Ministre-conseiller à la présidence de la République, M. Amadou Lamine Faye est, depuis août 2006, le Coordonnateur de l’Alliance panafricaniste dont la mission consiste à promouvoir les Etats unis d’Afrique. Dans cet entretien, il soutient qu’il y a un problème de communication autour des grands chantiers du président Wade. Et le projet de Monument de la renaissance en est une parfaite illustration.
L’Alliance panafricaniste est une idée du président de la République, Me Abdoulaye Wade. C’est au cours d’un dîner en 2006 qu’il a eu l’honneur de me confier la mission de lancer un mouvement qui a pour objectif de promouvoir les Etats unis d’Afrique par les peuples. Par les peuples, nous voulons dire par là qu’il faut aller au niveau des quartiers, de l’université et auprès de toutes les catégories sociales pour porter le projet du futur par les jeunes et les femmes. Pour aller très vite vers les Etats unis d’Afrique, il faut faire en sorte que ceux qui élisent les présidents s’approprient de l’idéal panafricain. Comme ça on aura des présidents panafricains. Si on a un président panafricaniste dans les 53 pays d’Afrique, nous réaliserons tout de suite les Etats unis d’Afrique. Donc, il faut passer par les peuples. C’est la voie la plus sûre pour la réalisation du rêve des pères fondateurs du panafricanisme, parmi lesquels je peux citer Kwame Nkrumah, Cheikh Anta Diop...
Je dois rappeler que la création de cette Alliance panafricaniste a été officiellement et publiquement déclarée par le président Wade à Salvador de Bahia en 2006. C’était au cours de son discours prononcé à l’occasion de la conférence des intellectuels et artistes noirs qu’il a lancé un appel aux mouvements noirs d’adhérer à l’Alliance. Même si l’idée a été émise dans un cadre restreint en présence de Djibril Diallo basé aux Etats-Unis, Amadou Lamine Faye et Macky Sall, Premier ministre à l’époque.
Perception des Africains de cette Alliance
Après avoir lancé cette Alliance, nous avons procédé au réseautage. Aujourd’hui, nous avons plus de 900 clubs au Sénégal. Et la moyenne des clubs, c’est 50 personnes. Au Sénégal, notre présence est plus remarquable à Dakar, Rufisque, Thiès et dans la partie méridionale du pays. En Afrique occidentale, nous sommes très présents en Côte d’Ivoire, Bénin, Guinée, Togo, Mali et Burkina Faso. Au niveau de la Diaspora, l’Alliance est très présente au Brésil qui est la deuxième patrie des Noirs du point de vue de la population. Suite au travail de terrain que nous avons fait au Brésil, je suis nommé citoyen d’honneur de la ville de Salvador, le 12 août par 74 Ong du mouvement noir brésilien qui lutte pour la réhabilitation des « Kilongbos ». Force est de reconnaître que Me Wade est reconnu, aujourd’hui, au niveau de la Diaspora comme le leader incontesté du panafricanisme, c’est-à-dire quelqu’un qui leur offre des perspectives de vivre le rêve du retour en Afrique. Nous avons fait aussi le tour des Caraïbes où est né Marcus Garvey. Il s’y ajoute que nous assistons aujourd’hui à un panafricanisme en action, c’est-à-dire qui veut réaliser le rêve des Etats unis d’Afrique avec un mode opératoire. Un mode opératoire bien élaboré et achevé même si on peut toujours l’enrichir. Aujourd’hui, Wade est plus connu dans le champ politique. Les gens oublient que c’est un intellectuel qui est venu à la politique. Il est un professeur agrégé, entré au panafricanisme déjà lorsqu’il était étudiant. C’est à cette époque qu’il a reçu une lettre de Kwame Nkrumah. Et depuis lors, il est devenu son continuateur. Sa mission consiste à contribuer à promouvoir le rêve de Nkrumah : réaliser un jour les Etats unis d’Afrique.
