire). Et le jour du combat, j’en ai reçu des coups. Je m’en suis bien tiré, parce que j’avais un bon jeu de jambes. A chaque fois qu’il envoyait un direct, je changeais automatiquement de pied. C’est ainsi j’ai réussi, à un moment donné, alors qu’il avait lancé une attaque, à tromper sa vigilance et à l’envoyer à terre. C’est après ce combat que je suis allé voir les spécialistes de la boxe. Ensuite, il y a eu mon combat avec Pape Cissé (frère de Balla Bèye 2). Lui aussi était redoutable. Je ne vais pas oublier mon combat avec Balla Bèye 2. Le premier bien sûr. Je me suis blessé à vingt jours du combat. Je ne pouvais pas déclarer forfait. Je ne voulais pas qu’on renvoie le combat avec le cachet qu’on nous avait donné. Malheureusement, je ne pouvais pas continuer mes entraînements. C’est avec un déficit physique que je suis venu le jour du combat. Je n’étais pas prêt, mais je m’en suis sorti. C’est autant de péripéties que j’ai connues dans l’arène.

Passons aux moments de bonheur. C’est sûr qu’ils sont nombreux ?

Ah oui, il y en a eu beaucoup. Ma victoire sur Pape Cissé, c’était un bon moment. Mais, je dirai que les meilleurs moments, je les ai connus lorsque je pratiquais la lutte simple, disons la lutte sans frappe. Lorsque je devais lutter à Joal, les gens allaient jusqu’à l’entrée et m’attendaient. Tant qu’ils ne me voient pas arriver, ils ne payaient pas leurs tickets. C’étaient des tournois. J’ai connu beaucoup de succès. J’ai connu des moments de bonheur à Joal. Pour revenir à mon combat contre Pape Cissé, que j’avais battu. Je vais vous raconter une anecdote : je me rappelle qu’un de nos grands, il s’appelle Ndiambé Tall, avant mon combat avec Pape Cissé, les gens sont venus l’informer. Il s’est alors mis à pleurer, disant que j’allais mourir. Et lorsqu’on lui a demandé pourquoi, il a répondu en disant que c’est parce que je ne connais pas la lutte avec frappe. Et, il avait raison d’avoir peur. A l’époque, Pape Cissé était invincible.

Il n’y avait pas seulement que les petits combats, il y avait aussi les grandes affiches ?

Bien sûr ! Contre Serigne Dia «Bombardier», Mohamed Ndao «Tyson». Surtout contre Bombardier. Avant, beaucoup de lutteurs n’osaient pas l’affronter. Il était jeune et on parlait beaucoup de sa force physique et mystique. Ensuite, lorsqu’il a battu «Tyson», les gens ont parlé de vent dont il aurait usé. Il y avait beaucoup de commentaires. Mais très sincèrement, cela ne me faisait rien. Je savais que j’étais en mesure de le terrasser. Je le savais parce que lors de notre première confrontation, j’avais réussi à le malmener avant qu’il ne soit disqualifié. Je savais que le jour où on allait se croiser, il voudrait prendre sa revanche. Dès que l’arbitre a sifflé, je lui ai administré une droite et je l’ai attendu. Je savais qu’il allait répliquer. C’était facile, lorsqu’un poids lourd est lancé, de le déséquilibrer. Il suffit juste d’une rotation. Mon combat contre «Bombardier», c’était de bons moments aussi.

Malheureusement, le Roi de l’arène n’a pas, pour le moment, quelqu’un au sein de son écurie qui pourrait assurer la relève. Qu’est-ce qui explique cela ?

Il y en a bien sûr. Je vais vous faire une confidence : les défaites que «Yékini Junior» a connu feront de lui un grand champion. Que les gens ne se trompent pas. Ce n’est pas la même personne qui était là il y a quelques mois. A la fin du tournoi auquel il avait participé et connu trois défaites, on avait organisé une réunion au sein de l’écurie pour parler de son avenir. C’est alors que je leur ai proposé de l’envoyer aux Etats-Unis pour qu’il travaille son mental, son physique… Lorsqu’il terrassait ses adversaires, à l’époque, je lui avais dit que je n’étais pas d’accord sur la technique. Soulever la personne et la mettre à terre, ce n’est pas toujours ce qu’il faut chercher. Parfois, il faut user d’une autre technique. Un lutteur doit toujours surprendre. Aujourd’hui, je prie pour que rien ne lui arrive. Il a bossé dur. Même dans sa démarche, dans son comportement, on sent qu’il a beaucoup changé. A part lui, il y a d’autres jeunes qui sont au sein de l’écurie. La plupart sont nés en 1984. On n’est pas pressé.

Ne pensez-vous pas que vous leur barrez la route en étant toujours au-devant de la scène ?

Non ! Je ne le pense pas. J’avais dit que j’allais passer une année blanche pour leur permettre de s’exprimer et de travailler avec eux. Si vous prenez un jeune comme Mame Mbagnick. Il a raflé plusieurs titres depuis le début de la saison. On voulait organiser le combat de Youssou (un jeune de l’écurie) contre Pape Konaré lors du gala. Il s’est trouvé qu’on n’a pas organisé de combats avec frappe. C’est vous dire qu’on pense à la relève. Mais pour rassurer nos supporters, je leur dis que tout ce que je suis en train de faire aujourd’hui, c’est pour l’avenir de ces jeunes qui sont dans l’écurie. Il est temps qu’ils aient leur place dans l’arène.

