Le Blogs de : Seynabou Sy

La provision a été renouvelée, l'espace médiatique sénégalais a de nouveau de quoi survivre. Le mois dernier ce fut l'épisode CYS, ce mois d'octobre eût été bien terne, n'eût été la généreuse frivolité de Tamsir Jupiter Ndiaye. Puisque la crise ne nourrit pas, faudrait-il bien vivre de frasques, eh bien en voilà un pour le mois. Ceci n'est pas typiquement Sénégalais, c'est une tendance globale et loin de mois l'idée d'une stigmatisation. Mais le cas l'homosexualité semble bien particulier. Depuis quelques années, la mutation du système médiatique et l'élargissement des consommateurs médiatiques ont définitivement mis les Sénégalais devant leurs responsabilité à face à la réalité de l'homosexualité dans leur société, un sujet qui durant des siècles a été refoulé et toléré, et qui au moment de la décolonisation a été « résolu » par une loi héritée du code Napoléon... Ce sujet désormais présent dans le quotidien des Sénégalais provoque un malaise profond, un malaise qui dévoile ses aspects dans un débat public d'une étonnante longévité . Et cette affaire de mœurs vient raviver cet éternel malaise de notre société schizophrène dans les valeurs qui la fondent. Parmi ces valeurs, figurent évidemment en premier chef celles relevant de la référence religieuse. Pourtant l'attitude diffuse des Sénégalais à l'égard de l'homosexualité est d'une irrationalité qui dépasse la raison. Et à ce propos, l'argument religieux semble être aussi impertinent qu'hypocrite.

Un dialogue de sourds...

Le mot impertinent n'est pas gratuit et, pour une croyante, utiliser ce mot en se référent à la religion requiert une profonde réflexion. Mais l'impertinence de l'argument religieux, sur la punition de l'homosexualité par la loi de la République, n'est pas relative à la force argumentaire de la religion. Il s'agit plutôt du cadre même du débat. En effet les divers scandales connus jusque là, allant du cas de M Kassé a celui ci, en passant par ceux du pseudo-mariage dans un quartier périphérique de Dakar et bien d'autres, ont imposé de débat sur l'homosexualité et sur l'attitude morale mais également le traitement législatif et pénal, qui lui conviennent. Je retire de suite le mot débat. Car à la place de celui-ci, l'on assiste à un dialogue de sourds. Tandis que certains traitent du sujet dans le cadre du rôle de la République, des limites de la compétence légale et des droits fondamentaux et libertés publiques, d'autre le traitent dans le cadre des lois de la nature, des récits bibliques et coraniques, de l'esthétique du viril, de l'éthique et de la morale. Ce dialogue est mort-né et semble prédestiné à la stérilité intellectuelle, ce aussi longtemps qu'il ne sera pas réparti en deux débats distincts et cohérents sur la base de leurs références respectives : Un débat sur la légitimité de la répression légale de l'homosexualité dans une République démocratique et laïque du Sénégal ; un débat sociétal sur comment appréhender l'homosexualité selon les religions, comment le condamner et l'éviter SOCIALEMENT.

Un ami philosophe a l'habitude de me dire que la raison est le rendez-vous du donner et du recevoir d'arguments. La réussite de ce rendez-vous s'appuie sur le partage des références à la base des arguments. Comment donc rétorquer à celui qui exalte la beauté d'une voiture, que ses propos sont erronés car la voiture est de mauvaise qualité ? Dans un débat moral et religieux nous serions tous d'accord sur le fait que l'homosexualité a été interdite par toute les trois religions révélées et que même les animistes auraient des lois naturelles condamnant l'homosexualité. J'en conviens et j'ajoute même qu'il y a des tendances connues dans ce genre de milieu qui intensifient les risques de MST et qu'un certain mode d'activité sexuelle avec une multitude de partenaires est répréhensible moralement. D'ailleurs si tant est-il que la science arrive à montrer que l'homosexualité est une orientation sexuelle indépendante de la volonté des individus, un croyant pourrait en conclure qu'il s'agit d'une épreuve divine et que ces individus doivent se battre contre leur « nafs », faire un « djihad spirituel » et éviter ainsi une tentation parmi tant d'autres. On pourrait être d'accord sur la nécessité de mieux éduquer les enfants, de leur apprendre à mieux contrôler leur pulsions et à être conscients des milieux « pervers » qui les entourent au Sénégal comme partout dans le monde.

