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Campagne arachidière ratée : Aliou Dia prédit un exode rural sans précédent

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Campagne arachidière ratée : Aliou Dia prédit un exode rural sans précédent

Malgré la promotion faite autour de la Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (Goana), l’Etat du Sénégal a eu d’énormes difficultés pour réussir cette première campagne de commercialisation de l’arachide. Aussi le président de ‘Forces paysannes’, Aliou Dia, prédit-il un exode rural comme le Sénégal n’en a jamais connu depuis très longtemps.

Wal Fadjri : Comment avez-vous vécu la suspension de la campagne de commercialisation de l’arachide de cette année ?

Aliou Dia : Mal ! Et je regrette cet état de fait pour plusieurs raisons. D’abord, la campagne de commercialisation a démarré tardivement. Ce qui s’est traduit par une inertie dans le secteur qui était presque paralysé durant cette période. Ensuite, l’Etat, malgré ses nombreuses promesses, n’a pas mobilisé assez de ressources financières pour acheter la totalité de la production d’arachide de cette année. Et pire, cette année, comme la précédente, il a encore supprimé une partie de la subvention qu’il allouait pendant la campagne de commercialisation. En 2007/2008, il avait mis 40 francs Cfa de subvention, mais en 2008, il a enlevé les 25 francs Cfa. Cette année, il a fait de même pour les 15 francs Cfa qui restaient de la subvention. En définitive, on peut retenir que l’Etat du Sénégal a opté pour le prix le plus bas. Ce qui fait que le prix du kilogramme de l’arachide est devenu dérisoire. En résumé, l’Etat du Sénégal n’a pas mis les préalables pour permettre aux différents acteurs du secteur de bénéficier des fruits de leur travail.

Wal Fadjri : N’est-ce pas un paradoxe face à toute la publicité faite autour de la Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (Goana) ?

Aliou Dia : Absolument, c’en est un ! Surtout que c’est la première campagne de commercialisation des produits de la Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (Goana). Et ne serait-ce que sous cet angle, les pouvoirs publics se devaient de mettre les bouchées doubles pour répondre aux attentes des acteurs. Une manière ainsi de convaincre ceux qui hésitaient encore à retourner vers la terre que cette activité peut bien nourrir son homme. Et pourtant, on encourageait les gens à retourner à la terre en disant que toutes les dispositions étaient déjà prises pour acheter la totalité des productions. Alors qu’en réalité, on n’avait même pas mis sur pied un mécanisme de commercialisation, encore moins de ressources financières à même d’acheter la production. On nous a parlé d’une société qui allait acheter toute la production. Malheureusement, rien n’a été fait depuis.

Wal Fadjri : Pourtant, l’Agence de régulation des marchés (Arm) a déclaré mettre en place un schéma de commercialisation des produits de la Goana.

Aliou Dia : Ce schéma n’est que théorique. Dans la pratique, rien n’a été fait. Ceux qui le disent trompent le chef de l’Etat. L’Agence de régulation des marchés (Arm) n’a rien mis de concret. Et je peux vous dire même que la Goana n’a plus la cote dans la campagne.

‘Les villes vont refuser du monde (…) Les paysans seront obligés de descendre sur Dakar où ils auront plus d’opportunités pour s’assurer le minimum vital. Seuls les enfants et les personnes âgées vont rester sur place’

Wal Fadjri : Quelles seront les conséquences de cet échec sur le monde rural ?

Aliou Dia : La suspension de cette campagne de commercialisation de l’arachide va accentuer les difficultés du monde rural. Le paysan ne compte que sur sa production pour subvenir à ses besoins. Ses revenus ne dépendent que de ses récoltes. Et s’il ne parvient pas à les écouler à temps, il sera confronté à deux problèmes majeurs. D’abord, celui de la dette. Car, depuis la campagne de l’année dernière, les paysans n’ont plus d’argent. Par conséquent, ils continuent de s’endetter pendant l’hivernage. Pire, ils ne parviennent même pas à commercialiser leurs productions. Et accablés qu’ils sont par les différentes sollicitations et les besoins de la famille, ils ne peuvent que bazarder leurs produits.

Cette année, on assistera à un exode rural sans précédent. Les villes vont refuser du monde. Parce qu’on sort d’une disette qui avait obligé l’Etat à injecter une enveloppe de 10 milliards de francs Cfa pour soutenir les paysans. Et si ces mêmes paysans se retrouvent maintenant dans ces conditions, ils seront obligés de descendre sur Dakar où ils auront plus d’opportunités pour s’assurer le minimum vital. Seuls les enfants et les personnes âgées vont rester sur place. Les femmes et les jeunes vont envahir les villes.

