Trois ans après l'assassinat du sous-préfet de Diouloulou : La famille de Gorgui Mbengue brise le silence

Monsieur le président de la République,

Le 02 janvier 2006, au moment où tout le monde commençait une année nouvelle avec les vœux les plus ardents de bonheur et de paix, un triste sort est arrivé au Sénégal et particulièrement à une famille, celle de Gorgui Mbengue. En effet, sur le chemin du devoir, le Sous-préfet Gorgui Mbengue est enlevé et assassiné par les rebelles du Mfdc. Le chagrin et la consternation étaient les mêmes pour tout le peuple sénégalais. L’Etat, atteint dans sa chair, a exprimé son indignation et sa désolation et a condamné cet acte barbare qui ne saurait prospérer dans notre pays.

Nous voilà en 2009, le 02 janvier précisément, avec les mêmes vœux de bonheur mais aussi de paix pour cette terre du Sénégal et particulière de la Casamance qui est imbibée du sang de notre père et du sang d’autres valeureux fils du pays. Trois ans durant, que cette plaie que constitue la perte de l’être cher reste béante plus que jamais dans nos cœurs. Trois ans que nous contenons notre solitude et notre chagrin. Cela Excellence, pour la mémoire de notre père, par respect au corps de l’Administration territoriale auquel il appartenait et qui lui exigeait le devoir de réserve, mais aussi par respect aux Institutions de notre pays dont vous êtes la première incarnation.

Pendant trois longues années, nous nous sommes armés de patience parce que croyant fermement au sens du devoir de l’Etat. Malgré l’immensité de notre souffrance et notre conscience de la responsabilité pleine et entière de l’Etat du Sénégal qui devait assurer sa sécurité, nous avions toujours privilégié la concertation avec les autorités. Et pourtant Excellence, vous pouvez comprendre quelle peut être la psychose d’une adolescente de vingt (20) ans qui a échappé à un enlèvement seulement prés de trois semaines avant l’assassinat de son père, la détresse d’une mère qui est convaincue que le sort brutal de son mari qu’elle ne reverra plus jamais pouvait être celui de sa fille. Mais aussi la désolation et l’amertume de toute une famille qui a perdu son père et qui n’a comme interlocuteur qu’une inertie d’Etat. Aucune assistance de l’Etat du Sénégal, notre Etat ! Pas même psychologique si ce n’est une absence totale de réaction, synonyme ‘d’indifférence’ qui n’a fait qu’accroître notre souffrance.

Monsieur le président, loin de nous l’idée de vouloir donner un jugement ou un discrédit à l’endroit de vos collaborateurs que nous avons eus à rencontrer. Mais nous voulons juste informer, vous informer du traitement réservé au dossier Gorgui Mbengue, Sous-préfet tué dans l’exercice de ses fonctions au nom de cette République qui nous est tous si chère. Il est clair que les commanditaires de cet acte ignoble ne visaient pas simplement la personne de Gorgui Mbengue, mais le symbole qu’il représentait, l’Etat. Cet Etat même qui m’a semblé très vite guéri de sa blessure contrairement à cette famille qui ne le sera jamais bien que sous silence pendant trois longues années, un silence qui lui est devenu assourdissant.

Excellence, Gorgui Mbengue a servi loyalement son pays. De sa tendre jeunesse, quand il était enseignant, infirmier d’Etat puis aide social, au crépuscule de sa carrière comme secrétaire d’administration, il a toujours su donner le meilleur de lui-même et considéré son travail comme un sacerdoce. De Sokone dans le Sine à Kaël dans le Baol en passant par Tanaff dans le Balantacounda, le témoignage est le même pour ce commis de l’Etat, fervent musulman, travailleur, sociable et respectueux envers son prochain. Et certainement s’il avait passé beaucoup plus de temps à Diouloulou, il aurait été adopté, parce qu’il a déjà été apprécié malgré son bref séjour.

Cela pour dire, Excellence Monsieur le président de la République, que nous pensons que le gouvernement du Sénégal doit faire preuve de plus de diligence dans le traitement de ce dossier en apportant assistance à sa famille. Soyez assuré que nous considérons partager cette idée avec vous parce que croyant fermement en vos promesses. En effet, répondant à notre lettre du 06 février 2006 vous disiez dans votre correspondance N°04929 du 06 juin 2006, je cite : ‘J’ai d’ores et déjà demandé au ministre de l’Intérieur de me faire le point de ce qui a déjà été fait et des nouvelles propositions pour venir en aide à ses héritiers’.

Je vous informe qu’aucune de vos instructions n’a encore été exécutée et qu’à ce jour rien n’a été fait, par l’Etat pour la famille de Gorgui Mbengue. C’est pourquoi, Excellence, nous vous prions de mettre un terme à ce silence de l’Etat en assistant convenablement la famille du sous-préfet Gorgui Mbengue.

Avant de vous écrire ces quelques lignes, Monsieur le président, nous, enfants de Gorgui Mbengue, avons beaucoup médité sur cette pensée d’Henry Million de Monterlant qui disait : ‘Tant de choses ne valent d’être dites. Et tant de gens ne valent pas que les autres choses leur soient dites. Cela fait beaucoup de silence’. Mais nous croyons fermement que la gestion du dossier de feu notre père est une chose qui mérite d’être dite et que vous valez qu’elle vous soit dite. C’est cela seulement qui nous a fait rompre notre silence.

Daouda MBENGUE Fils Aîné et porte-parole de la famille de feu Gorgui Mbengue