Le Blogs de : Salla Gueye

Survenu dans un contexte particulier, le Mouvement du 23 juin a marqué la vie politique sénégalaise de ces derniers moments. En effet, ce «mouvement démocratique, citoyen, né de la jonction entre les forces politiques, mouvements citoyens, mouvements de la société civile et personnalités indépendantes qui ont décidé de mettre ensemble leur diversité pour défendre le Sénégal » plonge ses racines dans les manifestations populaires des 22-23 juin 2011 pour contester le projet de loi voulant instituer le ticket présidentiel. Ainsi, articulé autour d’un certain nombre de points tels qu’entre autres la «prise en charge sans délai des urgences sociales(où)la question du retour de la paix en Casamance constitue une question cruciale à résoudre dans le sens de l’unité nationale » et le « refus des découpages administratifs des collectivités locales opérés par le gouvernement pour destituer des élus ayant recueilli les suffrages des populations,  le M23 a toujours  fait des manifestations, des rassemblements avec principalement comme moyens de communication la rue et les médias. Cependant, même si personne n’oserait nier le rôle du M23 dans la consolidation de la démocratie au Sénégal, l’histoire a montré que ce mouvement reste  néanmoins insuffisant pour « défendre le Sénégal.»

Quel bilan….?

Vu les faits qui se sont passés ces derniers temps, on pourrait se permettre d’affirmer que le bilan du M23 est plus ou moins satisfaisant. En effet, on peut dire que le premier succès du M23 fut le retrait du fameux projet de loi instituant le ticket présidentiel et le quart bloquant au soir du 23 juin par son propre initiateur, le président Wade. Ce jour là, l’ « expérience » du président n’avait pas pu résister face à l’exigence du peuple sénégalais. Pour dire que la rue constitue désormais un vecteur d’impulsion des principes démocratiques. Il a été par ailleurs remarqué que le peuple avait tout simplement dicté sa loi...

Mais, l’apport fondamental du M23, ce n’est pas seulement le retrait de ce projet de loi, mais plus que cela. Ce mouvement a joué un rôle important d’éveil et de conscientisation des sénégalais. En effet, grâce au M23 (et le Mouvement Y’EN A MARRE), on a vu naître et grandir un nouveau type de sénégalais. Ils ont montré la voie aux citoyens sénégalais en les familiarisant avec des notions telles que la « Démocratie », « la liberté d’opinion », « droits de manifester », « la transparence ». Ce Nouveau Type de Sénégalais (NTS) c’est ainsi celui qui reconnaît ses droits, ses devoirs, l’importance de sa carte électeur, bref, un autre citoyen qui sait accomplir ses actes civiques et politiques. C’est d’ailleurs cette conscientisation du peuple sénégalais qui ferait que le phénomène du « Ndigueul » politique soit dépassé au Sénégal...   

Toutefois, si on se réfère aux points soulignés dans la plate-forme du M23, on pourrait estimer que celui-ci n’a pas totalement réussi. De fait, comme nous le constatons tous, l’ambition était présente, mais la réalisation des objectifs n’était pas chose facile. Pourquoi ? Peut-être parce que le régime en place ne les laissait aucune chance. Ainsi, même si leur «plate-forme… (devait) être comprise dans le sens d’une opposition à toute manipulation de la Constitution, d’une opposition à une candidature du (…) Président Abdoulaye WADE pour un troisième mandat», cette opposition a semblé être vaine dans la mesure où la candidature de Wade a été bel et bien passé. Ainsi donc, malgré toutes les revendications, les sit-in et les manifestations, le Conseil constitutionnel a validé cette candidature controversée. Est-ce que la rue était encore apte à contredire une décision de justice ? Si on se base sur les faits, on répondrait tout simplement par la négative. Car, la puissance publique s’interposait à chaque fois que des contestations se faisaient dans les rues. Même la volonté des candidats membres du M23 de partir en campagne ensemble n’a pas pu finalement aboutir. Ici, c’est plutôt le pouvoir qui a dicté ses lois...

Dans tous les cas, le peuple a tranché les 26 février et 25 mars derniers et la démocratie sénégalaise finit par être sauvée. Cependant, ce qui me paraît étrange, c’est que depuis que le régime de Wade est tombé, le M23 a semblé « changer de ton» ou baisser ses bras. On ne les entend que rarement. Une question se pose à cet effet : Est-ce que le M23 a accompli sa mission ? Ou est-ce que c’est son avenir qui est devenu incertain ?

Quelques perspectives…!

Le rôle que le M23 a joué ces derniers temps dans la vie politique sénégalaise est sans conteste. Mais, à l’heure actuelle,  ce mouvement devrait, à notre avis, être réformé. Pourquoi ? C’est peut être osé certes, mais les objectifs pour lesquels il a été créé, ne sont plus d’actualité. En effet, le « refus des découpages administratifs des collectivités locales opérés par le gouvernement pour destituer des élus ayant recueilli les suffrages des populations.» ne fait plus l’objet de débat, ou presque personne n’en parle plus. La question du « respect et sauvegarde de la Constitution et des règles démocratiques »  devrait normalement être résolue tout juste après l’investiture du nouveau président. Les « transparence et régularité des élections » semblent être dépassées et le slogan «Touche pas à ma constitution » n’a pas été malheureusement respecté. Dans ce cas, il faudrait redéfinir d’autres objectifs, en prenant en compte les nouveaux enjeux politiques, sociaux et économiques du pays. Changer le M23 ou changer de M23 ? A l’heure actuelle, il me paraît opportun de refonder le M23.

A notre avis, le principe de la neutralité du M23 devrait être remis en question. Ainsi, il devrait y avoir une démarcation totale et nette entre ce mouvement et le domaine du Politique. Et pour éviter toute éventualité de politisation du mouvement, il ne devrait être composé que de membres qui n’ont aucune appartenance politique. Dans ce cas, le mouvement du 23 juin serait considéré comme une sentinelle entre les politiques et le peuple. Ceci est d’autant plus important car si tel était le cas, on n’aurait pas noté ce « mutisme » du M23 depuis l’instauration du nouveau régime. Le mouvement doit dès lors être composé de membres politiquement indépendants pour pouvoir constituer un contre poids à l’égard du pouvoir le cas échéant, la divergence d’intérêts bloquera tôt ou tard le bon fonctionnement de ce mouvement.

                                                              Salla GUEYE (Guesla)