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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

Qui a trahi le roi ?

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Qui a trahi le roi ?

« Le courage, c’est d’agir et de se donner
aux grandes causes sans savoir quelle récompense
réserve à notre effort l’univers profond,
ni s’il lui réserve une récompense. »
Jean JAURES

Si Abdoulaye Wade devait graver sur sa pierre tombale une seule phrase qui lui tienne lieu de testament politique, ce serait bien celle-ci : « j’ai été trahi ». Toute sa vie durant, il a vécu avec cette idée farfelue que le bon Dieu a déposé sur son crâne vénérable une grande destinée qui le rend supérieur à ses semblables. Son frère Moustapha lui-même, pour peu qu’on l’a obligé à parler de son frère en des termes honorables, a dit de lui qu’il « n’aime pas perdre ». Il aurait pu dire « il n’est pas démocrate », et la sentence aurait été la même. Il vit avec l’illusion d’être tout. La défaite n’est pas chez lui un échec, c’est un affront.
L’élu de notre corps (défendant) sera, encore une fois, le seul miraculé de cette malédiction qui vient de le frapper. Il va tuer tout le monde sauf lui, puisque, dans sa logique, tous ceux qui n’adhèrent pas à son grand dessein monarchique sont des traîtres à la nation qui méritent la mort. La traîtrise de quelques sbires embusqués dans son camp mérite apparemment un examen plus urgent que le sort des deux tiers de la population qui ont refusé d’aller voter. C’est sa façon de circonscrire dans son parti, qu’il croit contrôler encore, un boycott qui concerne tout le pays, et qu’il devrait examiner plus sérieusement. Le Pds est à l’image de son chef : son bas est en couches inondables, son haut en dentier submersible.
Ce grabat qu’il veut livrer aux bulldozers, il l’a créé à son image, en y excluant tous ceux qui pouvaient lui tenir tête. Il ne faut pas oublier son discours mémorable de Sandaga en 2002, quand, venu marchander le vote des commerçants, il a déclaré à la face du monde qu’il est le « premier informel » du pays. Il est le dernier à savoir que le vrai Pds est une bande de voyous qui fument la moquette le jour et planifient des crimes contre la République la nuit. C’est pourquoi il n’a eu aucun mal à s’entendre avec Mbaye Jacques Diop. Ces responsables qu’il dit être des traîtres, c’est lui qui les a choisis, et personne d’autre. Il devrait plutôt s’en prendre à ceux qui ont été incapables de convaincre leurs militants d’aller voter. Mais il croyait, malheureusement, que même momifié, il drainerait encore les foules derrière lui, et son froc tiendrait tout seul sur sa mercedes.
L’échec de ce parti, qui n’a jamais rien réussi tout seul, est d’abord l’échec de son inventeur. Il a passé toute sa vie à se chercher, sans jamais se trouver. C’est cela la cause de son ébullition permanente, toujours entre deux ambitions, le ventre dans les poumons, comme si son âme l’avait abandonné. Voilà un homme qui a tout pour être heureux : le prestige, les honneurs, et qui bout en permanence, comme si on l’avait enfermé dans une grotte.

