Monument de la renaissance - Octroi de terres a une société Nord-coreenne : Wade fait un troc à 11 milliards

Construction du Monument de la Renaissance africaine : Me Wade échange 11 milliards de terre contre une statue de bronze

La visite des chantiers que Me Wade a effectuée le 3 avril dernier, quelques heures avant de prononcer officiellement son discours à la Nation, a remis à l’esprit des Sénégalais un projet que l’on croyait abandonné : celui de la construction du Monument de la Renaissance africaine, sur l’une des collines de Ouakam, les fameuses Mamelles. Cela a d’ailleurs été l’occasion de se rendre compte que, une fois de plus, les dirigeants du pays n’hésitent pas à mettre les moyens quand il s’agit de satisfaire des caprices éloignés des préoccupations urgentes de leurs concitoyens.

Le Monument de la Renaissance africaine, que le président Wade veut faire ériger sur l’une des Mamelles de Ouakam, en face du phare, va contribuer à exacerber encore plus les problèmes fonciers dans la capitale. Malheureusement, cette fois-ci, ce ne sera pas pour quelques petits arpents de terre juste en mesure d’ériger une ou deux villas. Non, ce dont on parle ici, ce sont des terres d’une valeur de onze milliards de francs Cfa. Même dans des quartiers où le mètre carré est devenu prohibitif, cela représente quand même d’importants hectares de terre !

Ces terres devront être cédées à l’entreprise coréenne qui va ériger cette statue censée glorifier et représenter l’Afrique débout. Pour montrer à quel point il tient à son joujou, le Président Abdoulaye Wade était allé visiter ce chantier le 3 avril dernier, à quelques heures de délivrer son message solennel à la Nation pour la fête de l’Indépendance. Incidemment, c’est en ces lieux qu’il avait évoqué l’idée de défiscaliser les salaires de la Fonction publique, pour permettre aux fonctionnaires de gagner une somme globale de cinq milliards de francs Cfa.

Le projet n’a rien de secret, et selon les proches du Chef de l’Etat, il avait même fait l’objet d’un protocole d’accord annoncé de façon officielle. Il n’empêche, en cette période de crise généralisée, avec les difficultés qu’ont les Sénégalais pour accéder à la propriété foncière, beaucoup jugent presque scandaleux que les pouvoirs publics envisagent sans sourciller, de donner des terres d’une valeur de 11 milliards de Cfa, à une entreprise étrangère, en échange d’un monument, aussi prestigieux pourrait-il être.

De plus, la nature du troc n’est pas encore précisée. Les Nord-Coréens seront-ils détenteurs du titre foncier, ou ne vont-ils disposer que d’un bail ? Quel que soit le genre de tractation arrêté, ils ne seront certainement pas perdants. Même avec un bail de 99 ans comme il est de coutume, un capitaliste, fût-il le dernier des Staliniens de la terre, a le temps de récupérer sa mise et de réinvestir ses profits. Alors que rien ne garantit que le bronze échangé pourrait tenir 50 ans. Il suffit de voir les statues érigées à la gloire du communisme en Union soviétique, ou de Saddam Hussein en Irak. Même le souvenir commence à en être perdu, pour tous ces pays concernés.

Cela n’empêche que, tant Mansudae Overseas Project Group, l’entreprise nord coréenne, que les autorités sénégalaises, les partenaires ici concernés sont convaincus que leur transaction va aboutir sans anicroche. Les concitoyens de Kim Jong Il ont officiellement posté le projet sur leur site web, dans sa version française, en précisant exactement ce qu’il va coûter. Et la visite de Me Wade sur les chantiers démontre à suffisance que la partie sénégalaise n’est pas celle qui traîne les pieds.

En fait, semble-t-il, il ne reste que de petits détails à mettre au point. Il s’agit notamment, de déterminer et localiser les terres qui seront concédées aux constructeurs. Le concepteur du projet de la Renaissance africaine, l’architecte-ingénieur Pierre Goudiaby Atepa a répondu au téléphone depuis l’Arabie saoudite où il avait accompagné le chef de l’Etat, pour dire que ce sera à sa connaissance, un accord qui va concerner la mairie de Dakar et l’entreprise coréenne. C’est, pour lui, un exemple d’entreprise où tout le monde est gagnant. Il a ajouté que l’ouvrage devrait être livré dans 26 mois.

Bien qu’auteur du projet qui a été retenu, M. Goudiaby est resté discret sur la part qui lui revient. Le seul commentaire qu’il a fait est : «J’ai dit au Président que cette fois, je suis sûr que je vais me faire payer au moins, comme ce sont les Coréens qui réalisent cet ouvrage.» Interpellé sur le fait que l’on échange des terres contre une statue au moment où il est si difficile d’en trouver, il a rétorqué : «Mais non, il ne manque pas de terres. Il y en a suffisamment.» Sachant sa proximité avec le président Wade, on peut s’aventurer à croire que la même certitude habite le chef de l’Etat, qui n’hésite pas à faire des «cadeaux» de cette nature.