La Gambie et la gamberge du dictateur Jammeh

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La Gambie et la gamberge du dictateur Jammeh

Face à son peuple, devant Dieu et devant l’histoire, Yaya Jammeh conteste la victoire de son successeur après avoir publiquement appelé et félicité ce dernier. Telle une secousse tellurique qui a complètement tétanisé les observateurs du monde entier et diffuse des ondes de chocs loin de la Gambie ! Par voie de conséquence, cette déclaration du versatile dictateur plonge la Gambie dans une bourrasque intermittente et infernale. Au moment où je vous parle le thermomètre est en voie de casser et la température monte chez nos voisins où  le doux climat de Banjul en ces temps de fraicheur prend des allures de nuages toxiques.

 Revenons sur les péripéties de cette élection qui nous a tenus tous en haleine. Le coup de téléphone de Jammeh au soir des élections à l’endroit de son tombeur a considérablement surpris la scène internationale. Personne ne s’attendait à ce que le rustre et teigneux dictateur accepte avec désinvolture sa défaite. Mais hélas ! Après seulement une semaine de réflexions, de roublardises et de tactiques politiciennes, le « démocrate », Yaya Jammeh fait volte- face et conteste avec force les résultats du vote. C’est l’apogée d’une démocratie guignolesque car Yaya Jammeh reste le parangon du despotisme et le roi de la roublardise. Ah combien d’images de Yaya Jammeh ? S’excitant, hurlant, haranguant, à la guerre comme à la guerre. Un bon républicain doit être démocrate jusqu’à la moelle épinière ou à défaut, jusqu’aux ongles.

Dans la République, Platon entonne un refrain qui porte la démocratie au pinacle, écoutons-le : « La démocratie est un régime plein d'agrément, dépourvu d'autorité, non de variété, distribuant aux égaux, aussi bien qu'aux inégaux, une manière d'égalité ».Yaya Jammeh a –t-il lu Platon ? Sur cette question, je donne ma langue aux chats.

 Au de-là de ce coup de fil inattendu, se cachait une autre tactique qui était en gestation avant d’être publiquement manifestée. En cette période de Noël, les gambiens qui attendaient avec impatience leurs cadeaux de fin d’année (l’alternance) peuvent désormais déchanter,  ranger leurs vœux aux oubliettes et de prendre leurs maux en patience, parce que Yaya Jammeh n’est pas un père noël généreux encore moins un enfant de cœur. Il ne donne jamais un cadeau fortuit mais plutôt empoisonné. Depuis 22 ans, la gouvernance prônée par l’enfant de kanilai s’inscrit tout simplement aux antipodes d’une bonne gouvernance sobre et vertueuse. En revanche, c’est une gouvernance myope, bornée, scabreuse et sombre. C’est la déconvenue navrante face à une situation complètement tarabiscotée, aggravée par la violence et par la dictature.

Dans cet ordre d’idées, la rébellion apparait aujourd’hui comme une carte vitale et comme l’attestent ses propos de Babacar Justin Ndiaye : «  En bon chef d’Etat, joueur de poker comme ses pairs, il s’en sert sporadiquement et la range périodiquement. Mais ne la déchire jamais » .Yaya Jammeh sait pertinemment qu’en Afrique il ya que 3 voies par lesquelles on accède au pouvoir : soit par la baïonnette soit par les urnes soit par l’héritage. Ayant goûté aux délices du pouvoir (22 ans de règne sans partage), aujourd’hui il espère encore passer par la première voie  c’est à dire la baïonnette avec laquelle il avait déjà conquis le pouvoir en renversant Sir Daouda Diawara. Nous sommes alors en 1994.

En Afrique cette triste et réelle manœuvre illustre parfaitement la gamberge des despotes chefs d’Etats qui, pour accéder au pouvoir, utilisent les armes pour un éventuel coup d’Etat. Les cas de Blaise compaoré et de Hissen Habré méritent d’être cités ici même si la liste est longue.