A l’image de ce qui se passe dans les autres écuries dont la plupart ont déjà une relève ?

Effectivement ! N’empêche qu’il n’y a aucun différend entre nous. La plupart des membres de mon écurie sont chez moi. Certains passent plusieurs semaines chez moi. On n’aura jamais de problèmes. Ils savent ce que je souhaite pour leur avenir. A chaque fois qu’un, parmi eux, a un combat, je m’investis pleinement. C’est mon devoir de les aider. Et je n’y manquerai pas. On est très complice. Si les gens parlent d’une absence de relève, c’est parce que l’écurie a traversé des moments difficiles, l’année dernière. Et le seul problème, c’était le mauvais tournoi de «Yékini Junior», alors qu’on avait misé sur lui. C’est normal qu’il y ait tout ce bruit. Maintenant, l’écurie Ndakaru, ce ne sont pas deux personnes. C’est une cinquantaine de lutteurs. Il y en a qui n’ont pas lutté toute la saison passée. Le centre de formation qu’on ait en train de mettre sur pied à Joal, c’est pour l’écurie. Le jour où je vais arrêter, il y aura forcément un qui va prendre le flambeau. Pour revenir à ce que je disais de «Yékini Junior» les promoteurs savent qu’il est rentré. A eux de lui trouver un adversaire. Le gosse n’attend que ça.

Et vous ? On a annoncé votre retour pour le 27 juillet prochain. Allez-vous descendre dans l’arène cette année ?

Le promoteur (Gaston Mbengue) ne dit que ce qui l’arrange. Il n’y a rien qui est fait. Encore moins de date à confirmer. Je n’ai pris aucun engagement. Maintenant, après le gala du 1er mars que nous organisons, je défie tous les lutteurs qui sont en activité.

D’aucuns disent que vous seriez prêt à accorder une chance à Lac de Guiers 2. Est-ce le cas ?

Je n’ai jamais dit cela. Il y a de ces choses qu’on ne peut pas dire. Cela dépend de l’entendement. Je ne dirais pas que je ne veux pas lutter avec tel ou tel. Je vais éviter de citer des noms. Je viens de dire que je suis prêt à affronter tous les lutteurs. Donc, je ne fais pas de différence. Mais, il y a une logique qu’il faut respecter dans l’arène. Soit on attend, soit on fait ses preuves. Si je prends l’exemple de Lac de Guiers 2, c’est un gosse que j’estime beaucoup. Je prie pour que demain, si je dois arrêter la lutte, qu’il y ait des jeunes qui puissent amener la lutte là où on n’a pas pu l’amener.

Comme prochain adversaire, seriez-vous prêt à l’affronter ?

Cela dépendra aussi de mon staff. Mais, je suis prêt à lutter avec la génération de lutteurs qui est là actuellement. Je viens de le dire. Mais, je n’écarte pas l’idée qu’il faut mettre la logique en avant.

Il vous reste combien d’années dans l’arène ?

J’aurai trente quatre ans, demain le 28 février (Ndlr : l’interview a eu lieu la veille). Si on y ajoute cinq ans, cela fera trente neuf ans. Ce sera l’occasion de laisser la place aux jeunes. Surtout, comme tu as dit, certains disent que c’est ma présence qui retarde les jeunes de l’écurie. A partir de cet âge-là, je pense que je vais arrêter.

Pour faire quoi ?

Je pense que je resterais au sein de la lutte. J’ai prévu de mettre sur pied un centre de formation à Joal pour aider les jeunes de l’écurie Ndakaru. Je m’occuperai de son bon fonctionnement en mettant en place des techniciens. Je ne pense pas que je pourrais être un entraîneur au sein de l’écurie. A moins qu’on me donne la sélection nationale de football (il éclate de rires). Actuellement, je suis dans d’autres activités. Je ne peux rien dire là-dessus, mais je pense que je serais plus concentré sur cela plus tard.

Comment voyez-vous l’avenir de la lutte sénégalaise ?

Elle a de beaux jours devant elle. Cependant, il faut que le Comité national de gestion (Cng) continue le travail qu’il est en train de réaliser pour la lutte. Il y a beaucoup de bonnes choses qu’il a pu mettre en place et qui profitent beaucoup aux acteurs de la lutte et à tout le monde. La lutte se porte bien. Maintenant, on ne peut pas dire que tout est parfait. Le Cng doit avoir une meilleure collaboration avec les promoteurs. La collaboration doit être saine. Que les gens se comprennent et tirent dans la même direction. Celui qui dirige et celui qui organise ne doivent pas avoir de problèmes, s’ils travaillent pour la bonne marche de la lutte. La lutte est devenue un milieu de business. Mais, tant qu’on ne fait pas attention aux conflits, on n’avancera pas. Si le pays se porte bien, c’est en grande partie grâce à la lutte. Dans le domaine du sport, il n’y a que la lutte qui donne des satisfactions. Regardez ce qui s’est passé avec le football lors de la dernière Can. Beaucoup d’entreprises préfèrent venir à la lutte pour leur image. La lutte est devenue le seul sport qui donne satisfaction aux Sénégalais. A nous de ne pas perdre ce qu’on a construit.



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