Abdoulaye Wade est d’abord un intellectuel
D’ailleurs, j’ai sorti énormément de concepts pour mieux faire connaître l’homme, son itinéraire et son combat. J’ai sorti le concept de personnalité historique pour montrer que dans l’histoire de l’humanité, les personnalités historiques se situent au moment où il y a des tournants historiques où les peuples sont devant la nécessité de prendre en charge un destin. Et Me Abdoulaye Wade est devenu l’héritier le plus fidèle, le pertinent des pères fondateurs du panafricanisme. Il a pu faire la synthèse de toutes les propositions et de tous les legs des pères fondateurs du panafricanisme pour en faire un mode opératoire décliné en axe d’orientation. Donc, c’est ça qui est un peu absent quand on parle d’Abdoulaye Wade. Beaucoup de gens ne parlent de lui qu’à travers son parcours politique qui est une déclinaison d’une vision d’un intellectuel. Et moi je suis en train de réunifier la pensée intellectuelle de l’homme pour montrer que les actions qu’il est en train de dérouler tirent leur source dans une pensée intellectuelle élaborée et structurée. Il vit pour les Etats unis d’Afrique et le panafricanisme. Voici une autre idée très noble de l’homme, mais hélas mal comprise. Aujourd’hui, l’espace public est pollué par des discours très politiciens. Cette situation s’explique par une concurrence politique déloyale contre un homme et le rêve qu’il nourrit pour son peuple. Finalement, c’est une polémique qui vise à faire oublier toutes ses réalisations pour l’émergence de ce pays qu’il aime tant.
Le Monument de la renaissance africaine
En ce qui concerne le monument, je veux inviter les Sénégalais à réfléchir. S’ils veulent faire valoir l’idée selon laquelle nous sommes musulmans à 95 %, on ne doit pas avoir de statuts au Sénégal, ils vont condamner tous les actes consistant à réaliser une œuvre d’art dans ce pays. Ce monument est une œuvre d’art, symbole de la lutte au seuil du panafricanisme. Il n’est pas un symbole destiné au culte. Son créateur veut que Dakar devienne un lieu de mémoire de la résistance et de la renaissance négro africaines. Il s’agit, en d’autres termes, de faire de cette ville un pool mondial où le mouvement noir pourrait se ressourcer et mieux se fédérer afin d’engager le combat final du 21ème siècle qui doit faire de l’Afrique la future puissance économique du monde. Donc, c’est clair que ce monument n’est rien d’autre qu’une œuvre d’art et non un lieu de culte. Les gens doivent éviter de créer l’amalgame. Ce monument, une fois de plus, veut polariser la conscience historique du peuple noir dans sa lutte pour la renaissance. L’homme et la femme portent leur espoir sur l’enfant qui va porter notre projet de la renaissance africaine.
Communication autour du monument
A cause d’un déficit de communication depuis l’an 2000, la vision de Me Wade est mal vue, c’est-à-dire difficilement perçue par les Sénégalais. Il faut reconnaître qu’il y a un problème de communication autour des grands projets de Wade. L’alternance a réussi à mettre en œuvre de bonnes initiatives pour développer ce pays. Elle a fait des choses grandioses en 5 ans que d’aucuns ne sont pas parvenus à réaliser pendant 50 ans. Mais son échec se situe au niveau de la communication. C’est là où on a montré notre faiblesse. Naturellement c’est à ce niveau que les gens mènent une bataille sans merci pour noyer toutes les réalisations.
Me Abdoulaye Wade et la postérité
Ce que les nouvelles générations doivent retenir de l’homme Abdoulaye Wade consiste à savoir que chaque peuple, dans un moment de l’histoire, face à des défis historiques, découvre un homme capable de les conduire vers le progrès. Le Sénégal, après avoir expérimenté pendant 50 ans un modèle d’adaptation aux fondamentaux du colonialisme où les Etats sont des enfants gâtés du Fmi qui, de l’extérieur, a imposé des modèles de développement qui ont montré leurs limites et échecs. Et c’est en ce moment que Me Wade est venu pour trouver une alternative crédible sanctionnée par une croissance accélérée.
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