Mais ceci n'est pas un argument juridique. Autant je suis d'accord en condamnant en tant que croyante de telles pratiques au point de vue religieux, autant je trouve effarant que de les interdire par LA LOI DE LA REPUBLIQUE. Les Sénégalais continueront à avoir des dirigeants qui les prennent pour des demeurés aussi longtemps qu'ils refusent de développer l'idée du citoyen jouissant d'une autonomie privée et publique pour paraphraser N. Elias ainsi que la notion d'adulte responsable. La république n'a aucune place dans la sphère privée des adultes libres et consentants. Elle n'a pas à s'occuper de ce que ceux-ci font de leurs parties intimes. La police n'est pas une tutrice, mais un service public. Notre État a bien d'autres priorités comme la sécurité des citoyens, la lutte contre les agressions ainsi que celle contre les trafics de stupéfiants plutôt que de s'occuper de frasques et de coucheries où il n'y a ni viol, ni détournement de mineur et encore moins un acte pédophilie. Dans ce débat ou il s'agit des droits fondamentaux des individus et des droit des minorités, l'argument religieux n'a pas sa place. La laïcité est une solution de neutralisation des différences. Une république laïque implique le respect entre les différente religions, mais aussi entre les religions et les athées. Cet exercice est difficile, regardez comment la France y a échoué, un exemple à ne surtout pas prendre. Un Sénégalais n'a t-il le droit d’être athée ? S'il l'est a t-il la conscience de pêcher vivant son homosexualité ? Qui peut au nom de la loi lui servir de tuteur et lui donner des leçons sur une référence religieuse qu'il ne partage pas ? Et ceci est le dernier défi démocratique des Sénégalais. C'est la tolérance envers les groupes détestés qui permet de déterminer dans les études académiques à quelle mesure l'on parle d' « opportunisme démocratique » (Prendre ce qui plaît dans la démocratie et en rejeter le reste).

Une hypocrisie latente

L'argument religieux n'est pas seulement déplacé dans la motivation de la répression légale de l'homosexualité, elle est paradoxale, hypocrite. L'islam, c'est comme une loi. Il n'est pas sélectif, mais cohérent et global. Réprimer une réalité au nom de l'islam et simultanément garder un silence notoire sur une longue liste de pratiques égales voire pires, relève d'un opportunisme religieux. (Prendre ce qui plaît dans la religion et en rejeter le reste). Sinon comment appréhender la timidité de la loi sur l'adultère. L'adultère est de la catégorie des « kaba'ir » (pêchers capitaux en islam). L'adultère figure-il dans les chefs d'accusation de CYS ? Et la prostitution dans tout ça ? Mais l'exemple le plus patent est le suivant. Je n'ai jamais vu autant de « shirk » (Associationnisme) qu'au Sénégal d'aujourd'hui !!! Des pratiques exposés au grand public de la Lutte sénégalaise à la déification de guides religieux, en passant par la fréquentation massive de féticheurs et la médiatisation des cérémonies de « Xoi ». Quel marabout, quelle association religieuse s'est engagé pour faire la guerre à ceux qui trouvent un associé à Dieu ? N'avions nous pas appris qu' « allah yaghfir kulli dhunuub illash-shirk » (Dieu peut pardonner tous les pêchers sauf l'associationnisme) ? L'associationnisme ne figure-t il pas en première position parmi les pêchers capitaux ? La cohérence voudrait qu'on ne puisse aller déguerpir une boite gay en laissant sur son chemin un « xamb » ou est organisée une séance de « tuur ». La cohérence du musulman ne lui permet pas de lyncher l'homosexuel tout en évitant d'entrer en conflit avec le charlatant et le devin. Mais tout ceci semble s'expliquer par une chose. Les forces ne sont pas pareilles. Il est tellement facile de s'attaquer aux faibles minorités. Touchez pas ceux qui font peur, et surtout pas aux puissant marabouts ! Je trouve même qu'Ansar-addin est bien plus cohérent dans ses actes. Lui au moins, est dans la globalité.

Ces Sénégalais qui s'offusquent de la réalité de l'homosexualité devraient, au vu du paradoxe ci-dessus, être francs avec eux-mêmes et avouer le vrai motif de leur phobie de l'homosexualité. Cette phobie relève de l'esthétique et du symbole. Il s'agit de la profanation violente de la virilité. Dans une certaine conception vertueuse du viril, l'homosexualité est une vrai insulte à l'homme. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'homosexualité masculine est de loin plus sévèrement et plus violemment sanctionnée par la société que le lesbianisme. Dans les pays du golf, la loi ne réprime que l'homosexualité masculine...le ridicule est hélas inoffensif. En Europe, une majorité d'athées est dégoûtée par l'homosexualité, sur le plan esthétique, mais ceci n'a rien à voir avec la loi.

La conclusion est donc celle de deux opportunismes : sur le plan démocratique le Sénégalais cherche les bénéfices de la démocratie tout en rejetant son prix en terme de respect des minorités. L'opportunisme est également religieux en ce que la religion est instrumentalisée pour opprimer certaines minorités, mais elle est enterrée face aux groupes résistants et nuisibles.

La sanction sociale de ce Tamsir Jupiter Ndiaye, croyez-moi, est largement lourde à son sort. Y ajouter une sanction pénale sur son orientation sexuelle n'apporte rien de bon à notre chère république. Bien moins que sa réputation, la souffrance de ses proches doit amèrement le hanter.

Voilà chers compatriotes, la rigueur au débat à laquelle je vous invite. Venez casser mes arguments un par un, vous référant aux valeurs fondant la république et ses lois, plus tôt que de tomber dans le piège facile du manichéisme et des théories du complot de lobbys gay et maçonniques ramassées directement de youtube. Je m'adresse à ceux qui savent lire, analyser et critiquer sévèrement, mais pertinemment, pas les adeptes du « je suis sur que tu en fais partie » « de grâce change de nom tu ne le mérite pas » « tu dois être un suppôt de Satan /franc-maçon/illuminait» etc.