Cela va aussi décourager les jeunes qui avaient fait le pari de retourner à la terre pour répondre à l’appel du président de la République. C’est ainsi le malaise dans le monde paysan qui est à genoux, perplexe et ne sait plus à quel saint se vouer.

Wal Fadjri : Qu’en sera-t-il de la prochaine campagne de commercialisation ?

Aliou Dia : Avant de parler de la prochaine campagne, intéressons-nous d’abord à la stabilité dans le monde rural. Car la stabilité est le socle sur lequel on se base pour réaliser quelque chose de pérenne. Autant donc dire que la prochaine campagne est d’ores et déjà compromise.

Wal Fadjri : En tant qu’acteur influent dudit secteur, pourquoi n’avez-vous pas tiré la sonnette d’alarme à temps ?

Aliou Dia : Dieu sait que je l’ai fait avant même le début de la campagne. Car j’avais constaté à l’époque que les conditions n’étaient pas réunies pour réussir cette campagne et qu’on allait droit vers un échec cuisant. J’avais dit, à cette époque, que l’Etat du Sénégal n’avait pas pris ses dispositions pour réussir la campagne de commercialisation de l’arachide. Il ne disposait pas d’assez de ressources financières pour faire face à ses obligations et acheter la totalité de la production. Il avait également beaucoup de dettes envers les huiliers et les opérateurs qui lui avaient déjà fourni des semences. Et j’étais persuadé que si l’Etat ne payait pas ces dettes, ces opérateurs auraient du mal à bénéficier de crédit auprès des banques et institutions de micro-finance. Et dans ces conditions, ce ne sont que les paysans qui allaient en pâtir. Car non seulement ils seront obligés de bazarder leurs productions, mais ils risquaient de ne pas y avoir même d’acquéreurs. Ce qui est arrivé avec la suspension par les Ops de leurs opérations.

Wal Fadjri : Comment prépare-t-on une bonne campagne de commercialisation ?

Aliou Dia : Une campagne de commercialisation, on la prépare comme on prépare une campagne agricole. Après que les autorités eurent d’abord fait des estimations sur la production, elles doivent subventionner pour avoir une bonne production, avant de trouver les fonds nécessaires pour acheter les récoltes des producteurs. Il s’agit également pour les pouvoirs publics de créer les conditions d’une bonne commercialisation avec un schéma bien étudié et bien exécuté. En définitive, il ne suffit pas de créer des conditions de production, il faut aussi trouver des mécanismes efficaces de commercialisation.

Wal Fadjri : Face à tous ces problèmes que vous avez soulevés, qu’y a-t-il lieu de faire pour permettre au paysan de vivre de ses activités ?

Aliou Dia : Je demande à mes compatriotes de recourir à la consommation locale. Nous allons faire un plaidoyer en encourageant les paysans à utiliser les moyens du bord pour vivre de leurs activités. Qu’est-ce qui oblige les paysans à vendre le gramme d’arachide à 125 francs Cfa et retourner acheter le litre d’huile à 1 200 francs Cfa ? Ce qui veut dire qu’ils sont obligés de vendre presque 6 kg d’arachide pour avoir un litre d’huile. Ils doivent désormais trouver les moyens de faire, eux-mêmes, leur propre huile, au lieu de l’acheter très cher. Et cet exemple de l’arachide en est un parmi tant d’autres.

Wal Fadjri : N’assiste-t-on pas à une mort programmée de la filière au Sénégal ?

Aliou Dia : Effectivement. Cette filière arachidière traverse, depuis de nombreuses années, nombre de difficultés dues à beaucoup de facteurs. Car, au-delà des facteurs climatiques, le problème est à chercher au niveau de la gestion de cette filière qui fait vivre 11 000 des 14 000 villages du Sénégal. Malheureusement, les résultats sont encore et toujours médiocres. Les estimations n’ont jamais été atteintes et le déficit vivrier est quasi-permanent. Ce qui a conduit à la mise en circuit d’un marché parallèle dense. Et contre toute attente, cette situation aura des répercussions sur la filière et sur l’économie en général.

Wal Fadjri : Quelle est la solution pour sauver cette filière ?

Aliou Dia : Elle est simple. Il faut aller dans le sens de trouver des solutions idoines pour permettre à la filière arachidière de survivre et de pouvoir bénéficier de graines de qualité. Il est opportun de créer un climat de confiance entre les personnes qui tournent autour de l’arachide et un partenariat suivi entre les producteurs et la Suneor. Heureusement que la société d’huilerie a déjà pris l’option d’aller dans le sens d’une filière productive, en achetant 200 tonnes de semences pré base qui serviront à fournir des graines de qualité après avoir été fructifiées au niveau de la vallée du fleuve Sénégal.



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