Il ne doit en vouloir à personne. L’idée que son propre camp a organisé et planifié la victoire du « non » tend à enlever à l’opposition le mérite qui lui revient. Mais Abdoulaye Wade s’est lui-même engagé dans cette campagne, en appelant tous ses électeurs à voter, et en menaçant ceux de ses partisans qui seraient tentés par le boycott. S’ils ne l’ont pas écouté, c’est que sa parole ne vaut plus rien. Si les militants ont préféré écouter leurs responsables boycotteurs et non le président de la République, c’est que son autorité vaut désormais celle de n’importe quel vendeur de cacahuètes. Il n’impressionne plus personne, et il devrait s’en inquiéter. Sa morale est d’autant plus désespérée qu’elle voudrait dire que dans son propre camp, il a perdu face à ceux qui prônaient le boycott. Mais c’est une morale de vaincu. C’est un antalgique à la douleur qui habite son corps meurtri. Si le boycott que je continue de déplorer a malgré tout, un mérite, c’est de révéler un chef de guerre fini, se débattant tout seul comme un Don Quichotte pour se libérer de lui-même.
Il n’y a qu’une raison à cette grande crémation, Wade. Il n’y aura malheureusement qu’un seul survivant dans son camp, Wade. C’est d’ailleurs triste, l’empressement avec lequel il a félicité son Premier ministre, Macky Sall. Le « défunt » Premier ministre, c’est ainsi qu’on l’appelle désormais, a surtout eu tort de dire qu’il a des ambitions présidentielles « après Wade ». Dans toutes les circonscriptions du pays, il a eu son candidat contre celui de Karim Wade, que ce soit dans le Pds ou parmi les adversaires, dont certains ont été financés à partir des fonds politiques de la présidence. Macky sait bien que les hommages de lundi préparent un rite funéraire qu’il connaît bien. Ils serviront de linceul à son enterrement futur. Wade a d’ailleurs passé ces trois dernières semaines à l’engueuler sans retenue, comme il sait très bien le faire. Il est assez odieux pour chanter ses louanges en public, alors qu’il lui prépare la tombe.
Cette énième « trahison » n’est qu’un prétexte. Son raisonnement sur les raisons de ce boycott est absurde, mais il ne sera pas un obstacle au déroulement de son plan. La refondation qu’il annonce a commencé depuis la confection des listes de son parti pour les législatives. 67% de ceux qui seront élus sur les listes du Sopi n’y ont jamais mis les pieds, et le reste, à quelques exceptions près, est composé d’anciens du Parti socialiste. Le prochain Parlement, puisqu’il faut y inclure le Sénat, ressemblera jusqu’au moindre détail à l’ancien Comité central du Parti socialiste. C’est ce coup d’Etat historique que Wade prépare depuis plusieurs années en mettant partout comme tête de listes des personnes qui devraient se retrouver en prison. Le gouvernement qui sera mis en place, c’est devenu un secret de polichinelle, sera le club des quarantenaires « amis de Karim Wade », auxquels s’ajouteront les débauchés des autres partis de l’opposition qui accepteront de soutenir ses ambitions successorales. Et il faudrait s’attendre à des retournements de situation inattendus, parmi ceux qui ont participé à ces élections. On ne peut pas, comme l’a fait Ajpads, engager sa crédibilité dans ces élections, et se réveiller le lendemain comme si tous les jours se ressemblaient. Ces élections législatives ont été sans doute les moins populaires, mais elles ont été les plus transparentes de toute l’histoire de ce pays. S’ils se font battre par Robert Sagna, Landing Savané et ses amis devront changer de métier et aller faire autre chose.

Wade, croyez-moi poussera son projet hégémonique jusqu’à son extinction finale. C’est pourquoi, ce serait une erreur grossière, de prendre le boycott pour une fin, et non un moyen. La fin de cette mascarade prendra plus qu’un simple « n’allez pas voter ». Le boycott a été un grand moment de délibération. La libération doit être l’œuvre de chacun, pris individuellement. Nous avons malheureusement, ces sept dernières années, passé notre temps à nous demander ce qui va arriver, sans jamais nous demander ce qu’il faut faire. C’est ce qui a permis tous les projets machiavéliques et tous les desseins criminels de se réaliser.
J’ai trouvé, cette semaine, des esprits assez démoniaques, pour justifier ce qui vient d’arriver à mon ami Talla Sylla. La mécanique du Sopi a créé des monstres qui pensent que le sang versé et la mort peuvent être justifiables. Abdoulaye Wade, rappelez-vous, s’était permis, après son agression le 05 octobre 2003, de dire que Talla Sylla « n’a rien », qu’il a juste été « corrigé ». Le commandant Sow a déposé sur le bureau du juge, un dossier qui ne laisse l’ombre d’aucun doute quant aux auteurs de ce crime. Ils sont les mêmes, qui ont exécuté à la lettre l’ordre d’assassiner Me Babacar Sèye. Ces bandits embrochés étaient ses bras armés, ils sont devenus sa tête.
Ce qu’ils ont fait à ce valeureux combattant est encore plus lâche, puisqu’ils lui ont laissé la vie sauve en lui enlevant toute raison de vivre. Nous avons fermé les yeux, priant pour ce que ce ne soit pas nous, allant parfois chercher une justification dans son « impolitesse ». Et il s’en fout tellement, le démocrate Wade, qu’il est allé squatter les couloirs du somment du G8, pour prendre des photos avec des chefs d’Etat. Il se dit qu’il a laissé des sujets (c’est la seule explication qui me passe par la tête) capables de supporter les coupures de courant, la cherté de la vie, pendant qu’il se la coule dans sa couche royale quelque part, à Heiligendamm, sur les rives de la Baltique.



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