En effet, loin de moi l’idée de tourner en ridicule la victoire nette et sans bavure du président Adama Barrow, mais force est d’observer aussi qu’il reste et demeure un concurrent falot devant le belliqueux et le fantasque Yaya Jammeh. Adama Barrow avec tout le reste que je lui dois, est un novice en politique. Ancien garde du corps du beau père de l’ancien président Sir Daouda Diawara, il est plutôt un homme d’affaires qui a fait fortune dans l’immobilier. Cependant il n’a pas de passé ministériels encore moins de fonction dans l’administration gambienne .Monsieur Barrow n’est pas un homme d’Etat et ses récents propos tenus tout juste après sa victoire à l’endroit de Jammeh en disent long. Il a pris des décisions hâtives et des mesures qui à mon avis devraient attendre la passation de pouvoir prévue en janvier surtout quand on sait que l’adversaire qui est en face est à la fois  très versatile, et  lunatique.

 Les gens me diront qu’être président de la république n’est pas un métier mais plutôt une fonction. Certes oui mais un bon politicien doit avoir « la ruse de la panthère et l’intelligence du singe », connaitre l’architecture de l’administration centrale et l’armature institutionnelle. Cependant, devant un tel adversaire, le roublard Yaya Jammeh n’a pas besoin d’y aller par quatre chemins.

Ce virage à 180 degrés du rustre  Jammeh ne m’a pas vraiment surpris car il reste et demeure le parangon du despotisme, et la confiscation du pouvoir est la gamberge de beaucoup de chefs d’États africains déçus par les résultats des urnes. De ce fait, en poussant la réflexion plus profonde, plusieurs situations accrochent l’attention et expliquent pertinemment cette volte face inattendue de Yaya Jammeh. Scrutons-les une par une.

1) Dès la proclamation des résultats, le tout nouveau président Barrow a sorti ses griffes, telle une soif de vengeance et décide de traduire Yaya Jammeh devant les tribunaux de la Gambie. Devant un président et non moins militaire  comme Jammeh complètement protégé par la garde prétorienne, cette décision devrait vraiment attendre .Mais quelle Erreur ! Et en politique les erreurs se paient très cher.

2) Yaya Jammeh a le soutien sans faille de la tonitruante avocate à la Cour Pénale Internationale, Mme Fatou Bensouda, qui a été son ministre de la Justice. Cette dernière serait-elle capable de le juger à la CPI? Ce serait plutôt une fable de la fontaine que d’y croire ? l’avenir nous en édifiera.

3)Contrairement à la première dame citée, la deuxième, elle, Mme Fatoumata Jallow, leader de la coalition de l’opposition, a une démarche plus frénétique .Elle a menacé récemment d'embarquer à la Haye Yaya Jammeh et ses militaires pour les juger. Ce n'est donc pas surprenant que ces militaires qui l'avaient abandonné récemment, suite à la proclamation des résultats, fassent aussi volte-face. Décidément le président sortant Jammeh a invité tout le monde dans sa danse favorite. C'est la valse et le tango du mea-culpa qui rythment le quotidien des gambiens 

4) la main tendue par Barrow à la communauté internationale : l’appel à la rescousse de la communauté internationale a certainement sorti Yaya Jammeh de ses gonds. C’est un farouche opposant du néo-colonialisme et la sortie de la Gambie à la Cour Pénale internationale en constitue une patante illustration.

Tout ces calculs et manœuvres politiciens illustrent royalement cette boutade de Babacar Justin Ndiaye : «  Yaya Jammeh est un guépard par terre et non un guépard sous terre. Donc un fauve à ménager ».

Dans ce revirement de situation, Banjul attend avec grand espoir l’appui et le soutien indéfectible de son voisin Dakar. Nos relations avec la Gambie sont plus que fraternelles et cordiales, nous sommes deux pays frères liés éternellement devant le temps et devant l’histoire. Les relations sénégalo-gambiennes sont fortement enchevêtrées car comme le montre la carte du Sénégal, la Gambie est un pays dans « l’estomac du Sénégal ».Inutile donc de vous dire que tout ce qui touche la Gambie peut affecter par voie de conséquence le Sénégal. De cette relation de cause à effet, le gouvernement du Sénégal doit apporter son soutien sans réserve à la Gambie comme l’avait fait le président Abdou Diouf .

Dans l’attente d’un sursaut de lucidité ou d’un regain de pondération nous prions pour que la situation redevienne calme et que le président Barrow puisse exercer convenablement et tranquillement ses fonctions.

                                            Mande Ndiaye TOURE, un citoyen désabusé


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